Embauches directes, sous-traitance avec le secteur adapté et protégé, aménagement des postes de travail… Voici quelques leviers que votre entreprise peut actionner pour réussir sa politique handicap et réduire sa contribution par la même occasion. Par Adeline Farge.
C’est désormais ancré dans toutes les têtes. Depuis la loi du 10 juillet 1987, les entreprises de plus de 20 collaborateurs sont tenues de compter au moins 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. Sans quoi elles versent la bien connue contribution financière à l’Agefiph. Elle va de 400 fois le Smic horaire par salarié manquant pour les sociétés de 20 à 199 salariés à 600 fois pour les plus de 750 salariés – voire 1 500 fois pour les entreprises n’ayant engagé aucune action depuis plus de trois ans. Payer l’addition est donc un moyen de se conformer à la loi… mais on n’est loin d’une politique réussie. Quelles solutions concrètes s’offrent aux entreprises ?
S’accorder
Si elles souhaitent être exonérées de leurs contributions, les entreprises ont la possibilité de signer avec leurs partenaires sociaux un accord handicap agréé, généralement pour trois ans, par la Direccte. Celles qui choisissent cette option doivent consacrer le budget qu’elles auraient versé à la mise en place d’actions en faveur des travailleurs handicapés : embauche directe en milieu ordinaire, maintien dans l’emploi, accueil de stagiaires… “Même si elles n’atteignent pas les 6 % durant la validité de l’accord, les entreprises ne contribuent pas à l’Agefiph. En contrepartie, elles ne bénéficient plus d’aides financières ni de soutien méthodologique de l’organisme. Ce choix nécessite une maturité sur le sujet, indique Diane Flore Depachtère, dirigeante du cabinet DFD consulting. Au bout des trois ans, l’entreprise devra prouver à la Direccte que tous les moyens ont été mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. En cas de manquement, elle s’expose à des amendes”.
Recruter et former
Pour débusquer des talents répondant à leurs exigences de diplômes et de compétences, les entreprises peuvent participer à des forums-emploi dédiés à ce public, nouer des partenariats avec les missions handicap des universités et se tourner vers des acteurs spécialisés dans l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, tels que le réseau des Cap emploi. “Notre rôle est de cerner les besoins des employeurs et de les inciter à s’ouvrir à des profils plus atypiques, raconte Pascale Ritter, responsable de secteur du Cap emploi Alsace. Nous leur expliquons que le candidat idéal n’existe pas mais que nous pouvons leur proposer des formations adaptées au métier ciblé.” En amont de la prise de poste, deux dispositifs de formation de courte durée (400 heures au maximum), réservés aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, peuvent être déployés : l’Action de formation préalable au recrutement (AFPR) et la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI).
Après l’embauche effective, une aide financière maximale de 5 euros par heure de formation interne et 8 euros par heure de formation externe est accordée par Pôle emploi. Si l’entreprise ne trouve pas de profils suffisamment qualifiés pour occuper le poste vacant, celle-ci peut les former sur un temps plus long via un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. Selon la durée et le type de contrats, l’Agefiph peut attribuer une aide financière comprise entre 1 000 et 7 000 euros. L’Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) dont l’entreprise relève peut financer tout ou partie du coût restant à charge. De leurs côtés, les Cap emploi accompagneront l’employeur dans le montage financier et l’informeront des compensations du handicap possibles au cours de la formation.
Sous-traiter
Les entreprises ont aussi la possibilité de réduire jusqu’à 50 % leur contribution Agefiph en sous-traitant auprès d’établissements du secteur protégé et adapté un large panel d’activités : logistique, conditionnement, informatique, entretien des locaux et des espaces verts, blanchisserie, restauration … Seul le coût de la main d’œuvre est valorisable sur la déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés. Pour dénicher un partenaire, le plus simple est de se tourner vers les annuaires en ligne du réseau national du travail protégé et adapté, le Gesat, et de l’Union nationale des entreprises adaptées. “La sous-traitance est souvent une porte d’entrée vers des recrutements, estime Sylvain Couthier, président de l’entreprise adaptée ATF Gaia. Certains employeurs ont des préjugés et sont réticents à intégrer des travailleurs handicapés. Nous leur démontrons que même si 80 % de nos effectifs sont en situation de handicap, l’entreprise est performante et leur délivre des prestations de qualité à des prix similaires à ceux de la concurrence.”
Libérer la parole
Rencontre avec les salariés des entreprises adaptées, initiation au langage des signes ou au handisport, briefing sur les différentes formes de handicap… Pour déconstruire les idées reçues et briser les tabous, il est primordial de sensibiliser ses équipes et ses managers. “Ces actions sont indispensables, relève Pauline Robinier, responsable diversité en charge de la mission handicap chez Assystem. Nous mettons en valeur des exemples de réussites professionnelles pour démystifier le handicap et nous communiquons sur les mesures d’accompagnement qui peuvent être mises en place en interne.” Un changement de regard d’autant plus important qu’il permet de rassurer les salariés qui par crainte d’être stigmatisés et freinés dans leur carrière préfèrent cacher leur handicap quitte à se priver de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Alors même que vous en comptez peut-être déjà dans vos effectifs, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul.
Maintenir dans l’emploi
De plus, le statut offre au salarié l’opportunité de bénéficier des compensations nécessaires pour exercer son métier dans des conditions optimales et éviter un licenciement pour inaptitude. Les employeurs sont d’ailleurs soumis à l’obligation d’aménagement raisonnable des postes de travail, même s’ils ne concernent que 20 % des situations. Selon les restrictions médicales de la personne et les contraintes de l’emploi, la mission handicap de l’entreprise en partenariat avec les professionnels de santé au travail (ergonome, médecin, psychologue) ou bien le Sameth (Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés) peuvent préconiser différentes adaptations qui seront prises en charge pour tout ou partie par l’Agefiph : matériel informatique, mobilier ergonomique, assouplissement des horaires de travail. Pour Lionel Larrieu, directeur handicap et diversité de JLO Conseil : “En réfléchissant au maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, les entreprises vont trouver des solutions pour réduire la pénibilité et améliorer les conditions de travail de tous les salariés !”