Culpabilité travail émotion
Carrière

Syndrome du bon travailleur : comprendre et se débarrasser de la culpabilité !

Soumise à une forte pression économique, l'entreprise peut se transformer en machine à faire culpabiliser ses salariés. Ils ne feraient jamais assez, et jamais assez bien ! Alors, comment se préserver d'un climat délétère pour la santé physique et mentale ? Décryptage de la docteure en psychologie, Daniela Silva Moura.

Faire trop ? Ou pas assez ? Telle est la question dans la vie et au travail ! À petite dose, la culpabilité a une fonction adaptative. Elle permet de rester aligné avec certaines valeurs rendant possible la vie en société. Au travail, elle permet également de se motiver, car elle pousse à réaliser ses missions dans les délais impartis. « C’est une émotion complexe que tout le monde peut ressentir à moment donné. Elle dépend des expériences passées, de la personnalité », décrypte Daniela Silva Moura, docteure en psychologie et autrice de l’ouvrage Mieux je me connais, mieux je me soigne (Courrier du Livre), publié en septembre 2024.

En revanche, si la culpabilité est détournée de sa fonction première, autrement dit si elle est ressentie à trop forte dose, de manière inappropriée ou qu’elle se transforme en rumination mentale, alors elle devient « toxique, car elle submerge la personne », précise l’experte en psychologie. Dans ce cas, poursuit-elle, la culpabilité résulte de peurs, comme ne pas être apprécié, être rejeté, ou encore d’un besoin extrêmement fort de reconnaissance. « La personne qui culpabilise donne trop de pouvoir à l’autre. Elle ne veut pas le frustrer, mais en oublie ses propres besoins fondamentaux. Elle délègue son bonheur. »

Les femmes sont particulièrement en proie à la culpabilité, car « elles doivent constamment faire plus pour « compenser » le fait d’être une femme, prouver leur valeur aux yeux des autres. Mais se comporter ainsi renforce la fausse croyance qu’elles devraient faire davantage pour être aussi bien que les hommes », indique la spécialiste en psychologie. Il est possible « d’être exigent sans pour autant se sacrifier. »

À noter que la culpabilité s’exprime souvent par divers symptômes physiques qui poussent au changement. Car la plupart sont des sensations désagréables : « Chercher à réduire l’inconfort physique pousse à réguler son état émotionnel. Un état émotionnel équilibré permet de rendre ses pensées plus qualitatives. En cascade, les pensées orientent vers de nouveaux comportements plus bénéfiques », dit-elle.

Temps de respiration

Aussi pour savoir si cette culpabilité est exagérée (ou non), et surtout s’en débarrasser au travail, il est important de prendre des temps de respiration pour faire diminuer le niveau des émotions ressenties, associées à la culpabilité, telles que l’anxiété, la tristesse, ou la colère. « Tout cela altère les processus de décision des salariés. La rapidité à laquelle il faut répondre aux injonctions de l’entreprise les empêche de réfléchir. Ils sont en pilote automatique et donc ne prennent pas les bonnes décisions, celles qui répondent à leurs besoins fondamentaux. Le rapport au travail change progressivement. Mais, dans les faits, les entreprises, soumises à la pression du marché, ne s’adaptent pas aux nouveaux besoins des collaborateurs.« 

Ces temps de pause réguliers permettent de porter un regard objectif sur soi et son environnement professionnel. Il s’agit, développe Daniela Silva Moura, « de ne pas réagir immédiatement à cette culpabilité, mais de l’interroger, en observant ses pensées, ses paroles et ses comportements, de se demander si on est vraiment coupable de quelque chose. C’est sain de se sentir coupable de temps en temps. Cela signifie que la personne prend ses responsabilités et est en capacité de s’excuser auprès des autres si nécessaire. Mais il est tout aussi sain d’avoir conscience que les problèmes viennent parfois de l’extérieur. »

Apprendre à dire « non »

Cette réflexion permet, par ailleurs, d’apprendre à dire « non ». En n’acceptant pas immédiatement une demande, le salarié peut se questionner : « Si je dis oui, ai-je vraiment les ressources disponibles pour y répondre ? Et, si je dis non, quelles sont les conséquences ? » Une fois les réponses trouvées, ce dernier pourra en parler avec son manager. « Ils pourront en discuter de manière transparente, et trouver de meilleurs modes de fonctionnement pour avancer ensemble. Cette conversation ne doit pas être un affrontement où chacun veut gagner, mais plutôt une tentative de comprendre quelque chose. »

Dernier conseil de la psychologue ? Lister humblement (mais régulièrement !) les tâches accomplies avec succès, ses propres qualités à cultiver. « Lorsqu’on devient adulte, il est essentiel de s’apporter sa propre reconnaissance. Il faut arrêter de chercher une validation extérieure. C’est inutile ! Bien souvent, les autres ne disent pas ce qu’ils pensent, voire ne disent pas la vérité », affirme Daniela Silva Moura. Ces nouvelles méthodes de travail renforceront l’estime du bon travailleur et le feront entrer dans un cercle vertueux.

Pour conclure, coupable ou non, « il est fondamental de passer rapidement à l’étape suivante. Surtout quand des excuses ont été formulées ou que la situation ne peut être réparée. Il faut se pardonner et pardonner à l’autre : pas les mauvaises actions, mais l’humain qui n’a pas su faire autrement. Le cerveau apprend grâce aux erreurs. Elles sont nécessaires pour la construction de chaque individu ! »

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