Reconversion professionnelle
Carrière

Olivier Dubroca : « Je ne supportais plus le management à l’ancienne de ma boîte »

PORTRAIT - Pendant plus de 30 ans, il a dirigé des sites de production dans le Sud-Ouest de la France. Mais, au moment du Covid-19, il ne trouve plus de sens à son travail et claque la porte de son entreprise. En avril 2022, il devient le capitaine de Voguer Malin, fabricant de bateaux écoresponsables.

En 1984, baccalauréat en poche, ce Bordelais de naissance se spécialise dans la transformation de matières plastiques. « À la fin des années 1980, la production de plastique explosait. Cette branche industrielle manquait de main-d’œuvre, je me suis donc lancé dans cette voie par opportunisme », raconte-t-il. Avant même de finir son cursus universitaire, il est recruté par Valeo, le plus important équipementier automobile de France. Il plie bagage et s’installe à Angers (Maine-et-Loire). Mais, un an seulement après avoir fait ses premiers pas dans la vie active, le devoir le rattrape : il a l’obligation de réaliser son service militaire de douze mois à Mont-de-Marsan (Landes) au sein de l’armée de l’Air. « Je n’ai pas du tout aimé. Je me suis beaucoup ennuyé », se souvient-il. 


Le trentenaire intègre ensuite une petite entreprise près du Bassin d’Arcachon, où il supervise la confection de pièces plastiques pour les appareils électroménagers, avant d’être promu directeur technique lors du rachat de l’entreprise. Il prend la responsabilité de trois sites français de production de grandes marques cosmétiques et de groupes aéronautiques. Sa charge de travail s’intensifie et ses déplacements professionnels se font plus nombreux. « Ce rythme n’était pas facile à concilier avec ma vie de famille, surtout que j’avais mes filles à charge », confie le papa de Léa et Margot, aujourd’hui âgées de 31 et 28 ans. 

Dans la tourmente

Puis, arrive 2008… Le monde est ébranlé par la crise économique des subprimes. « Mon entreprise n’y a pas échappé, étant donné que plus de 30 % de notre chiffre d’affaires reposait sur nos clients dans l’aéronautique. C’était une période compliquée, car nous ne recevions plus de commandes. En 2009, nous avons fermé des sites et licencié une partie de l’effectif, majoritairement composé de femmes célibataires, dont la moyenne d’âge était élevée », regrette le dirigeant. À la tête d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, il s’efforce d’adopter l’approche managériale la plus humaine possible : « J’ai essayé d’être honnête intellectuellement avec mes équipes, en leur expliquant les raisons pour lesquelles nous ne pouvions pas garder tout le monde. Les derniers arrivés ont été les premiers à partir. J’en ai réembauché certains quelque temps après. » L’entreprise a, en effet, été rachetée in extremis par un groupe international de plasturgie en 2010.


Et puis, en 2020, une nouvelle crise déstabilise le globe : le Covid-19. Pour le cinquantenaire, c’est la crise de trop. « Je ne supportais plus le management à l’ancienne de ma boîte, les décisions étaient trop verticales. Je ne me retrouvais plus, non plus, dans cette production exponentielle de produits au détriment de la santé des travailleurs et de la préservation de la planète. C’est triste, car nos clients étaient prêts à se tourner vers un mode de production plus responsable, mais ne souhaitaient pas payer plus cher. Or, aujourd’hui, produire de manière vertueuse représente un coût supplémentaire », explique-t-il, en plaidant pour une accélération de la transition écologique en France. Il aspirait également à un autre rythme de vie : « Je n’en pouvais plus de faire 50 à 60 heures par semaine, de travailler en horaires décalés. Ma santé se détériorait. » Après plusieurs mois de réflexion, il claque la porte de son entreprise

Changer de rythme

Rapidement, son nouveau projet professionnel s’est imposé, comme un phare au milieu de l’océan. « Depuis mes 13 ans, je suis passionné par la pratique de la planche à voile, la construction de bateaux, et la navigation sur des étangs ou des rivières », poursuit-il. En avril 2022, Olivier lance Voguer Malin, son entreprise de construction écoresponsable de bateaux en bois. « Je voulais faire émerger un mode de déplacement sans bruit, ni pollution, pour préserver les milieux aquatiques », indique l’entrepreneur. Un premier prototype de bateau voit le jour cette même année. Il le teste en naviguant pendant 18 jours de Palavas-les-Flots (Hérault) à Bordeaux, en passant par le canal du Midi et par la Garonne. « C’était un changement de rythme de vie total. Je vivais en symbiose avec la nature. Ce périple a marqué une vraie coupure avec mon ancienne vie », se remémore le quinqua. 


Le test du prototype s’étant avéré probant, le fondateur de Voguer Malin se met à fabriquer des bateaux artisanaux, allant du monoplace, aux deux places à la pirogue. Aucun matériau utilisé n’est issu du pétrole, « à part la colle », précise-t-il. « Sans moteur, ils fonctionnent uniquement grâce à la force humaine, des rames et une voile », détaille-t-il, avant de préciser qu’il a participé à des salons professionnels de la région Aquitaine pour gagner en visibilité. Il collabore aussi avec des agences de voyages pour louer ses embarcations, et avec des distributeurs de canoë et kayak pour les vendre à des particuliers. À la vente, le prix oscille entre 2 500 et 4 000 euros. « Depuis le début de mon activité, j’en ai vendu une petite dizaine. Pour bien vivre, l’idéal serait d’en vendre plus d’une quinzaine par an. Mais c’est normal, il faut être patient. Un projet comme celui-ci commence à décoller au bout de trois ans », termine-t-il. Pour l’heure, le capitaine de Voguer Malin met le cap sur sa qualité de vie : « Ma priorité, c’est de prendre le temps de faire les choses, de prendre soin de ma famille et de ma santé. »

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