Les premières décisions de Conseils de Prud’hommes (CPH) concernant le barème des ordonnances Travail plafonnant les dommages et intérêts en cas de licenciement viennent d’être rendues. Ainsi, les CPH de Troyes et du Mans ont pris des décisions opposées. Le point avec Vincent Manigot, avocat du cabinet De Pardieu Brocas Maffei.
Pouvez-vous nous rappeler le contexte de ces décisions ?
En 2017, les ordonnances Travail ont prévu un plafonnement des indemnités prudhommales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elles prévoient un plancher et un plafond en fonction de l’ancienneté du collaborateur. Toutefois, le Code du travail prévoit que ces barèmes ne sont pas applicables en cas de licenciement nul ou qui porte atteinte aux libertés fondamentales du salarié.
Avant, il y avait juste un plancher, dès lors que vous aviez 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts s’établissaient à hauteur de 6 mois.
Les ordonnances ont beaucoup fait évoluer les choses.
Quel est le détail des positions qui ont été prises ?
Les CPH de Troyes et du Mans ont pris des positions divergentes, voire opposées. Le CPH du Mans estime que le plafond et le plancher sont conformes aux engagements internationaux de la France dans la mesure où il permet l’octroi d’une “indemnité adéquate” conformément à la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail et à l’article 24 de la Charte sociale européenne.
De son côté, le CPH de Troyes estime que les barèmes sont inéquitables. Il y a un débat juridique sur ces barèmes. La notion de réparation adéquate laisse une grande place à l’interprétation. Chaque CPH et chaque cour d’appel va se faire son idée. Seule la Cour de Cassation peut trancher sur la conventionalité ou la non-conventionalité de ce barème.
Quelles sont les conséquences éventuelles de cette divergence ?
Juridiquement, cette divergence n’a d’effet que dans les affaires en cours. Ce ne sont pas ces deux décisions qui vont influer la jurisprudence. S’il y avait eu deux décisions allant dans le même sens, cela aurait pu avoir une influence, mais là ce n’est pas le cas.
Dans ce contexte, que conseillez-vous aux entreprises ?
Les entreprises doivent considérer que cet article du Code du travail existe. À l’heure où l’on se parle, ce plafonnement est en vigueur. L’instauration de ce barème a déjà beaucoup fait débat l’année dernière. Mais en dépit du débat extra-judiciaire et juridique, le législateur a tenu bon et l’a maintenu.
Depuis cette interview, deux autres Conseils de Prud’hommes, ceux de Lyon et Amiens, ont également décidé de ne pas appliquer le barème des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif prévu par les ordonnances de 2017 réformant le code du travail.
Estimant que le barème Macron était contraire au droit international, les CPH de Lyon et Amiens ont respectivement accordé à deux ex-salariés une indemnité égale à trois et un mois de salaire (au lieu d’un demi-mois) – en s’appuyant sur l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui prévoit une « indemnité adéquate » ou « une réparation appropriée » pour les salariés victimes d’un licenciement abusif.