Quelles sont les grandes formes d’autorité aujourd’hui ?
Il existe au sein de nos sociétés démocratiques deux formes d’autorité : la première, celle que nous utilisons depuis des siècles, est l’autorité séculaire. Elle a recours à la soumission pour faire respecter les règles établies. Cette forme d’autorité met en place une relation où l’un des deux individus possède tout le pouvoir. C’est une relation dominant – dominé, sachant – apprenant, ou encore donneur d’ordre – exécutant. Si l’ordre formulé par le détenteur du pouvoir n’est pas respecté, l’exécutant sera aussitôt sanctionné. Ce type d’autorité présente des avantages importants comme l’efficacité, la performance, et encore de bons résultats sur du court terme. La figure d’autorité suscite à la fois peur et admiration chez ses interlocuteurs. Mais, si cette autorité est utilisée de manière excessive, elle se transforme en tyrannie et fait souffrir les individus. Ces derniers feront tout pour s’en dégager en partant le plus loin possible.
La seconde, plus récente, est apparue pendant la période faste des Trente Glorieuse, c’est l’autorité par engagement. L’avènement du capitalisme, puis des réseaux sociaux, a rendu les individus plus libres et donc plus enclins à se rebeller contre les figures d’autorité. Moins contraignante, cette autorité transfère le pouvoir d’un individu à l’autre. Elle aussi présente des avantages : motivation, innovation, autonomie, confiance, climat bienveillant et encore de bons résultats sur du long terme. Mais là encore, si cette autorité est utilisée en excès, si la figure d’autorité est trop permissive, cela va créer des conditions de maltraitance pour certains individus d’un groupe, comme par exemple une injuste répartition des tâches.
Quelles conséquences le recul de l’autorité a-t-il dans les entreprises ?
Le recul de l’autorité dans tous les pans de la société depuis environ 50 ans a eu un impact notoire sur les entreprises, et notamment sur les managers intermédiaires. Ces derniers ont beaucoup de responsabilités, mais peu de pouvoir. lls se retrouvent souvent dépourvus d’outils leur permettant d’atteindre leurs objectifs. De plus, ils font face à la double injonction contradictoire d’être exigeant et bienveillant à la fois. Dès qu’ils tentent de faire bouger les choses, ils prennent des risques. Résultat : ils n’osent pas prendre de décisions audacieuses, ils se désinvestissent progressivement jusqu’à devenir passifs au sein de l’organisation.
Le retour d’un management autoritaire est-il nécessaire ?
Oui et non. Un retour du management autoritaire n’est pas souhaitable – comme on peut le voir dans de nombreux pays où des figures populistes supposées incarner l’autorité sont élues – car les dégâts sont trop importants. Cependant, un retour de l’autorité dans le management est souhaitable. Il s’agit de trouver le bon dosage entre autorité et engagement. Actuellement, ces deux formes d’autorité entrent en conflit, car nous avons tendance à les opposer et à penser qu’elles sont irréconciliables. Or, les deux sont nécessaires pour obtenir une performance collective durable. Les entreprises doivent développer, selon moi, trois axes : sensibiliser leurs équipes (managers ou non) à ses questions d’autorité de sorte à leur ouvrir de nouvelles grilles de lecture sur l’environnement en perpétuelle mutation dans lequel elles évoluent ; former intensément leurs managers en leur réapprenant à donner des ordres tout en favorisant la culture du feedback ou encore en leur indiquant comment bien dialoguer sans tomber dans les pièges de l’empathie ; et enfin, leur faire intégrer régulièrement les contraintes changeantes du marché du recrutement, comme les nouvelles attentes des jeunes générations, différentes de celles de leurs prédécesseurs en raison d’une résistance plus faible à la frustration. Ces profils juniors, ayant toujours vu leurs besoins satisfaits immédiatement, devront aussi (ré)apprendre que l’autorité a des vertus.
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A noter qu’en latin, termine Stéphane Moriou, le mot « autorité » s’écrit « augeo », ce qui signifie « augmenter ». Autrement dit, « l’autorité est ce qui fait me grandir et fait grandir les autres. Aussi, pour incarner l’autorité, il faut une prédisposition à aimer les êtres humains, à vouloir les faire évoluer ».
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