« Ce n’est pas au cerveau à s’adapter à l’organisation, mais à l’organisation de s’adapter au cerveau », affirment les coauteurs du livre ‘Dans le cerveau du manager : décider, mobiliser et donner du sens grâce aux neurosciences’, publié en avril 2024 (Vuibert). Mais pour cela, il s’agit de bien maîtriser les mécanismes cérébraux à l’œuvre, selon David Destoc, coach fondateur d’Oasys Mobilisation, et Bertrand Samson, directeur associé au sein du même cabinet de conseil et de formation en management. Ils ont travaillé pendant plus d’un an avec le professeur Pierre-Marie Lledo de l’Institut Pasteur et du CNRS afin de mettre les études scientifiques (en neurosciences et en sciences cognitives) au service des pratiques managériales. « Si certaines personnes ont une prédisposition naturelle ou un désir d’exercer une fonction managériale, certaines connaissances ne s’inventent pas. Des compétences précises sont à développer », expliquent-ils.
Avantages du management neuro-amical
Tout d’abord, selon les coauteurs, le manager a 3 bonnes raisons de connaître le fonctionnement cérébral, et ainsi d’adopter un « management neuro-amical ». En premier ? Bien se connaître lui-même. « Lorsque le manager connaît le fonctionnement de son propre cerveau, il est mieux équipé pour prendre des décisions éclairées, développer sa confiance en lui, et gérer efficacement son temps et son énergie ».
Ensuite, pour améliorer son rapport avec autrui. « Cela lui permet de comprendre comment son cerveau perçoit, interagit, et influence les autres autour de lui. Le manager peut alors forger des liens plus forts, encourager l’empathie au sein des équipes, et naviguer avec habileté à travers les défis interpersonnels complexes qui se présentent. » Enfin, le manager sera en mesure de gérer efficacement un collectif. « Les principes neuroscientifiques peuvent être appliqués pour cultiver un environnement de travail mobilisant, coopératif, participatif, harmonieux et productif. Il pourra ainsi créer une culture d’entreprise partagée où la confiance, l’optimisme, et l’émulation remplacent la compétition stérile, favorisant un sentiment d’appartenance et une efficacité collective accrue », abondent David Destoc et Bertrand Samson.
Déconstruire les neuro-mythes
Si une bonne maîtrise des mécanismes cérébraux permet d’améliorer les pratiques managériales, c’est surtout parce qu’ils permettent au manager de ne pas tomber dans les pièges des « neuro-mythes ». Vous savez, ces idées préconçues qui circulent allégrement dans la sphère professionnelle. Tout au long des treize chapitres, les auteurs s’attèlent ainsi à déconstruire point par point ces fausses croyances qui conduisent les dirigeants à prendre de mauvaises décisions, ou encore à interagir maladroitement.
Parmi elles : « Être expert ou manager, il faut choisir » ; « Il faut capitaliser sur ses points forts » ; « Avec l’âge, on a plus de mal à se concentrer » ; « La transformation digitale, c’est pour les jeunes » ; « Les apparences sont trompeuses » ; « La motivation n’est pas une question d’argent » ; « à chacun sa façon d’apprendre » ; « si on s’entend tous bien, ça va marcher » ; « l’ambition d’un projet suffit pour motiver tout le monde » ; « On ne change pas une équipe qui gagne » ; ou encore « on sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne. » Arrêtons nous sur les 5 idées principales à déconstruire, même si toutes mériteraient d’être développées.
1. « Etre expert ou manager, il faut choisir »
Cette première affirmation, « être expert ou manager, il faut choisir », sous-tend l’idée qu’on ne peut pas être excellent dans deux domaines différents, d’où une supposée nécessité de choisir entre expertise et management. Les neurosciences nous apprennent pourtant que le cerveau est une machine à catégoriser et à convoquer des stéréotypes. Cela lui permet d’étiqueter rapidement un animal, un objet, un individu. C’est la seule façon dont il dispose pour simplifier la gestion de l’information. Or, dans les faits, rien n’empêche un individu d’être à la fois expert et manager, de passer aisément d’une fonction à l’autre.
2. « Il faut capitaliser sur ses points forts »
Cette seconde injonction amène le manager à « mettre le paquet » sur les compétences qu’ils maîtrisent, et ainsi à inciter ses équipes à en faire de même. Toutefois, les neurosciences démontrent qu’il est indispensable d’essayer autre chose. Développer uniquement ce que nous maîtrisons sclérose, sature l’entourage, et permet à nos compétiteurs de nous dépasser. Il s’agit donc de proposer régulièrement des schémas neufs, de cultiver divers talents, sans toutefois renier les premiers qu’il est utile de consolider.
3. « Avec l’âge, on a plus de mal à se concentrer »
Cette fausse croyance est tenace. Mais, en réalité, le cerveau est l’organe du corps humain le plus résistant à la vieillesse. Il se forme juste après la fécondité et évolue tout au long de l’existence. A condition d’en prendre soin et de ne jamais cesser d’apprendre ! D’après les neurosciences, le cerveau ne dépend donc pas de l’âge, mais de l’usage que l’on fait des cellules grises au cours de la vie. Managers, n’ayez pas peur de recruter des profils seniors, surtout lorsqu’on sait que la Gen Z, hyperconnectée, se déconcentre facilement et rapidement en passant d’une tâche à l’autre, d’une information à l’autre.
4. « Les apparences sont trompeuses »
Si nous avons tendance à penser que « l’habit ne fait pas le moine », les études en neurosciences vont à contre-courant du célèbre adage. La perception d’un objet ou d’un individu suffit pour accéder à son « style ». Chacune de ses apparences révèle un aspect de la réalité, et chacune d’elles dit la vérité. Autrement dit, managers, face à un collaborateur ou un candidat, gardez votre première impression, en sachant que celle-ci s’affinera par la prise d’autres informations sur la personne dans diverses situations.
5. « On ne change pas une équipe qui gagne »
Faux ! Le changement est, au contraire, au cœur de la réussite professionnelle. Il faut changer l’équipe pour avoir de meilleures chances de gagner le coup d’après. Mais plutôt que de renouveler les acteurs, il s’agit de transformer les manières de faire au sein du collectif afin de créer de la diversité, de la singularité. Pour ce faire, casser la routine, réaffecter le leadership, recomposer les compétences de chacun, selon la stratégie, sont les bonnes démarches à adopter. Elles permettront d’exprimer le potentiel des équipes, d’innover, de résister à l’adversité. « C’est par beau temps qu’il faut changer les tuiles défectueuses », rappellent les coauteurs. Ce principe, à appliquer pour le bon fonctionnement d’une équipe, signifie que le manager a tout intérêt à se questionner régulièrement sur ce qui marche bien ou moins bien, ce qui pourrait être amélioré ou changé, sans attendre que les problèmes surviennent.
Si ce livre n’a pas pour vocation de « coacher » le manager, il lui permettra toutefois de se transformer progressivement en « une personne humaine et neuro-amicale, capable de prendre soin d’elle-même, de l’autre, et de son équipe. En cultivant ces nouvelles connaissances neuroscientifiques, il rendra non seulement son management plus performant, mais sera aussi moteur de bien-être dans le monde du travail contemporain », terminent-ils. Pour en savoir plus, plongez-vous Dans le cerveau du manager !