Burnout femmes travail
Carrière

Efforts moins valorisés, sexisme, surcharge mentale… La souffrance psychique en lien avec le travail est plus élevée chez les femmes

En mars 2024, Santé publique France a publié des chiffres alarmants concernant la souffrance psychique des femmes au travail. Elles sont notamment deux fois plus victimes de burn-out que les hommes. La psychologue clinicienne, Salomé Benhaim-Cohen, du cabinet Stimulus, décrypte cette tendance.

Des chiffres alarmants. D’après l’étude de Santé publique France (SpF), publiée en mars 2024, la souffrance psychique en lien avec le travail a doublé entre 2007 et 2019. Troubles anxieux et/ou dépressifs, burn-out, troubles du sommeil, syndromes de stress post-traumatique… L’agence nationale de santé publique révèle, par ailleurs, que cette souffrance est deux fois plus élevée chez les femmes. Ces dernières sont « souvent consciencieuses, empathiques, loyales, exigeantes vis-à-vis d’elles-mêmes et ont un sentiment de responsabilité à l’égard de l’entreprise. Elles ont des idéaux tyranniques et ont du mal à s’arrêter. Rapidement, elles ressentent de la culpabilité face à une charge de travail trop importante, impossible à abattre », explique d’abord la psychologue clinicienne, Salomé Benhaim-Cohen.

Cette tendance à se préoccuper d’autrui les pousse à endosser « une charge mentale professionnelle », ajoute-t-elle. Comme à la maison, ce sont des tâches supplémentaires – invisibles, non rémunératrices et éloignées de leur fiche de poste -, qu’elles se retrouvent à assumer, contrairement à leurs homologues masculins. Cela peut être « l’organisation des pots de départ à la retraite, la formation de nouvelles recrues, l’entretien des espaces de travail, l’achat de petits-déjeuners avant une réunion », détaille la psychologue. Si ces actions sont jugées non productives – car elles n’entrent pas la mesure chiffrée des objectifs de performance -, elles participent pourtant à créer une bonne ambiance au sein de l’entreprise, et donc à limiter le turn-over sur le moyen terme. Dès 2018, Harvard Business Review publiait ainsi un article intitulé « Pourquoi les femmes se portent volontaires pour des tâches qui n’amènent pas de promotion« .

Frustration et découragement

Mais ce serait trop facile de leur faire porter l’entière responsabilité de cette situation. Le management sexiste – et par définition toxique – joue énormément en défaveur de la santé mentale des femmes au travail. Voire précipite leur burn-out. « En dépit de leurs efforts, les femmes sont moins récompensées que les hommes. Elles travaillent aussi bien, voire mieux, mais continuent de percevoir un salaire inférieur, n’ont pas les mêmes opportunités d’ascension professionnelle… Leurs promotions sont plus lentes et moins fréquentes. Cela génère un sentiment d’injustice, de frustration, de découragement. C’est usant psychologiquement. » Et dans le pire des cas ? Les femmes sont victimes de harcèlement moral ou sexuel. « Le sexisme est encore monnaie courant dans de nombreuses entreprises : cela peut aller de remarques humiliantes à des agressions sexuelles en passant par de la drague lourde », regrette-t-elle.

A tout cela s’ajoute une charge familiale pesante : « Les attentes de la société sont plus fortes à l’égard des femmes. Elles sont conditionnées à prendre soin des autres. En plus de leur travail, elles vont beaucoup s’investir pour leur mari, leurs enfants, leurs parents vieillissants… Souvent elles pensent que les tâches domestiques sont réparties de manière égalitaire. Or, ce n’est pas pareil de déposer un enfant à l’école – comme le fait souvent le père – et d’aller le récupérer le soir – comme le fait souvent la mère – avec tout ce que ça implique en termes d’activités de fin de journée à gérer. Et comme généralement le salaire de la femme est moins élevé que celui de l’homme, le foyer va privilégier la carrière de ce dernier. »

Lâcher prise régulièrement

Afin d’éviter ces situations dramatiques pour les femmes, le manager a un rôle déterminant. « C’est à lui d’observer, de signaler tous comportements déviants, de répartir équitablement les tâches, d’alléger la charge de travail s’il le faut. » Les femmes, de leurs côtés, peuvent « se demander si elles vont bien et lever le pied si nécessaire. L’anxiété chronique n’est pas normale. C’est une pathologie caractérisée par des réactions excessives face à une menace inexistante. » La psychologue leur recommande ainsi de pratiquer des exercices de méditation, de faire du sport, de ne pas négliger leur vie sociale, de solliciter des personnes ressources à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, afin de lâcher prise régulièrement. »

A noter que le « nombre de burn-out chez les hommes est probablement sous-estimé, indique la spécialiste en santé mentale. Pour toutes un tas de raisons, notamment éducatives, ils expriment moins leurs émotions. Certains n’ont même pas conscience qu’ils sont concernés par un épuisement professionnel. De plus, le burnout s’exprime souvent différemment chez eux. Cela peut passer, par exemple, par de l’auto-agressivité. »

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