Tribune – Le lean management, est un modèle d’organisation qui vise le plus juste. Ce modèle a été créé par Toyota dans les années 60 pour améliorer la production de leurs usines. Womack et Jones (1994) et Wilson (2010) ont décrit le lean comme une façon d’éliminer les pertes de productivité, par l’ensemble des acteurs du processus. Il est considéré comme un modèle de performance globale, permettant d’assurer une amélioration continue de la qualité. Alors, quels sont les limites et l’impact de l’implémentation du lean dans une organisation ? Par Benjamin Farcy, Consultant mc2i Groupe.
Le lean une culture japonaise
Les dimensions théoriques pour conceptualiser les processus sont :
– la participation des employés
– la créativité
– la résolution des problèmes par le processus
– la décentralisation
Le lean management dans sa description théorique semble être efficace. Cette méthode consiste à prendre en compte les erreurs de fonctionnement, pour améliorer en continu l’action d’un appareil donné. En se basant sur des indicateurs de performance quantifiables, le salarié se voit attribuer une vraie autonomie. Lui permettant par exemple, d’arrêter un processus immédiatement lorsqu’une erreur est détectée pour la corriger sur place. Avec une hiérarchie bien définie et en rationalisant les processus, les coûts peuvent être optimisés.
Depuis le départ, cette stratégie séduit mais les résultats sont mitigés, industriellement et humainement. À l’inverse de la culture américaine, le postulat est basé sur la demande, ce qui permet d’harmoniser l’appareil, de gagner en agilité et en flexibilité.
Les valeurs et les normes qui sous-tendent le lean peuvent créer un conflit avec la culture qui existe déjà au sein de l’organisation. Une telle divergence retarde l’adhésion et la performance. La prise en compte de la culture de l’entreprise a été jugée utile, pour équilibrer la mise en œuvre. Les implémentations qui ont échoué sont liées au manque de compréhension des dimensions culturelles alignées sur le lean management. Il est clair qu’il existe une dualité, entre le besoin de contrôle et le besoin d’innovation. Cela doit passer par une culture organisationnelle équilibrée et bien gérée pour empêcher une partie d’écraser l’autre.
Contexte et limites du lean management
La réduction du temps perdu semble être centrale dans la manière de créer de la valeur. La méthode s’articule autour de trois segments de “déchets” :
· MUDA – éliminer le gaspillage
· MURA – réduire et lisser la variabilité de la demande
· MURI – supprimer la surcharge des équipements et des salariés
C’est donc dans cette philosophie que la culture de l’entreprise va être imprégnée pour améliorer le rendement et la qualité. “Ohno” désigne le Muri (surcharge des personnes et des équipements) comme cause première du gaspillage. Il conseille, par une réserve de capacité, de faire face aux variations de la demande en évitant les effets d’engorgement et leur propagation lorsque le système est sous tension. Des conditions très précises de viabilité sont à prendre en compte. Avec l’arrivée des générations Y et Z, le lean ne pourra pas perdurer. Dans ces usines, la flexibilité externe, la sous-traitance et la jeunesse de la main d’œuvre sont des facteurs clés de succès. Si ces conditions ne sont pas réunies alors l’entreprise est plus vulnérable. Les causes sont donc l’intensité du travail, les horaires atypiques, le stress et les troubles psychologiques. Dans tout autres types d’environnements de production, une organisation basée sur du lean est sujette à des crises de flexibilité qui risquent de faire effondrer le système. L’amélioration continue et le respect des personnes est une dualité dans le lean. Le développement de procédures opératoires standards est un principe essentiel, ce qui peut décourager les employés de participer et d’adhérer à la formation. La mise en œuvre requiert des ressources humaines qualifiées car l’amélioration et l’exploitation des connaissances mènent à un avantage concurrentiel. La culture organisationnelle influe sur la performance parce qu’elle affecte les comportements individuels. Mettre l’accent sur les processus sans prendre en compte l’humain, est une source d’échec dans la mise en œuvre du lean dans les pays européens. Dans le cadre de cette réflexion, les nouveaux modes de production inspirés du toyotisme et qui, aujourd’hui, se diffusent au-delà de l’industrie sont souvent remis en cause.
L’impact humain
La connaissance d’effets non désirés du lean sur la santé n’est pas vraiment une découverte. Le juste à temps, l’un des piliers du lean manufacturing, a été associé au début des années 90 à la progression des Troubles Musculo-Squelettiques (enquête épidémiologique sur TMS et Travail).
Le fait de réduire les coûts et d’augmenter la flexibilité est présenté comme un avantage compétitif, créant des performances supérieures. La culture organisationnelle influe sur le succès de l’implémentation et du maintien des processus lean. C’est un facteur clé de succès, car la culture détermine le rejet ou l’acceptation d’un processus ou d’une idée. Les méthodes et l’historique de l’entreprise sont la base de la culture organisationnelle.
Si la socialisation est réussie, cela crée un engagement organisationnel fort. Les membres mal socialisés peuvent rester des “étrangers ”en termes de groupe ou de cercle social organisationnel. “Sur ces deux décennies, nous constatons une progression de la mise en place du lean, pas seulement quantitative (nombre croissant d’entreprises), mais aussi qualitative (mutation plus en profondeur). Les années 90 ont été celles de l’expérimentation partielle et ponctuelle de certaines applications (5S, SMED, Kanban…) alors que ces dernières années consacrent sa doctrine, avec des changements plus radicaux de modèles de gestion, de conception et de management”. C’est en ce sens que certains professionnels disent que la prise en main du lean est en lien avec la posture professionnelle des collaborateurs.
Selon Bourgeois les principales limites du lean font émerger trois demandes principales :
1- Une correspondance entre lean et amélioration du travail, visent au sens propre l’accompagnement de sa mise en œuvre. Elles se manifestent à travers l’attrait du lean pour une certaine ergonomie.
2- Savoir modifier ce qui a été mis en place, et à se défaire d’une emprise trop forte de la doctrine. Ces demandes rendent compte, cette fois, d’une différence entre l’approche lean et le besoin de retrouver une latitude d’arbitrage vis-à-vis de ces approches.
3- Enfin, un troisième niveau de demande, émanant notamment des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), porte sur la mise en visibilité de l’aggravation des conditions de travail – notamment en termes de densification – et des effets sur la santé.
Ainsi, si cette méthode s’avère efficace quant à la restructuration d’une organisation ; le lean management présente des limites humaines non négligeables. Ces limites viennent impacter la productivité en diminuant l’engagement et la coopération des collaborateurs. Ce sont les deux piliers de la productivité avec le leadership, donc ils doivent être pris en compte. De plus, se baser uniquement sur des indicateurs de performance quantifiables, ne permet pas de se focaliser sur l’aspect immatériel de la productivité. C’est pourtant essentiel dans la mise en place de la chaîne de valeur de l’entreprise.
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L’Auteur
Benjamin Farcy est Consultant mc2i Groupe