La désuétude du management à la française aurait fait ralentir le développement économique des entreprises hexagonales ces dernières décennies, d’après Pierre Fournier, fondateur de la Will Academy. « La France persiste dans une culture managériale verticale où les salariés doivent répondre à des objectifs, même si les directives sont mauvaises, regrette-t-il. Ces organisations devraient adopter un management plus horizontal en s’inspirant des compagnies américaines qui réussissent. Depuis les années 1970, leurs pratiques managériales leur permettent d’avoir vingt ans d’avance sur le reste du monde en termes d’innovation ».
1. La vulnérabilité
L’innovation nécessite en premier lieu l’acceptation de la vulnérabilité. Pour faire émerger de nouvelles idées, il s’agit d’essayer, d’échouer et de recommencer. Jusqu’à la réussite d’un projet. Dans son best-seller Le pouvoir de la vulnérabilité, Brené Brown, chercheuse à l’Université de Houston, démontre en quoi adopter une posture de vulnérabilité est bénéfique pour les collaborateurs, et donc pour une entreprise. « Avoir le droit de se tromper pour mieux recommencer génère de l’empathie entre collègues, renforce la confiance envers le manager, et donne envie aux équipes de s’impliquer dans les projets », commente Pierre Fournier. Cependant, en France, ce comportement reste rare car il est perçu comme un signe de faiblesse, d’incompétence. « Cela empêche toutes innovations puisque personne n’ose prendre de risques de peur de ne pas réussir. Et personne ne voudrait avoir à avouer un échec », indique-t-il.
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2. Le feedback stimulant
L’autre clef pour innover, c’est de faire des feedbacks stimulants aux équipes qui osent prendre des risques. Dans son livre First, break all the rules. What the world’s greatest managers do differently (Premièrement, enfreignez toutes les règles. Ce que les plus grands managers du monde font différemment, ndlr), Jim Clifton, fondateur de l’Institut de sondage américain Gallup, théorise une méthode managériale basée sur l’échange de feedbacks réguliers et constructifs. Ce concept est parfois à contre-courant de ce que les entreprises françaises instaurent entre les managers et leurs équipes : « Certaines préfèrent corriger ce qui ne va pas, selon des critères rigides, plutôt que de valoriser les qualités, les réalisations et les contributions d’un collaborateur. Cette approche encouragerait pourtant les employés à s’améliorer, à exceller dans leurs performances, et donc à innover », souligne Pierre Fournier.
3. La franchise totale
Afin que ce feedback stimulant soit efficace, il est également important d’être franc au travail. Kim Scott, ancien salarié de Google et Apple, et auteur du livre Radical candor, how to get what you want by saying what you mean (Franchise radicale, comment obtenir ce que vous voulez en disant ce que vous pensez, ndlr), fait l’apologie de la franchise totale. Une pratique peu répandue en France, car de nombreux managers et salariés n’osent pas aborder les sujets qui fâchent de peur de provoquer des conflits ou de blesser des individus. Pourtant, selon l’entrepreneur Pierre Fournier, ce réflexe professionnel a de nombreux bienfaits : « L’honnêteté favorise la communication interne, en induisant notamment des confrontations positives. Ce qui permet, là encore, de faire émerger créativité et innovation. »
4. L’opposition
Lorsque on mise sur la franchise en entreprise, il faut s’attendre à se confronter à des idées différentes, voire radicalement opposées. Dans son ouvrage No Rules Rules (La Règle ? Pas de règles ! ndlr), le co-fondateur et président de Netflix, Reed Hasting, incite les salariés à aller au bout de leurs convictions. Et ce, même si leur supérieur hiérarchique n’est pas d’accord. Cette dynamique peine également à voir le jour en France en raison d’un « respect encore trop important de la hiérarchie », note Pierre Fournier. « Dire non est souvent interprété comme un signe de désobéissance qui risque de pénaliser le collaborateur. Cela peut, par exemple, le priver d’une promotion ou être un motif de licenciement. Ce contexte finit par brider la parole, la créativité ou encore l’engagement des collaborateurs au sein d’une organisation, au détriment de débats constructifs ou d’alertes contre le surmenage », poursuit le dirigeant.
5. La subsidiarité
En d’autres termes, cela revient à libérer la parole des salariés afin de prendre en compte leur avis. En étant sur le terrain au quotidien, ils maîtrisent parfois davantage certains sujets, et leurs enjeux, que les supérieurs hiérarchiques décisionnaires. Dans son livre L’entreprise, une affaire de cœur. Libérer la magie humaine au service du bien commun, Hubert Joly, ancien PDG de Best Buy, professeur à la Harvard Business School, relate comment il a redonné du pouvoir décisionnel à ces salariés, arguant que le top-management était parfois trop éloigné de la réalité opérationnelle.
« Les entreprises françaises ne doivent pas nécessairement tout copier de leurs homologues américaines, mais prendre le meilleur de ce qu’elles font, comme l’autonomie laissée aux salariés pour innover, afin de répondre intelligemment aux défis économiques actuels et à venir », termine Pierre Fournier.