Comment la crise du Covid-19 a-t-elle été vécue en interne ?
Erwan Le Tallec (ELT) – Pendant la crise du Covid-19, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, nos recrutements ont été stables et nos projets ne se sont jamais arrêtés. Notre identité s’est renforcée. Nous nous sommes alignés sur des sujets d’organisation de travail, de dynamique collective, de continuité de business. La démocratisation des outils digitaux nous a permis de rester connectés, notamment par le biais de webinaires, rassemblant jusqu’à 800 personnes. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de communication pour maintenir le lien avec les collaborateurs.
Le management s’est aussitôt adapté au travail à distance ?
ELT – Oui, nous avons formé très rapidement nos leaders au management à distance. Car, nous avons vite compris que ce nouveau type de management, bien différent du management en présentiel, allait durer. Si, désormais, le management est hybride, avec deux jours en présentiel et trois jours de télétravail possibles, cette période de crise a créé de nouvelles dynamiques managériales, de travail, de collaboration, que nous continuons de nourrir aujourd’hui. Finalement, la période du Covid-19 a été aussi complexe que bénéfique. Pour mesurer l’efficacité de notre dispositif, enfin, les managers sont notés sur la qualité de leur accompagnement, en plus d’être évalués sur leurs résultats opérationnels. Et cela impacte leur rémunération. Ce système change radicalement la donne !
L’importance de la santé mentale au travail s’est aussi renforcée ?
ELT – Ce sujet était important avant, il est devenu essentiel après. Car la distance complexifie la détection de signaux faibles chez les collaborateurs. Là encore, nous avons formé les managers et les équipes à la prévention des risques psychosociaux. En plus des équipes médicales traditionnelles (médecins, assistantes sociales, psychologues), nous avons une équipe dédiée en permanence à ces sujets de santé et de bien-être au travail. Nous avons déployé la plateforme Moodwork pour autodiagnostiquer son état de santé mentale, accéder au résultat ainsi qu’à des ressources, afin d’augmenter l’épanouissement professionnel. Pour que les collaborateurs se sentent soutenus, il existe également une ligne pour faire remonter anonymement une plainte ou une situation de harcèlement. Connue de tous, elle est puissante pour lutter contre le management toxique, car elle sort du périmètre hiérarchique. Nous avons aussi conscience que les salariés ont une vie personnelle. Nous avons donc mis en place en 2023, trente jours de congés supplémentaires pour un deuil, et dix jours pour les proches aidants.
Autre enjeu majeur : le déficit de femmes dans les filières scientifiques ?
ELT – En effet, il y a encore du travail ! Depuis 10 ans, nous sommes vigilants lors des recrutements. Nous avons en effet constaté que, s’il ne reste plus que deux hommes et une femme pour un poste, il y a 0 % de chance pour que la femme soit retenue. Un biais négatif s’opère de la part des recruteurs. C’est pourquoi, nous voulons une présence égalitaire autant du côté des candidats finaux que de notre panel de recruteurs. Par la suite, en interne, il faut rester attentifs, car un autre problème se pose : celui du plafond de verre. Nous veillons à ce que nos collaboratrices, dès les premiers niveaux de management, puissent exprimer au plus et au mieux leurs ambitions et leur leadership. L’égalité professionnelle doit devenir un non-sujet. En externe, c’est compliqué car il y a une véritable disparité entre les femmes et les hommes dans les filières scientifiques. Nous collaborons avec des associations pour casser les stéréotypes et montrons que des femmes réussissent dans ces carrières passionnantes et d’avenir. Nous accompagnons financièrement sous forme de bourse une douzaine d’étudiantes de l’université de Rouen. Nous accueillons au sein de nos locaux des élèves d’école primaire pour qu’elles découvrent nos métiers, et pour que des étudiantes leur parlent de leurs études en biologie. Toutes ces initiatives augmentent les chances de pouvoir recruter des femmes en entreprise ensuite…
En parlant d’avenir, l’intelligence artificielle (IA) est-elle déjà en train de tout bouleverser dans votre entreprise ?
ELT – En matière d’IA, nous utilisons déjà des chatbots pour effectuer un premier tri rapide de candidatures volumineuses pour que les équipes se recentrent sur des entretiens qualitatifs. Nous utilisons le métavers pour former des médecins aux opérations chirurgicales. Nous développerons bientôt des traitements personnalisés en fonction de l’ADN. Face aux nombreux défis de santé, nous intégrons des problématiques humaines et sociétales qui vont au-delà de la performance, et essayons de tendre vers l’excellence dans les innovations apportées aux professionnels de santé et aux patients.