Carrière

Un chauffeur VTC voit sa relation avec Uber reconnue comme un « contrat de travail »

Le 10 janvier, la cour d’appel de Paris a rendu un jugement qui casse la décision des prud’hommes de refuser de traiter la possible requalification du contrat d’un chauffeur VTC de la plateforme Uber… et qui caractérise la relation entre les deux parties comme un « contrat de travail ».

 
Les chauffeurs VTC seront-ils bientôt tous salariés ? Plus d’un mois après un arrêt de la Cour de cassation qui casse le refus de la cour d’appel de Paris de requalifier le contrat d’un coursier de feu Take Eat Easy, la cour d’appel de Paris a jugé que la relation entre un chauffeur VTC et Uber était un contrat de travail. Une « première » qui pourrait faire jurisprudence, selon Me Fabien Masson, du cabinet BNR, défenseur du plaignant.

 

Des notations et des recommandations sur « la manière de se conduire »

Chauffeur pour Uber entre 2016 et 2017, le plaignant raconte, lors de son audition par la cour d’appel le 15 novembre dernier, que durant sa relation de travail avec la plate-forme de VTC, il recevait par e-mail des « notations » liées à la qualité de son service, ainsi que des « recommandations sur la manière de se conduire » avec les clients, et des « décisions unilatérales d’ajustement des prix » des courses. Il relate aussi avoir dû « suivre les instructions du GPS de l’application » Uber, et avoir été constamment contrôlé et placé sous la menace de voir son compte fermé suite à un trop grand nombre de courses refusées – ce qui s’est finalement produit, Uber lui expliquant avoir pris la décision de le « désactiver » après « une étude approfondie » de son cas.

Après avoir été débouté par les Prud’hommes, à qui il demandait la requalification de sa relation de travail avec Uber en CDI (l’institution arguant qu’il s’agissait d’un « contrat de nature commerciale »), le plaignant s’est finalement tourné vers la cour d’appel de Paris. Suite à un examen minutieux des documents contractuels établis par Uber, celle-ci a alors jugé que le contrat liant les deux parties était un « contrat de travail » – avant de renvoyer une nouvelle fois l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris.

 

Un chauffeur sans liberté de choix

Dans son jugement, la cour d’appel explique que le chauffeur VTC n’était pas un « travailleur indépendant » – puisque pour devenir « partenaire » d’Uber, il a dû s’inscrire au Registre des métiers, et qu’il n’était pas libre de pouvoir choisir ses clients, la plate-forme « centralisant » les demandes de courses, et les attribuant à ses chauffeurs via des algorithmes.

En outre, au sujet des tarifs, précise le jugement, « il doit être relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen de ces algorithmes par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix », Uber se réservant la possibilité d’ajuster les prix si le chauffeur a par exemple choisi un « itinéraire inefficace ». Ainsi, la cour d’appel estime qu’Uber donnait « des directives » au plaignant, « et en contrôlait l’application ». Parmi les directives reçues, celles de « suivre les instructions du GPS de l’application », de « s’abstenir d’avoir certaines conversations » avec les passagers, ou encore de ne pas accepter de pourboires de leur part.

 

Des directives, du contrôle et un pouvoir de sanction

« S’agissant du contrôle de l’activité des chauffeurs, force est de constater que l’application Uber en exerce un en matière d’acceptation des courses, puisque le plaignant affirme qu’au bout de 3 refus de sollicitations, lui a été adressé le message « Êtes-vous encore là ? », (…), et que la plate-forme se réserve le droit de désactiver ou de restreindre l’utilisation de l’application par ses chauffeurs », indique la cour d’appel de Paris. Selon elle, « ce système a pour effet d’inciter ces derniers à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition d’Uber, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non ».

Soulignant que le fait pour le plaignant d’avoir pu choisir ses jours et heures de travail n’excluait pas en soi une relation de travail subordonnée, « dès lors qu’il est démontré que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plate-forme Uber, il intègre un service organisé par cette société, qui lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit », la cour d’appel a finalement estimé qu’un « faisceau suffisant d’indices » se trouvait réuni pour permettre à l’ex-chauffeur VTC « de caractériser le lien de subordination dans lequel il se trouvait lors de ses connexions à la plateforme Uber ».

 

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