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Salariés aidants : « Les managers doivent savoir distinguer les signaux faibles »

En France, entre 8 et 11 millions de personnes s’occupent d’un proche porteur d’une pathologie lourde ou d’un handicap, dont 4,5 millions d’actifs. À l’occasion de la journée nationale des aidants, ce vendredi 6 octobre, Nathalie Gateau, directrice de l’action sociale du groupe de protection sociale Apicil, décrypte les enjeux de l’accompagnement des salariés aidants et présente les initiatives d’Apicil en la matière.

En quoi l’accompagnement et le soutien des salariés aidants est-il un enjeu important ?

L’engagement pour les aidants est un peu un corollaire du vieillissement de la population en France et de l’allongement de la durée du travail. Comme la population vieillit et que l’on travaille plus longtemps, nous aurons plus à nous occuper de nos parents durant notre vie d’actifs. Sans oublier les personnes concernées par des accidents de la vie ou un enfant handicapé ou malade.

De fait, les aidants actifs vont se multiplier. On estime pour 2030 leur nombre à 7 millions, contre 4,5 millions aujourd’hui. Il faut et il faudra se préoccuper de cette population en entreprise et les accompagner dans leur activité, en premier lieu vis-à-vis de la gestion de leur temps. C’est un vrai sujet sociologique, il faut se préparer sans attendre le pic de la pyramide des âges en 2030.

Cet accompagnement commence par l’identification des salariés en besoin de soutien ?

Il faut faire preuve d’une certaine pédagogie auprès des managers pour qu’ils comprennent et qu’ils identifient les collaborateurs qui ont besoin d’une écoute particulière et d’une adaptation d’horaires par exemple. Il est important d’avoir des managers qui savent distinguer les signaux faibles pour apporter le soutien et l’accompagnement nécessaires. Apicil propose ainsi des formations en ligne et des webinaires en interne sur le sujet, par exemple sur le thème « Acquérir les bonnes pratiques et postures managériales auprès de collaborateurs fragilisés« .

Il faut aussi la capacité d’apprécier les softs skills que peuvent acquérir ces salariés dans ces situations et qui se révèlent parmi les salariés aidants. Les salariés aidants sont souvent des couteaux suisses qui arrivent à gérer un emploi du temps très chargé, et qui peuvent développer de nouvelles compétences. Savoir gérer son temps, son stress, faire preuve de résilience, savoir rebondir, autant de qualités qui peuvent être très utiles à l’entreprise.

Quels sont vos principales initiatives d’accompagnement pour vos salariés aidants ?

En premier lieu, nous avons plusieurs dispositifs ciblés, comme les dons de RTT ou de jours de congés de la part des collègues des salariés aidants ou des congés supplémentaires à hauteur de 18 jours ouvrés par an. Sans oublier les classiques aménagements d’horaires et passages au temps partiel ou au télétravail selon les situations. Ces dispositifs ont fait l’objet d’un accord collectif en février 2023, pour intégrer l’aidance dans le dialogue social avec nos parties prenantes. Et nous souhaitons aller plus loin en obtenant le label Cap’Handéo, qui distingue les entreprises engagée pour les aidants.

Aussi, depuis 2020, nous animons le « café des aidants », un groupe de parole mensuel co-animé par l’assistante sociale et une psychologie externe. La volonté est de créer des opportunités d’échanges entre collaborateurs aidants, pour discuter de leurs problématiques communes et de leurs façons de les gérer. Cela permet de remarquer des situations de détresse visible grâce à l’écoute, pour ensuite reporter ces informations avec l’accord du collaborateur aux services RH pour permettre aux aidants d’accéder à des services gratuits ou d’être orientés vers des associations spécialisées.

L’enjeu est-il d’éviter le décrochage et l’épuisement des aidants ?

Je pense qu’il faut aider les aidants et leur tendre la main. Pour identifier ces fameux signaux faibles et favoriser la prise en charge, nous travaillons notamment avec la fondation France Répit, qui rend accessible une échelle pour mesurer l’épuisement de l’aidant. L’outil d’évaluation s’appelle J’aide, Je m’évalue et repose sur des méthodes scientifiques éprouvées. C’est un outil d’évaluation et de prévention pour lutter contre l’isolement et l’épuisement. Le but est de faire prendre conscience aux aidants des risques d’épuisement, grâce à un questionnaire rapide et anonyme. C’est un outil intéressant à connaître pour les managers, pour recommander à leurs collaborateurs aidants de faire le test s’ils observent des signaux de fatigue ou de décrochage. À l’issue, cela permet de prendre conscience des aménagements à opérer. C’est important que ces initiatives viennent de l’entreprise et du management, ce n’est pas facile pour certains salariés de parler librement de leur situation d’aidant.

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