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Manager : comment gérer un salarié toxique ?

Gérer un salarié toxique peut rapidement devenir un casse-tête pour les managers. Ces individus, par leur comportement négatif et souvent destructeur, peuvent non seulement nuire à la productivité de l'équipe, mais aussi détériorer le climat social. Quelles stratégies et pratiques adopter pour identifier et gérer ces personnalités tout en préservant la dynamique de l'équipe ?

Près d’un tiers des employés interrogés dans une étude Capterra (2022) affirment avoir signalé un comportement toxique dans leur entreprise. Chaque manager a, à un moment donné, rencontré un salarié dont le comportement est jugé problématique : négativité constante, conflits à répétition, manque de respect envers les collègues, ou encore sabotages subtils des projets de l’équipe… Savoir comment gérer ces situations délicates est essentiel afin de maintenir un environnement sain et productif. Alexis Eve, psychologue du travail et fondateur de Yaniro, une entreprise qui coache les équipes dirigeantes et forme leurs managers, propose quelques conseils pour mieux décrypter ces situations, prendre du recul et y faire face. Un exercice managérial pas simple, mais incontournable. 

Qu’est-ce qu’un salarié toxique ?

« Un salarié toxique est un employé dont le comportement et les actions – conscients ou non – ont un impact négatif sur l’environnement de travail, ses collègues et l’entreprise », explique Alexis Eve qui insiste sur les effets délétères et durables sur la santé mentale du manager ou de l’équipe. Or, détecter ces personnes n’est pas aisé car les caractéristiques associées sont diverses. Néanmoins, on peut en relever 6 majeures : 

  • Négativité constante : les salariés expriment continuellement des commentaires négatifs, critiques ou pessimistes.
  • Conflits fréquents : les personnes sont souvent impliquées dans des disputes ou des conflits avec leurs collègues.
  • Manque de respect : ces dernières manquent de respect envers leurs collègues et leurs supérieurs.
  • Non-respect des règles : les employés ignorent ou enfreignent régulièrement les politiques et les procédures de l’entreprise.
  • Sabotage subtil ou manipulation : ils peuvent même tenter de saboter les projets ou les efforts des autres.
  • Absence de responsabilité : ils ou elles refusent de prendre la responsabilité de leurs erreurs et blâment les autres pour leurs échecs.

Nouveau rapport de force au travail : un terreau pour les salariés toxiques ? 

Alexis Eve alerte sur le fait que le pouvoir de nuisance d’un salarié toxique est souvent sous-estimé. Selon lui, il existe un tropisme dans le raisonnement actuel : « Comme nous pensons que les managers ont un pouvoir de domination sur les salariés, il est plus aisé, voire naturel, de parler de managers toxiques que de salariés toxiques. » Le psychologue pointe un changement d’équilibre qui bouscule le monde du travail et affecte les relations managers-managés. « Mis à part dans quelques reliquats organisationnels (armée, conseil…), le management par soumission est beaucoup moins prégnant. La dynamique de pouvoir est davantage flexible et le rapport de force s’inverse doucement en faveur des collaborateurs, notamment dans certains secteurs en tension où les profils sont pénuriques. » En soi, c’est un changement positif pour les rapports sociaux, mais cela rend la gestion des salariés beaucoup plus complexe, notamment ceux qui ne se plient pas au fonctionnement de l’entreprise, d’après Alexis Eve. « L’effet de bord de cette nouvelle dynamique est l’émergence de certains débordements toxiques provenant parfois des salariés. » 

Détecter une personne toxique : mode d’emploi managérial

Alexis Eve propose un panel de solutions pour détecter et faire face à ces situations relationnelles à haut risque. La première est une soupape que chaque manager doit trouver : « Un mentor, des pairs, du coaching… Il faut des espaces de parole pour être en capacité de comprendre la situation. En effet, il n’est pas évident d’identifier des comportements toxiques ; le manager aura tendance à remettre en question ses compétences managériales… », souligne Alexis Eve. Cet accompagnement offre un référentiel et permet, surtout, de sortir des angles morts et d’obtenir des perspectives différentes. En effet, 

Pour détecter les comportements à risque et déterminer s’il s’agit d’un problème lié à l’individu, à la performance ou à la dynamique de l’équipe, Alexis Eve recommande l’utilisation de la règle des 4 “in” : 

  1. Insuffisance professionnelle : il s’agit d’évaluer si un salarié atteint les objectifs assignés. Si la performance est insuffisante, il est crucial de mesurer cet aspect de manière objective. Par exemple, fixer des critères de performance clairs et les comparer aux résultats obtenus permet de documenter les insuffisances.
  2. Incompatibilité : « Une équipe fonctionne selon des règles de vie, des valeurs culturelles et des processus établis. Or, un salarié qui ne respecte pas ces éléments compromet l’harmonie du groupe. » Il est donc essentiel de garantir que ces règles sont bien définies, partagées et explicites. Si un salarié montre des comportements incompatibles, il faut discuter des ajustements nécessaires pour une meilleure intégration, selon Alexis Eve.
  3. Comportements dit « invraisemblables » : certaines attitudes s’avèrent inappropriées et injustifiables, comme arriver systématiquement en retard avec des excuses farfelues. « Pour distinguer ce qui est acceptable de ce qui est rédhibitoire, encore une fois, c’est le regard de pairs expérimentés, de mentors ou des RH qui favorisent un recul objectif. »
  4. Intolérance managériale : ce concept renvoie aux problèmes relationnels spécifiques entre le manager et un salarié. « Il peut s’agir d’incompatibilité de styles de travail, de manque de communication efficace ou de conflits personnels. Travailler sur soi-même en tant que manager, améliorer ses compétences en communication et en gestion des conflits peut concourir à résoudre ces problèmes », insiste Alexis Eve.

Gérer un salarié toxique : l’importance des processus RH 

La période d’onboarding est une étape cruciale pour identifier les comportements toxiques. « C’est la période où le manager doit repérer les signaux faibles car si une personne démarre la collaboration avec des agissements inappropriés, cela risque de se poursuivre », alerte Alexis Eve. Pour éviter les écueils, il est important de bâtir et de suivre un processus impliquant très tôt les ressources humaines. En filigrane, il s’agit de garantir le respect du droit social, de minimiser les risques juridiques et de disposer d’un regard externe sur la situation donnée.

La première étape est d’organiser une discussion formelle avec le salarié pour aborder les problèmes identifiés. « Cette discussion doit être alimentée par des faits concrets et mesurables, sans entrer dans le champ émotionnel ou celui du ressenti. » Ensuite, le psychologue propose de mettre en place un plan d’amélioration commun avec des objectifs partagés. « Cette coopération est cruciale pour offrir au salarié une véritable chance de faire différemment. »

À la fin de la période de test, une réunion doit être organisée pour évaluer les progrès réalisés. « Si des points d’achoppement persistent, il faut essayer d’identifier les raisons de l’échec et proposer une alternative lors d’une seconde période de test », précise Alexis Eve. Enfin, si les problèmes persistent, il est probable qu’il faille envisager un arrêt de la collaboration. « Cette étape doit se faire avec l’assistance des ressources humaines afin de garantir le respect de tous les aspects légaux et procéduraux. »

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