A l’approche de l’été, placé sous le signe des Jeux olympiques et paralympiques en France, de nombreuses entreprises vont fermer leurs portes. Conséquence ? Leurs salariés seront contraints de poser leurs congés estivaux à des dates précises, qui ne les arrangeront peut-être pas. Les raisons sont multiples : enfant(s) à garder, conjoint(e) en repos à un autre moment, parent(s) en perte d’autonomie… Alors, seront-ils obligés de se soumettre aux dates imposées par l’entreprise ? Existe-t-il des moyens d’y échapper ? Une justification officielle sera-t-elle demandée ? L’avocat Johan Zenou, nous répond.
Courrier Cadres – Les entreprises ont-elles le droit d’imposer des congés aux salariés ?
Johan Zenou – En règle générale, les salariés peuvent poser librement leurs congés un mois avant l’échéance demandée. Pendant la période estivale, la durée des congés doit être de 12 jours ouvrables minimum et ne peut dépasser 24 jours ouvrables consécutifs, soit 4 semaines, selon l’article L.3141-17 du Code du travail. En accord avec l’employeur, et en fonction des exigences professionnelles du moment, ils auront ainsi la possibilité de partir (ou non) en vacances.
Concernant l’imposition de congés par l’employeur, l’article L. 3141-15 du Code du travail stipule en effet que c’est légal. Surtout lorsque cette décision contribue au bon fonctionnement de l’entreprise. Les organisations font souvent le choix de fermer pendant l’été et/ou à Noël, car leur activité économique tourne au ralenti, voire s’arrête. Les salariés se retrouvent dans l’impossibilité de réaliser leurs missions. Elles ferment également en cas d’évènements inattendus ou exceptionnels. C’était le cas pendant le Covid-19, et ce sera le cas pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Il est aisé pour les entreprises de se justifier auprès de la justice. Elles diront qu’elles n’avaient pas d’autre choix que de fermer (transports en commun perturbés, accès au bureau compliqué), et qu’elles ont mis des solutions à disposition des salariés (imposition de congés). Le délai légal d’information à respecter par l’entreprise est toutefois d’un mois minimum, afin que les équipes puissent (ré)organiser leur vie personnelle. Et la totalité des congés, soit les 5 semaines légales par an, ne peuvent pas être imposés.
CC – Et peuvent-elles imposer des congés sans solde lors de cette fermeture annuelle ?
Non ! Dans un arrêt, la Cour de cassation a déclaré qu’un employeur ne peut pas imposer un congé sans solde à un salarié pendant la fermeture de l’entreprise, étant donné qu’il n’est pas rémunéré durant cette période. Elle précise, cependant, que dans des circonstances exceptionnelles, le congé sans solde peut être accordé à un salarié uniquement lorsqu’il en fait la demande.
CC – Existe-t-il des recours pour ceux qui ne pourraient pas/ne voudraient pas poser leurs congés ?
JZ – En fonction des contraintes personnelles de chaque salarié, il est possible d’avoir une discussion avec l’employeur, et ainsi d’obtenir une dérogation. Certaines situations sont prioritaires, comme les mères célibataires ou les familles nombreuses. Mais, tout peut potentiellement s’expliquer. Tout dépend, aussi, de la possibilité des salariés de télétravailler (ou non) au sein de l’entreprise. Celle-ci doit pouvoir proposer une alternative aux salariés s’ils ne souhaitent pas partir en vacances, mais que l’entreprise est fermé. Parfois, dans certains métiers, aucune alternative n’est possible. Ce n’est pas une décision arbitraire, mais une décision encadrée par la loi qui se réfère à des critères bien précis.
CC – Enfin, faut-il formaliser cette démarche auprès de l’employeur ?
JZ – En théorie, oui, car l’employeur peut être contrôlé par l’Inspection du travail à tout moment. Il doit demander des justificatifs aux salariés exemptés de prendre ces congés imposés. Les deux parties ne sont jamais à l’abri d’un contentieux. Cependant, dans les faits, cela se résume souvent à une discussion plus ou moins informelle entre l’employeur et l’employé, rendue possible grâce à une relation de confiance.