Le moral des cadres s’est dégradé en 2020, en partie à cause de la crise du Covid-19. Nombre d’entre eux s’inquiètent pour leur emploi et leur carrière, selon le dernier baromètre Kantar – CFDT Cadres. Et s’ils apprécient le télétravail, généralisé depuis un an, ils se plaignent de la persistance de “difficultés structurelles”.
“Les cadres ont les moyens professionnels de s’adapter à la crise sanitaire. Mais pour 29 % d’entre eux, les changements actuels sont mal gérés, et ils sont la même proportion à ne pas se sentir aidés par leur hiérarchie pour s’y adapter”, constate la CFDT Cadres, dans sa dernière étude sur les “attentes professionnelles et statutaires” des cadres, publiée le 27 janvier 2021. (1)
Un télétravail plébiscité par les cadres, mais des points d’insatisfaction
Cette enquête, menée pour le syndicat par Kantar, se penche sur la situation des cadres dans le contexte de la crise sanitaire, ainsi que sur leurs conditions de travail et leur état d’esprit. Elle nous apprend tout d’abord que 95 % des personnels d’encadrement continuent à travailler, dont 83 % à temps plein et 12 % en activité partielle. Ils sont aussi 48 % à pratiquer le télétravail. Concrètement, 23 % sont en “full remote”, et 25 % “alternent entre leur lieu de travail et leur domicile”.
Pour autant, outre le manque d’aide de la part de leur hiérarchie, les cadres en télétravail pointent du doigt plusieurs autres obstacles à leur travail. S’ils sont en majorité (83 %) satisfaits de leurs conditions de travail (espace de travail, équipement), 4 points de vigilance sont ainsi à noter dans l’étude. Parmi les cadres en télétravail, les principales insatisfactions sont d’abord la question de l’équilibre vie pro-vie perso (24 %) et “la réalité” de leur droit à la déconnexion (27 %). Ils sont ensuite 20 % à déplorer une dégradation de la “qualité des liens” avec leur hiérarchie, tout comme avec leurs collègues / collaborateurs.
Du reste, si 80 % d’entre eux anticipent des changements dans “les manières de travailler” à l’issue de la crise, ils sont partagés sur la nature de ces changements. Ainsi, 37 % les imaginent “plutôt positifs“, 18 % “plutôt négatifs”, et 45 % “à la fois positifs et négatifs”. Les jeunes sont plus nombreux à avoir une vision positive des changements possibles (44 %).
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Des difficultés persistantes et un “vrai mal-être”
“Les cadres ont le sentiment d’avoir la capacité d’adaptation et l’agilité nécessaire pour faire face à ces circonstances exceptionnelles. Mais ils expriment aussi un vrai mal-être et font part de difficultés structurelles multiples et régulières”, indique la CFDT Cadres dans son étude.
60 % disposent de “suffisamment d’autonomie et de marges de manœuvre dans leur travail”. Que ce soit pour gérer des projets, remplir leurs objectifs ou en discuter. Mais ils sont la même proportion à se dire “incapables de porter les décisions de leur hiérarchie.”
Ils rapportent ainsi des “difficultés” persistantes et fréquentes pour “expliquer les décisions de la direction à leurs collaborateurs” (60 %), pour motiver leurs équipes (59 %), pour “faire accepter leurs décisions” (56 %), ou encore pour “évaluer la performance” des salariés (55 %).
Face à cela, 70 % des cadres veulent développer leur expertise. 50 % d’entre eux estiment “avoir besoin d’être formés pour manager” des équipes. Or, 30 % ne bénéficient pas de formations (internes ou externes), et 37 % déplorent le fait de “ne pas être informés sur leur CPF”.
Dans leur travail, les cadres disent pouvoir compter sur le soutien de leur équipe (86 %) et de leur responsable hiérarchique (72 %). Mais ils sont aussi nombreux à indiquer ne pas avoir le sentiment de pouvoir se reposer sur leur équipe dirigeante (36 %) et sur la DRH (35 %).
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Des cadres inquiets pour leur carrière
La crise du Covid-19, qui rend l’avenir flou, tend à renforcer la baisse de moral des cadres. Nombre d’entre eux sont ainsi inquiets pour leur carrière : 35 % ont peur de perdre leur emploi (52 % des moins de 35 ans), et 36 % d’être “déclassés” ou “placardisés” dans les mois à venir.
63 % des cadres redoutent aussi de voir leur rémunération bloquée et 58 % de devoir “appliquer des décisions avec lesquelles ils ne sont pas à l’aise”. 56 % appréhendent aussi de subir prochainement “des changements qui dégradent leurs conditions de travail”. Finalement, ils sont 51 % à craindre de voir “leur carrière bloquée”.
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« Être cadre ne veut plus dire grand-chose »
L’étude, qui se penche aussi sur les attentes des cadres, permet de constater qu’ils sont plus que jamais en quête de sens. 90 % d’entre eux s’accordent sur une définition de leur statut : “être cadre, c’est prendre des décisions, piloter des projets et expertiser. Mais sous deux conditions : l’autonomie et les moyens de la polyvalence”.
Mais si les personnes interrogées jugent la fonction « importante pour eux » (79 %), elles tendent à perdre leurs illusions. Ainsi, pour 57 % des répondants, “être cadre ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui”, et leurs missions “ne correspondent pas à la réalité professionnelle”. En outre, 61 % des cadres attendent de leur entreprise qu’elle “affirme sa raison d’être et son rôle sociétal”.
Les cadres se rejoignent enfin sur d’autres améliorations dont ils auraient besoin pour “mieux vivre leur travail” : trouver un meilleur équilibre vie pro-vie perso (73 %), être “davantage reconnus” (71 %), avoir les moyens de développer leurs compétences (70 %), et obtenir “plus de soutien” de leur hiérarchie (66 %).
(1) Enquête réalisée en ligne, du 1er au 11 décembre 2020, auprès d’un échantillon représentatif de 1 053 cadres, dont 775 exercent dans le secteur privé, et 278 dans le public.