Mi-mars 2020, de nombreux salariés français ont déserté les entreprises. Ils se sont retrouvés à travailler à domicile dans la précipitation et de manière imposée afin de se protéger d’un virus venant de Chine. « A ce moment-là, le télétravail était perçu de manière très négative, rappelle Bruno Mettling, président de Topics et auteur du rapport sur les effets numérique au travail, remis en 2015 à Myriam El Khomri, alors ministre du Travail. Pour les entreprises, c’était une forme de vacances déguisées. » Depuis, il s’est largement généralisé et a fini par être adopté par les acteurs du travail tant il présentait d’avantages.
Mais quatre ans après, l’heure des premiers bilans a sonné ! Et le résultat est sans appel : le télétravail, notamment lorsqu’il est pratiqué à temps complet, entraîne des revers importants pour le développement économique des entreprises. Au point que la tendance « RTO or GTFO » – « return to office or get the fuck out » (« revenez au bureau ou dégagez ») – se propage à grande vitesse aux Etats-Unis. Depuis quelques mois, les géants américains de la tech – comme Meta, Amazon, ou Google – somment leurs salariés de revenir en présentiel, plusieurs jours, voire la totalité de la semaine, afin de relancer leurs performances.
Mode de travail hybride
Une tendance qui pourrait traverser l’Atlantique dans les mois à venir. Après s’être demandées ce qu’elles allaient faire des bureaux laissés à l’abandon, les entreprises françaises pourraient emboîter le pas. « La formule hybride, moitié présentiel, moitié distanciel, est le meilleur compromis », affirme Bruno Mettling. Mais selon lui, elles doivent réfléchir à une « véritable stratégie liée à ce mode de travail hybride avant de le pérenniser. Il s’agit de choisir une stratégie, pour ne pas la subir comme en 2020. » En sachant qu’il n’y a « pas une stratégie, mais des stratégies en fonction des secteurs, des entreprises, des métiers. Si certaines organisations décident, par exemple, de ne plus proposer de télétravail, elles perdront en attractivité, mais ce sera un choix stratégique d’entreprise assumé répondant à un objectif précis », souligne-t-il.
Idem pour la pratique managériale. « Elle doit être intelligemment repensée, ajoute le dirigeant. Le management traditionnel ne peut pas se transposer à l’identique lorsque les équipes sont à distance. Pendant ces journées de travail, le manager a tout intérêt à organiser des réunions peu stratégiques, sans pour autant qu’elles soient aussi longues et nombreuses que lorsque les collaborateurs sont sur site. Ce serait trop fatiguant. En télétravail, il s’agit aussi pour le manager de laisser plus d’autonomie aux salariés, mais de leur fixer plus d’objectifs pour s’assurer que le travail soit effectué. A l’inverse, quand ils sont présents au bureau, le manager peut favoriser des temps d’intelligence collective et d’innovation. »
Expérience sociale augmentée
Par ailleurs, si les entreprises souhaitent convaincre les salariés de revenir au bureau, « elles vont devoir donner du sens à cette présence. En proposant, par exemple, une expérience technologique augmentée, grâce à des outils digitaux qu’ils n’auront pas à la maison, ou une expérience sociale augmentée en retrouvant des collègues qu’ils apprécient dans un lieu agréable. Les entreprises devront de nouveau organiser des temps de partages pour recréer une culture d’entreprise forte », poursuit Bruno Mettling.
L’enjeu majeur des entreprises en 2024, c’est donc de « concilier l’impératif de performance, avec le besoin extrêmement fort de flexibilité des salariés, mais aussi de leur aspiration à travailler dans de bonnes conditions, ainsi que de trouver un équilibre harmonieux entre leur vies personnelle et professionnelle. Les entreprises devront apporter de la souplesse aux équipes dans un cadre collectif clair et solide », note-t-il.
Pour rappel, une étude récente de l’APEC stipule que les cadres français ayant recours au télétravail ne pourraient plus se passer de cette pratique, considérée parfois comme un « privilège ». En effet, moins de la moitié des actifs français ont la possibilité de travailler en étant chez eux, loin de leur lieu de travail.