La Terre vit à crédit depuis jeudi 1er août. Cela signifie que l’humanité a exploité en sept mois toutes les ressources que la planète met douze mois à régénérer. Il faudrait ainsi 1,7 globe terrestre pour répondre aux besoins humains actuels, sans pour autant compromettre la vie sur Terre. Cet usage excessif des ressources naturelles entraîne un réchauffement climatique sans précédent. Les entreprises le savent, mais « beaucoup restent bloquées dans des logiques d’optimisation de modèles économiques, même s’ils ne sont pas soutenables sur du moyen-terme », affirme Colette Ménard, directrice scientifique au sein de Stim, un collectif de scientifiques qui accompagne les dirigeants dans l’innovation de rupture, l’éclosion de modèles économiques régénératifs, et la conception de produits durables dans une logique circulaire.
« C’est plus facile de faire ce que l’on connaît que de tout réinventer. Plus les dirigeants sortent des sentiers battus, plus ils prennent des risques financiers, et donc mettent potentiellement en péril leur entreprise », développe-t-elle. C’est la raison pour laquelle, « l’environnement reste à la marge de leur stratégie. »
En règle générale, poursuit-elle, « les dirigeants décident avec leurs émotions, et justifient leurs décisions avec la raison. En entreprise, il existe deux types d’émotions : la peur et l’envie. Mon objectif est d’agir subtilement sur leur envie d’entreprendre des projets de transformation en faveur de l’environnement, en fonction de la nature de leur activité, du contexte économique de leur marché, et du niveau d’ambition qu’ils sont prêts à porter. » Aussi, en collaboration avec des chercheurs*, elle a identifié 4 types de décideurs.
1. L’optimiseur
Il existe une première catégorie de dirigeants qui n’a ni l’envie, ni le besoin de changer le cœur de son activité : ce sont les optimiseurs. Ils connaissaient les modes d’actions à mettre en œuvre pour obtenir les résultats escomptés. Ce sont des activités nécessaires qui n’ont pas vocation à disparaître. Leur ambition est claire et assumée. Exemples : Panasonic avec ses pompes à chaleur, Carrefour avec ses rayons bio. Niveau d’effort : 1/10.
2. Le performer
Les performers, quant à eux, n’ont pas envie de changer l’essence de leur activité, qui contribue au bon fonctionnement d’une société, mais ressentent l’envie de changer la manière d’atteindre leurs objectifs. En changeant, par exemple, le processus de conception d’un produit, afin de devenir des acteurs plus vertueux ou innovants. Ils prennent des risques en investissant dans la Recherche & Développement en interne ou en externe. Mais ces risques sont calculés et devraient être rentables dans le temps. Exemples : Renault avec la Zoé, EDF avec son réacteur modulaire. Niveau d’effort : 3/10.
3. Le supporter
Les supporters, ensuite, sont des dirigeants à la tête d’entreprises qui se portent très bien économiquement, mais ne sont pas du tout soutenables d’un point de vue environnemental. Des ruptures à tous points de vue sont nécessaires pour remettre l’activité dans le bon sens. Il s’agit alors de trouver de nouveaux relais de croissance, mettre en place de nouvelles chaînes de valeurs. Ils se positionnement sur des marchés émergents en plein essor mais où de fortes incertitudes économiques persistent. Exemples : Fleury Michon avec les tranches végétales, Bosch avec les moteurs électriques de vélo. Niveau d’effort : 5/10.
4. Le game changer
Cette dernière catégorie de dirigeants, enfin, est plus difficile à attirer par les entreprises, notamment les grands groupes. Ce sont souvent des entrepreneurs qui lancent leur business en cassant tous les codes établis. Ils prennent des risques importants, car ils opèrent sur un marché émergeant, mais, également, ont besoin de techniques et/ou de technologies qui n’existent pas encore pour développer leur activité. Exemples : BlaBlaCar avec le covoiturage, Vinted avec la seconde main. Niveau d’effort : 8/10.
Pour conclure, Colette Ménard invite ainsi tous les dirigeants à se demander : « Qui ont-ils envie d’être ? Quelle vision souhaitent-ils transmettre à leurs équipes ? Que veulent-ils laisser en héritage à la société ? » En insistant : « Ils doivent cesser de penser qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils sont contraints, notamment par des questions économiques. L’essence même du dirigeant, c’est de décider. Autrement dit, d’avoir entre les mains le pouvoir de faire bouger les lignes, de montrer une nouvelle voie à emprunter collectivement. »
*Ces profils de transitions ont été développés par Stim avec deux chercheurs des Mines : Sophie Hooge (Professeure à MINES Paris – PSL) et Cédric Dalmasso (Enseignant-chercheur à Mines Paris – PSL, Directeur du Centre de Gestion Scientifique), à partir de 20 cas d’étude entreprises (analyse de la stratégie et investissements de l’entreprise, des initiatives RSE et du portefeuille R&D, innovation & nouvelles activités).