Management

Isabelle Barth : « Devenir manager, c’est faire le deuil de son expertise »

Depuis quelques années, les attentes des salariés se sont transformées en exigences. Ce qui accroît les difficultés à exercer la fonction managériale. Pour autant, elle reste essentielle au bon fonctionnement de toute organisation. Explications d'Isabelle Barth, chercheuse en management, et d'Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft.

Plus de six salariés (64 %) sur dix se déclarent motivés dans leur travail, d’après le Baromètre* Lucca sur les aspirations professionnelles des salariés français, dévoilé fin septembre 2024. Cependant, dans le même temps, 40 % indiquent une intensification du niveau de stress au travail, en raison notamment de la détérioration des relations avec leur supérieur hiérarchique (26 %). Se posent alors les récurrentes questions : Le manager a-t-il encore sa place en entreprise ? Manager est-il in fine un métier à part entière ?

Les partisans du management horizontal, comme Julien Dreher, auteur du livre Tous managers !, en sont persuadés : le changement du rapport au travail entraîne l’effacement progressif de la figure managériale en entreprise. La chercheuse en management, Isabelle Barth, reconnaît qu’il y a une « pathologie du management. Il ne correspond plus aux attentes des salariés. Les managers sont mal formés, ne savent pas comment s’y prendre face à des injonctions contradictoires, partagés entre volonté de bienveillance et culte du résultat. Pour autant, la plupart d’entre eux ne sont pas toxiques. Ils sont juste perdus. Ce n’est pas nouveau. »

Un rôle sous tensions

Ce qui est nouveau, en revanche, concède l’experte en management, c’est que ce rôle est devenu plus difficile à exercer qu’auparavant pour de multiples raisons : les « attentes des salariés, cachées jusqu’alors, sont devenues des exigences. Dans un monde économique très concurrentiel aux évolutions rapides, la charge de travail est plus importante, et le rôle grandissant des réseaux sociaux dans nos vies, nos habitudes de consommation, nos perceptions, ont accentué la pression autour de l’image de marque de l’entreprise. »

Conséquence de ces contraintes supplémentaires ? Le poste de manager ne ferait plus rêver. « C’est en partie vrai. Mais dans les faits, cette idée reste un mythe. Les salariés deviennent quand même manager, car encore aujourd’hui, cela reste l’unique solution pour faire progresser sa carrière et voir son salaire évoluer. Ils acceptent cette position, mais questionnent davantage la notion de réalisation de soi. Devenir manager, c’est notamment faire le deuil de son expertise. Il faut y être préparé, et développer de nouvelles compétences. »

Malgré tout, Isabelle Barth et Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft, s’accordent à dire que cette fonction reste indispensable au bon fonctionnement d’une organisation : « L’utopie organisationnelle de l’entreprise libérée, qui fonctionnerait en auto-gestion, s’est écrasée sur l’autel de la réalité. L’incarnation de l’entreprise passe par ses managers, et les managers incarnent l’autorité. L’autorité est une notion différente de l’autoritarisme. Elle permet de véhiculer un charisme, une vision, de rassembler les équipes pour converger vers un but commun, de prendre des décisions. Elles ne peuvent être prises que très rarement à l’unanimité. Un projet doit finir par avancer. » Et l’experte en management de conclure : « Les salariés ont besoin d’un environnement structuré, d’un cadre, pour grandir et s’épanouir professionnellement. »

Le Baromètre des aspirations professionnelles des salariés français, dévoilé mardi 24 septembre 2024, a été réalisé par l’éditeur de logiciels RH Lucca en collaboration avec Augmented Talent. Cette étude quantitative de 16 questions a été menée auprès d’un échantillon représentatif de 2.100 salariés âgés de 18 à 65 ans.

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