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« La visio est devenue le mode de réunion par défaut, même quand on est au bureau ! »

Plus d'un cadre sur deux déclare passer trop de temps en réunion. Et beaucoup de ces réunions sont aujourd'hui organisées à distance ou en mode hybride. Non sans quelques travers ! Dans son nouveau livre, "La visio m'a tuer" (Allary éditions), Alexandre des Isnards les retranscrit avec humour sous la forme de saynètes. Toute ressemblance avec votre quotidien n'est peut-être pas fortuite ! Interview.

Après L’Open space m’a tuer (2008) et Facebook m’a tuer (2011), comment est née l’idée de ce livre sur les réunions en visio ?

Alexandre des Isnards. Comme je le raconte au début du livre, c’est vraiment un contact LinkedIn qui m’a interpellé en me demandant à quand un livre sur le télétravail. Si le travail à distance libère, notamment du temps de transports, et permet de s’organiser à sa guise, il a aussi des revers. J’ai ainsi reçu beaucoup de témoignages de télétravailleurs pour qui les visios s’enchaînaient sans pause, avec des agendas surchargés, des journées statiques devant l’ordinateur… Mais le télétravail n’est pas seulement du travail à distance, c’est une révolution dans le monde du travail et dans nos manières de travailler. Ainsi, la visio est devenue le mode de réunion par défaut, même quand on est au bureau, dans le même bâtiment !

Les réunions en 100 % présentiel se font de plus en plus rares…

Alexandre des Isnards. Elles ont en effet quasiment disparu. Les visios sont tellement faciles à organiser – nos agendas partagés étant un peu devenus des « Doctolib » ouverts à tous – qu’elles ont pris le dessus. Elles peuvent être très efficaces et pratiques, mais c’est souvent un joyeux bazar avec des réunions qui se chevauchent. Il y a une notion de seuil au-delà duquel les visios sont fatigantes. Le rythme s’est intensifié. Les interactions sont aussi souvent de moindre qualité. On perd en spontanéité et en convivialité. On ne démarre plus en se disant « Bonjour », mais « Vous m’entendez ?! », on stresse d’oublier son micro et de faire du bruit ou à l’inverse de rester en mute quand on parle. Il y a une forme de brutalité au début et à la fin, on se retrouve seul une fois qu’on a cliqué sur « Quitter ». On se prive des temps dits informels avant et après la réunion, des partages dans le couloir pour débriefer, des échanges en off en chuchotant à son voisin… Ces derniers se font désormais sur WhatsApp ou encore sur Slack, toujours par écrit, à base d’émojis.

Des codes et des usages qui étaient impensables il y a encore quelques années, non ?

Alexandre des Isnards. Oui, tout à fait. Ces changements ont été très rapides, avec tout un vocabulaire dédié et très particulier. Ce jargon peut en dérouter certains. Notre communication a aussi évolué très vite : on met des smileys pour adoucir une demande sinon cela paraît sec, que cela soit dans une messagerie instantanée ou même désormais dans des mails ! En visio, on met des likes avec des cœurs comme on le ferait sur les réseaux sociaux : on a donc encore de la reconnaissance, mais c’est parfois frustrant. Un pouce levé n’a pas la même saveur qu’un message personnalisé, exactement comme quand on vous souhaite votre anniversaire sur Facebook de manière laconique.

Le pire dans tout cela, ce sont les réunions en mode hybride ?

Alexandre des Isnards. Ah ça oui, les gens sont unanimes à ce sujet ! Ce mode de réunion ralentit les personnes qui sont physiquement présentes dans la même salle, et celles en distanciel se sentent évincées. On a tendance à les oublier, elles n’entendent pas les apartés, ne voient pas les échanges de regards… Cela peut créer des quiproquos et des malentendus. Ce n’est souvent pas fluide du tout, et c’est pénible pour tout le monde. Cela transparaît, par exemple, dans la saynète d’ouverture du livre « Mais ils sont où, tous ? » : la réunion qui devait être un temps fort pour l’équipe marketing vire au fiasco. En mode hybride, l’ambiance est sinistre malgré la venue de l’agence pour dresser le bilan d’un an de campagne publicitaire. L’organisatrice, qui avait réservé une salle, se rend compte une fois la réunion terminée que beaucoup des collaborateurs étaient en fait dans les locaux : chacun a suivi les échanges depuis son poste, casque sur les oreilles. Du télétravail au bureau !

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