Qui n’a jamais assisté ou participé à un clash au milieu de l’open space ou en réunion ? Qui n’a jamais senti la colère monter face à un collègue ? Qui, sous le coup de l’émotion, ne s’est jamais emporté ? Tous, nous avons déjà vécu des conflits au travail. Et pour cause : ce sont des incontournables de la vie professionnelle. Côté managers, ils sont souvent redoutés, par peur de ne pas savoir les gérer. Malheureusement, ils ne se résolvent jamais seuls. Plus on attend, plus ils s’enveniment et risquent de se propager. “Il ne faut pas en avoir peur, avance Latifa Gallo, sophrologue et coach, spécialisée dans la gestion des émotions et du stress, auteure des 50 règles d’or de la gestion des conflits au travail, à la maison (Larousse). Un conflit bien géré est toujours constructif, il fait avancer les relations et l’équipe.”
Devenir un manager coach
Face aux conflits, il peut être tentant pour un manager de ne pas intervenir, en espérant que celui-ci va se régler tout seul ou de considérer que ses collaborateurs doivent se débrouiller. Ou encore de prendre parti. Trois écueils dans lesquels il ne faut pas tomber, estime Latifa Gallo : “Le rôle du manager est celui du manager coach, capable d’accompagner ses collaborateurs dans les conflits, d’adopter la posture la plus neutre possible, d’être juste, équitable, en prenant du recul par rapport à la situation, et de les aider à trouver des solutions ensemble”. Une position qui nécessite du courage : celui de prendre à bras le corps le problème, mais toujours avec bienveillance.
La Communication Non Violente (CNV) peut aider à adopter cette posture de médiateur. “C’est une communication bienveillante et empathique, qui permet un dialogue constructif d’adulte à adulte co-responsables. Bien utilisée, elle devient un savoir vivre avec les autres, décrypte Clémentine Lego, coach et médiatrice CNV, auteure de Ces liens qui nous révèlent (Leduc). Pour dénouer un conflit, nous partons toujours des faits et du contexte pour arriver à quelque chose de créatif en trouvant une solution ensemble.” Prenons le cas d’un feedback négatif, qui, mal réalisé, peut dégénérer en conflit. “Un manager est aussi responsable de l’échec d’un collaborateur, estime-t-elle. Si l’un a fait une erreur sur un dossier, il s’agit d’argumenter avec des faits précis, sans jugement de valeur, de dire les choses sans blesser l’autre, de s’exprimer sans violence, pour que la personne comprenne, possède les pistes concrètes pour éviter de se tromper.”
Ecouter ses émotions
Face à la colère, au stress, à la frustration générés par les conflits, c’est notre cerveau reptilien, responsable de l’instinct de survie, qui va parler en premier et s’exprimer généralement trop fort, trop brutalement. Faire preuve d’intelligence émotionnelle, c’est savoir attendre que les émotions (à commencer par les siennes !) soient retombées pour gérer le conflit. Et ne pas hésiter à reporter une conversation si l’on sent encore trop d’énervement. C’est aussi apprendre à ne pas prendre les choses personnellement. “On est beaucoup plus sensible au conflit quand on a des problèmes extérieurs. La personne en face peut être énervée car elle a des soucis personnels, a mal dormi… Parfois, on est juste au mauvais endroit, au mauvais moment”, indique Latifa Gallo. Le rôle du manager ? Essayer de comprendre ce qui se passe sans être trop intrusif. La coach précise : “On peut demander à son collaborateur s’il a des soucis. Lui dire qu’il n’est pas obligé d’en parler mais qu’il le peut s’il le souhaite. On ne peut pas faire sans les émotions, sans ce que les gens vivent en dehors du travail”.
Savoir reconnaître ses torts
Le manager lui-même n’échappe pas à cette règle ! “Si c’est nous qui nous sommes emportés car nous vivons une situation personnelle difficile et que nous le regrettons, c’est bien de le dire, conseille Clémentine Lego. Cela peut permettre une compréhension de la part de l’autre et expliquer une attitude exceptionnelle. Il peut être difficile de parler de ses émotions mais la CNV aide à ouvrir quelque chose de soi pour créer les conditions favorables d’un dialogue sincère et constructif.” Le manager parfait n’existe pas. Bien manager les conflits, c’est aussi savoir reconnaître ses torts, que l’on s’est trompé. “Un manager tout puissant ne motive pas, ajoute Latifa Gallo. Certains pensent que s’ils excusent, leur posture va être remise en question. Pas du tout !” La coach cite l’exemple d’un directeur d’un centre de la grande distribution qui s’était rendu compte, lors d’un coaching, que son management était trop autoritaire et directif. “Il a démarré une journée de cohésion d’équipe avec 20 encadrants en disant : ‘Je sais que j’ai ces défauts, j’y travaille. Surtout, je crois en vous. Sans vous, je ne pourrais rien faire, on avance super bien’.” Une belle remise en question qui “a donné à son équipe encore plus envie de le suivre”.