Contrairement à ce que l’on peut en penser, la période d’essai ne répond à aucune obligation légale. Et l’idée de sa suppression trotte dans l’esprit de plus en plus de responsables RH. La démarche, motivée par l’avantage proposé aux futurs collaborateurs, se fonde avant tout sur un lien de confiance renforcé. Exemple avec le groupe Rémy Cointreau.
Dans le contexte du marché de l’emploi post-Covid, avec les difficultés des entreprises à recruter et à fidéliser certains profils, des innovations RH apportent de nouveaux leviers à explorer. Parmi elles, la suppression de la période d’essai est expérimentée par certaines grandes entreprises. C’est le cas de la Saur, un des leaders français de la distribution d’eau potable, qui a franchi le cap depuis mars 2021 et fut le premier grand groupe à mettre en œuvre le dispositif sur l’ensemble de son réseau (la Saur a reçu le prix de l’innovation RH en 2021 pour cette initiative). Ainsi, l’entreprise a embauché plus de 2 000 personnes en 2022, sans période d’essai donc. Une initiative qui fait parler, et qui intéresse. « J’ai contacté le DRH de la Saur pour en savoir plus parce que l’idée m’est apparue très intéressante et comme pouvant répondre à plusieurs enjeux de recrutement tout en s’alignant avec nos valeurs », explique Marc-Henri Bernard, directeur des ressources humaines du groupe Rémy Cointreau, qui compte 2 000 salariés, dont 800 en France. « J’ai regardé nos statistiques, pour savoir dans quelle mesure nous mettons fin à des périodes d’essai ou nous en renouvelons, et la réalité à confirmé mon intuition, ces cas sont à la marge et n’ont que peu d’impact, précise-t-il. Nous avons donc commencé à travailler sur l’idée de la suppression en interne auprès des équipes RH, et la démarche a été lancée en avril 2022″.
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Lien de confiance
Pendant que beaucoup d’entreprises font part de leurs difficultés à attirer des talents, difficultés qui deviennent dans certains cas de véritables freins à la productivité et à la croissance, les organisations s’essayant à la suppression de la période d’essai observent déjà des retours positifs. « Après un an de pratique, le premier constat c’est qu’il y a très peu d’échecs de recrutement, malgré l’absence de d’assurance apportée par la période d’essai, et que dans les quelques cas où cela arrive, il y a d’autres solutions comme la rupture conventionnelle. Surtout, on constate l’étonnement des candidats lorsqu’ils apprennent notre démarche, mais notre message insiste vraiment sur le lien de confiance renforcé. Si on recrute une personne, c’est que nous misons sur sa personnalité et ses compétences et que nous lui accordons notre pleine confiance immédiatement », rapporte Marc-Henri Bernard.
De fait, Cointreau s’est définitivement converti à la pratique : plus de période d’essai, bien que certains candidats s’en étonnent ou tentent de la négocier. Mais le DRH l’affirme, « nous ne faisons pas d’exception. Il s’agit d’un parti pris assumé. Certaines personnes ne sont pas à l’aise avec cette idée et nous le respectons, mais nous leur disons alors que cela ne pourra pas marcher chez nous. Et ce au nom de la confiance réciproque et pour éviter toute rupture d’équité entre nos collaborateurs. »
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Responsabilisation des recruteurs
S’agissant de l’adoption du dispositif en interne, les équipes se mettent au diapason, et la suppression de la période d’essai constitue également un levier de valorisation des équipes RH et des recruteurs. « Le message est clair : plus de période d’essai donc plus de parachute ou de droit à l’erreur en quelque sorte. Avec l’idée que par cette décision, nous renforçons le niveau d’exigence des recrutements et donc des recruteurs« , ajoute le DRH de Cointreau. Du côté des recrutés, l’intérêt est également pratique, notamment vis-à-vis des démarches personnelles et administratives comme l’obtention d’un prêt bancaire ou les transactions immobilières, souvent ralenties durant une période d’essai. Sans oublier le stress inhérent à ces moments d’incertitude. Une personne embauchée commence son intégration tout de suite en ne craignant pas de se retrouver à nouveau au point de départ dans les mois qui suivent. « Cela permet aussi d’approcher plus facilement des profils plus expérimentés lors des recrutements, qui hésitent à prendre le risque de perdre l’ancienneté acquise dans leur précédente entreprise si jamais leur période d’essai n’est pas validée chez nous », complète le DRH.
Si chaque cas est différent et si certains secteurs nécessitent la validation de compétences techniques précises, notre spécialiste est un convaincu : l’intérêt de la période d’essai est discutable et sa suppression peut s’appliquer à la plupart des organisations.