Prendre la tête d’une nouvelle équipe en tant que manager n’est pas une sinécure. En particulier lorsqu’on n’a jamais exercé cette fonction auparavant ou que l’on change d’entreprise. Il s’agit de trouver un équilibre entre la gestion du collectif, l’attention portée à chaque individu et la réalisation des objectifs de l’entreprise. Cette période charnière, souvent pleine de promesses mais aussi de risques, exige une préparation rigoureuse et une prise de recul stratégique. Hervé Bommelaer, consultant en outplacement chez Enjeux Dirigeants et co-auteur avec Didier Rolland de l’ouvrage « 12 Clés pour réussir sa prise de poste » (éditions Eyrolles), confie quelques ingrédients indispensables pour gérer cette transition, pas toujours évidente.
Manager : les défis cachés d’une prise de poste
Jennifer Lancirica, directrice marketing chez UKG (Ultimate Kronos Group) pour l’Europe de l’Ouest et du Sud, a récemment pris la responsabilité d’une équipe de 15 personnes. Au-delà de sa fonction, les défis qu’elle a rencontrés ont principalement été liés à l’appropriation de la culture d’entreprise. « Même si l’on en discute lors des entretiens, il faut ensuite confronter le discours à la réalité. Il s’agit de vérifier si mon approche du management est en phase avec les valeurs de l’entreprise. » Pour y parvenir, la manager a rapidement proposé un atelier original à son équipe : « Intitulé Les étiquettes, il avait pour objectif de discuter avec chaque membre de l’équipe de sujets potentiellement sensibles. Par exemple, l’heure à laquelle on fixe des réunions. Cela peut rapidement devenir un point de discorde. Mieux vaut en parler dès le début d’une collaboration et établir des règles de fonctionnement communes. »
L’autre point crucial est de comprendre les attentes individuelles en matière de management. Pour cela, « n’essayez pas d’être quelqu’un d’autre ou de suivre des modes managériales, souligne Jennifer Lancirica. J’insiste beaucoup sur l’écoute : faire confiance aux expertises internes et faire émerger toutes les idées afin d’en discuter. » Et pour renforcer rapidement la cohésion de l’équipe, elle a misé sur une dynamique de reconnaissance : « Célébrer rapidement les victoires collectives aide à instaurer un climat de confiance. »
La transition entre deux managers est également un exercice délicat : « Il est essentiel de comprendre l’historique individuel et collectif avant de lancer des actions », explique-t-elle. Même chose avec les autres départements : l’enjeu est de construire rapidement des relations transversales pour favoriser la collaboration.
7 fondamentaux pour réussir sa prise de poste
- Tourner la page et se projeter
« Que l’on ait quitté un précédent poste volontairement ou traversé une période de transition après un licenciement, il est essentiel de tourner la page pour réussir la prise de fonction », souligne Hervé Bommelaer. Cette étape est plus ou moins facile selon le contexte.
- Après un licenciement : « La difficulté est de faire le deuil de son ancien job et de se préparer mentalement à l’avenir. Il faut profiter de cette période pour se projeter. » Cela peut inclure la mise à jour de son profil LinkedIn, un geste concret qui permet de s’aligner avec le nouveau rôle et de rassurer aussi sa future équipe.
- Dans le cadre d’un changement de poste volontaire : « Tourner la page est plus simple, mais attention à ne pas tomber dans une comparaison systématique en faisant référence à son ancienne expérience », alerte Hervé Bommelaer.
- S’appuyer sur un coaching d’intégration
Pour bien s’intégrer dans une nouvelle entreprise, il est essentiel d’être à l’écoute des signaux faibles. Hervé Bommelaer recommande de ne pas affronter cette étape seul : « Se faire accompagner d’un “buddy” peut grandement faciliter l’intégration. » Ces personnes, souvent désignées en interne, permettent de détecter les codes informels de l’entreprise et d’éviter les faux pas. « Savoir si l’on se tutoie, comment on s’habille, comment on interagit en réunion… Ce sont des détails qui peuvent sembler anecdotiques, mais ils jouent un rôle important pour éviter les erreurs d’intégration. »
- Comprendre les attentes et poser un diagnostic
Il est primordial de prendre le temps d’écouter et de détecter les attentes des différentes parties prenantes : « Il faut cerner ce que le N+1 et/ou N+2 attendent : ces attentes sont parfois désalignées ! », explique Hervé Bommelaer. Cela implique également de comprendre la dynamique au sein de l’équipe et les relations entre les membres du Comex : « Il n’est pas rare d’hériter de situations complexes et tendues qu’il faut oser appréhender, voire désamorcer. »
Un équilibre est à dresser entre observation et action : « Les premières victoires doivent être rapides mais subtiles. Il ne s’agit pas de bouleverser l’ordre établi dès l’arrivée, mais de marquer son territoire doucement tout en agissant avec discernement. » Ceci exige une intelligence émotionnelle et situationnelle, un sens aigu de l’écoute et de l’analyse des signaux parfois difficiles à interpréter.
- Créer du lien avec son équipe
Rencontrer chaque membre de l’équipe en tête-à-tête est un incontournable : « Cela crée d’abord un climat de confiance et permet de mieux comprendre les dynamiques individuelles et collectives », explique Hervé Bommelaer. Pour cela, l’expert recommande de noter toutes les informations transmises lors de ces interactions, car elles peuvent être déterminantes pour des prises de décision futures : « Les collaborateurs apprécient d’être écoutés, c’est un excellent moyen de créer du lien et de poser les bases d’une relation de confiance. »
- Éviter le syndrome du bon élève
« L’intégration ne se fait pas uniquement par le travail, mais aussi par les interactions sociales. Allez à la rencontre de vos pairs, participez aux déjeuners et aux pauses café ! » Selon Hervé Bommelaer, c’est quasi mathématique : plus un nouveau manager développe de connexions, plus il ou elle pèse dans l’entreprise. Chaque occasion – réunions, déjeuners, team building… – est une opportunité pour bâtir un réseau solide.
- Prendre les décisions au bon moment
Dans les premiers mois, il est crucial de poser un diagnostic sur son équipe et l’environnement. « Ainsi, il sera plus aisé de prendre des décisions, même difficiles, comme se séparer de certaines personnes. C’est parfois nécessaire pour affirmer son leadership », explique Hervé Bommelaer. Côté décision, il n’est pas nécessaire d’innover à tout prix : « Il y a souvent des petites actions visibles et utiles qui peuvent déjà faire une différence sans bouleverser le fonctionnement interne. »
- Savoir-être et respect indéfectible
On le sous-estime souvent, mais l’un des piliers de la prise de poste est le savoir-être. « Par exemple, le fait d’être ponctuel, de traiter les personnes d’égal à égal, de remercier et de féliciter. Ce sont des pratiques essentielles qui se perdent parfois, noyées dans les incivilités numériques. » En effet, selon Hervé Bommelaer, la pandémie a exacerbé certains comportements inappropriés auxquels il faut veiller lors de la prise de poste, « en ligne comme en personne », afin de favoriser un environnement de travail respectueux et collaboratif.