Tribune – Le télétravail est tendance. Et c’est même une “véritable révolution” pour 71 % des Français[1] ! S’il n’est pas réellement ancré dans la culture française, il est pourtant pratiqué par 16,7 % des salariés[2], et ce au moins une journée par semaine. Mais concrètement, le télétravail est-il une solution efficace au quotidien ? Les managers doivent-ils céder à l’appel des collaborateurs qui sont nombreux à vouloir travailler depuis leur domicile ou des tiers-lieux ? Quelles sont les alternatives en termes d’organisation du travail ? Par Arnaud Devigne, directeur général Indeed France.
Un atout pour la marque employeur
Les chiffres sont sans appel : 73 % des travailleurs qui ne pratiquent pas le télétravail aimeraient pouvoir en bénéficier[3] ! Ceux-ci souhaitent principalement équilibrer leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Ils pensent aussi être plus productifs à domicile. Pour plus de la moitié d’entre eux, le principal frein est le refus de leur hiérarchie. Les conséquences ? Un sentiment de frustration chez les salariés et une impression de ne pas être digne de confiance. En conséquence, si l’entreprise accepte, elle marque un point important, soigne sa marque employeur, attire plus largement les talents et fidélise ses salariés. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi la start-up Automattic, éditrice de la solution de création de sites web WordPress, qui a fermé ses bureaux et favorise le travail en ligne pour ses 550 salariés. Dès 2005 (année de sa création), ces derniers avaient le choix entre : “travailler à domicile” ou “travailler dans les locaux de la société”. Cette nouvelle organisation n’a en rien nui à leur croissance : Automattic vaut aujourd’hui 1,2 milliards de dollars. Faut-il pour autant pousser le télétravail à cet extrême ? Pourquoi ne pas mettre en place le télétravail sur une période précise ? Par exemple, l’été est souvent synonyme de baisse d’activité pour de nombreux secteurs : il serait judicieux d’adopter de nouveaux rythmes et horaires au lieu de contraindre les collaborateurs au “présentéisme” dans des locaux largement désertés. C’est une bonne alternative pour tenir compte du bien-être des collaborateurs ! Automattic a fait le choix du télétravail. Mais ce mode de travail convient-il à tous les profils ?
Un mode de travail adapté aux nouvelles générations…
Ce n’est pas un secret : les générations Y et Z rêvent d’une entreprise agile et “flat” ! Elles ont envie d’évoluer dans un environnement de travail moins hiérarchisé, moins complexe et moins politique. Pour eux, la flexibilité est aussi une qualité importante : ils privilégient une société souple au niveau des horaires et du lieu de travail. Le télétravail apparaît alors comme une organisation idéale, parfaitement adaptée à leurs aspirations et au monde du travail qui ne cesse d’évoluer. C’est aussi ce que pense Frédéric Plais, dirigeant de Platform.sh : “Ça ne m’intéresse pas de savoir à quelle heure travaillent mes salariés. Ce qui m’importe, c’est la qualité de leur travail”[4]. Bien évidemment, une telle organisation est possible pour les postes ne dépendant pas d’unités de production physique ou étant en contact avec la clientèle. C’est pourquoi le secteur “tech”, qui allie une main d’œuvre jeune, qualifiée, autonome et une faible dépendance au monde physique, fait figure de laboratoire pour ces nouvelles pratiques.
… mais voué à l’échec chez certains profils
La réalité du télétravail n’est cependant pas aussi rose pour tous ! C’est une approche différente. Certains salariés peuvent vite déchanter, à commencer par ceux qui ressentent un fort besoin de côtoyer physiquement, de façon très régulière leurs collègues et leur direction. Le danger pour eux est alors de se sentir isolé, livré à eux-mêmes, et ce malgré la présence des outils numériques et des messageries instantanées. C’est aussi le cas des salariés qui ont besoin d’un cadre ou de feedbacks très réguliers. Enfin, ceux se fixant des objectifs trop élevés auront des difficultés à séparer vie personnelle et professionnelle, ce qui peut engendrer du stress, voire un burnout.
Si le télétravail n’est pas adapté à certains salariés, il n’est pas non plus conseillé pour certains managers ! Ceux qui aiment surveiller et contrôler leur équipe de près se sentiront frustrés. Les responsables qui sont friands de la culture du présentéisme ne seront pas à l’aise avec ce mode de travail, alors que la présence à rallonge n’est en rien un gage de travail bien fait ! Réglementer le télétravail à outrance n’est pas non plus la solution et va même à son encontre. Là encore, les télétravailleurs se sentent épiés, frustrés voire pas à la hauteur. La confiance est donc primordiale pour que le télétravail soit une réussite. Certaines entreprises comme Yahoo ont d’ailleurs mis fin au télétravail. L’une des raisons invoquées par Marissa Mayer (PDG de Yahoo) serait le manque de productivité des télétravailleurs, tous postes confondus[5].
La solution ? Une nouvelle vision du travail !
Aujourd’hui, 93 % des jeunes actifs ne veulent plus travailler dans un bureau classique[6]. Tout l’enjeu est donc de proposer un environnement de travail propice à la performance et à l’épanouissement. Rien ne sert d’avoir une vision totalitaire : désormais, c’est le flex office qui prime !
Chaque environnement de travail permet de réaliser efficacement des tâches précises :
- Domicile : travailler chez soi, au calme, est un avantage pour réaliser des tâches nécessitant réflexion et concentration.
- Open space : ce type de bureau peut être loué à la demande pour communiquer plus facilement et encourager l’interaction. Par exemple, c’est le lieu idéal pour la gestion de projet.
- Booth : la cabine permet de s’isoler, de téléphoner ou de participer à une visioconférence.
- Salle de réunion : lieu propice à l’échange d’idées, elle sert à réunir les équipes et à faire le point sur un sujet.
Choisir un espace de travail adapté ne suffit pas ! Une réflexion sur la culture du travail au sein de l’entreprise est nécessaire pour que chacun sache où il évolue. Concrètement ? Il s’agit d’encourager la qualité et non le contrôle, de dôter les salariés d’outils numériques performants et pertinents pour leur poste et d’adopter le mode “test & learn” quant à ces formes de travail.
Qui dit télétravail dit organisation et souplesse pour mieux vivre le travail au quotidien et profiter de ses réels avantages. Le risque est de le sur-réglementer et donc de casser sa promesse !
[1] Etude RH Kronos
[2] Etude RH Kronos
[3] Infographie Orange Business
[4] Huffington Post
[5] Business Insider
[6] Infographie Orange Business