Inégalités salariales, difficultés à occuper des postes à responsabilités, préjugés sexistes, harcèlement sexuel… Dans son ouvrage Les gentilles filles ne réussissent pas (Eyrolles), sorti en juin 2024, Morgane Dion dénonce les dysfonctionnements systémiques dont sont victimes les femmes dans la sphère professionnelle. Elle s’attaque notamment au syndrome de la bonne élève qui collerait à la peau des femmes : « Il y a une idée répandue qui nous fait croire que les femmes se sentiraient moins légitimes et compétentes que les hommes au travail. Mais, c’est faux ! », explique l’autrice et CEO de Plan Cash.
Mis en lumière en 1978 par les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes, le sujet refait surface depuis quelques années. Ce que les recherches actuelles n’ont toutefois pas révélé d’après l’autrice : c’est que le monde du travail contribuerait à exacerber ce syndrome chez les femmes. « La réalité, c’est que les femmes ont autant confiance en elles que les hommes quand elles arrivent sur le marché du travail ». Cependant, elles ont conscience qu’à la moindre erreur, elles seront plus sévèrement jugées, d’après l’étude « Women and Self Promotion ». « Ce n’est donc pas qu’elles n’ont pas confiance en elles, c’est plutôt que le monde extérieur n’a pas confiance en elles. Les femmes savent qu’il s’engouffrera dans la moindre brèche pour les discréditer« , poursuit-elle. Certaines finissent donc par s’effacer, voire s’auto-censurer.
La confiance, accélérateur de carrière
Pourtant, avoir suffisamment confiance en soi est un outil essentiel dans l’avancement d’une carrière. Une posture aussi importante, voire plus, que de disposer de compétences techniques solides. Et ce, autant dans des contextes officielles de demande d’augmentations salariales ou de promotions que dans des évènements plus officieux de réseautage. Cameron Anderson, professeur à l’université de Berkeley, démontre en effet que plus les individus ont confiance en eux, y compris de manière excessive, plus ils enregistrent un taux de popularité élevé auprès de leurs pairs. La confiance en eux améliore leur statut social, car les membres du groupe croient réellement en la valeur de la personne qui en fait état.
Encore aujourd’hui, 70 % des femmes pensent que les promotions sont motivées par une combinaison de travail acharné et de diplômes, alors que 83 % des hommes estiment que le relationnel compte « au moins autant » que la qualité du travail, d’après l’étude « The Sponsor Effect : breaking through the last glass ceiling ». Se mettre ainsi en avant serait même « avilissant » pour certaines. Elles n’aimeraient pas attirer l’attention, ni ne souhaiteraient être accusées d’avoir manipulé autrui pour y arriver. Cette répulsion supposée serait, en fait, dictée par la pression sociale exercée sur les femmes à se montrer « gentilles » et « pudiques », selon l’étude « Self-Promotion, Social-Image and Gender Inequality ». Et donc, l’auto-promotion perçue comme une violation à cette norme. Or, dès qu’elles s’y sentent autorisées par un supérieur, les femmes sont dix fois plus nombreuses à s’auto-promouvoir sans une quelconque retenue.
Inclinaison à prendre des risques
La confiance en soi, complète Morgane Dion, c’est aussi la capacité à prendre des risques – apanage souvent attribué aux hommes. Là encore, contrairement aux idées préconçues, « les hommes et les femmes ont la même capacité à prendre des risques », affirme-t-elle, tout en citant les travaux du chercheur Elke Weber. « Simplement, elles ne les prennent pas forcément dans les mêmes domaines » que leurs homologues masculins. À noter que les femmes reçoivent moins de réponses favorables lorsqu’elles se mettent en « danger », et subissent des conséquences plus négatives, d’après les professeures de psychologie sociale, Thekla Morgenroth et Michelle Ryan. Conséquence ? Elles finissent par limiter les prises de risques dans leurs actions futures. Idem pour les négociations salariales : « Ce n’est pas que les femmes n’osent pas négocier leur salaire, c’est que quand elles le demandent, l’employeur refuse ! », déplore la dirigeante.
Dans son ouvrage, l’autrice livre ainsi des pistes d’actions à entreprendre tant du côté des strates managériales que des équipes. Si l’entreprise doit normaliser certaines situations comme : pousser les femmes à se valoriser en réunion, diriger des réunions importantes ou, à l’inverse, minimiser les excès de confiance des hommes en vérifiant factuellement leur travail, les former aux comportements empathiques, etc, les femmes doivent aussi « cesser de chercher à plaire. Nous gagnerons davantage à désobéir, à instaurer nos propres règles, qu’à nous contenter des miettes proposées par les entreprises. »
Morgane Dion aime à rappeler l’impact considérable de la célèbre grève nationale de 1975 de femmes islandaises. En seulement une journée, des dizaines de milliers de citoyennes ont paralysé le pays et prouvé aux hommes que la société ne pouvait pas tourner sans la moitié de l’humanité. Un mouvement qui a débouché sur l’adoption de lois en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes en Islande.