Management

Le management situationnel est-il un modèle “has been” ? 

Le management situationnel, le modèle vedette des années 1990-2000, est-il toujours pertinent dans un monde du travail profondément transformé par l'hybridation des modes de travail et les bouleversements sociétaux actuels ?

À l’heure où l’autonomie des collaborateurs est de plus en plus valorisée et où les attentes envers les managers évoluent, cette approche situationnelle, qui consiste à adapter son style en fonction des compétences et de la motivation de chacun, peut-elle encore répondre aux défis contemporains ? Certains la trouvent dépassée ou difficile à mettre en place de manière uniforme. Pourtant, le modèle semble rester un levier intéressant pour conjuguer agilité, personnalisation, et justice organisationnelle dans des contextes professionnels mouvants. 

Management situationnel : un modèle évolutif

Le management situationnel, concept développé par Paul Hersey et Kenneth Blanchard, repose sur l’idée que le manager doit ajuster son style en fonction du niveau de compétence et de motivation de ses collaborateurs. De cette matrice, quatre styles de management en découlent : directif, persuasif, participatif et délégatif, correspondant à différents degrés d’autonomie des collaborateurs. « Le modèle apporte une approche flexible et évolutive, permettant aux managers d’accompagner leurs équipes vers plus d’autonomie et de responsabilisation, tout en tenant compte des spécificités de chaque situation ou mission », explique Dominique Tissier, auteur de l’ouvrage de référence Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation, réédité dix fois depuis 1990.

La promesse ? Créer un environnement de travail où les équipes sont motivées, soutenues et capables de progresser individuellement, tout en maintenant un cap commun. Un équilibre qui n’est pas toujours évident à trouver, rappelle Dominique Tissier, qui a introduit ce modèle chez Michelin au début des années 2000. Il ne s’agit pas d’un dogme managérial, mais d’une source d’inspiration, selon lui : « Il n’existe pas de « bon » style de management immuable. La clé réside dans la capacité du manager à réfléchir sur ses propres pratiques, à analyser le contexte afin de comprendre les besoins à la fois à l’échelle de l’équipe et de l’individu. » 

Une approche (encore) en phase avec les transformations actuelles du travail ? 

Dans un contexte de transformation rapide du monde du travail, la gestion managériale est devenue plus complexe. Dominique Tissier explique que le rôle du manager n’est plus seulement celui d’un donneur d’ordre, mais plutôt d’un chef d’orchestre. Sa mission est de tirer parti de l’énergie et de la motivation de chaque collaborateur : « C’est le secret des entreprises compétitives. » Si l’objectif principal est de permettre à chacun de progresser vers plus d’autonomie, selon l’expert, une même personne peut manifester différents niveaux d’autonomie en fonction des tâches ou du contexte de travail. « C’est particulièrement vrai dans le cadre du travail flexible ou hybride : le manager situationnel doit adapter son approche en fonction de ces variations, tout en prenant en compte les contraintes de l’environnement de travail ».

L’autre pilier du management situationnel est la responsabilisation. « En créant un cadre clair et adaptable, où les collaborateurs sont encouragés à prendre des responsabilités progressivement, le manager favorise non seulement la montée en compétences individuelles, mais aussi le développement d’un esprit d’équipe plus robuste ». Cette approche aide à reconstruire la confiance et l’engagement au sein des équipes plus dispersées, un enjeu crucial alors que les études montrent que le taux d’engagement des salariés français est historiquement bas.

Rendre son management plus agile grâce à l’approche situationnelle 

Au siège social d’AXA, le management situationnel a été abordé via une approche pragmatique, visant à aider les managers à s’adapter aux diverses situations qu’ils rencontrent au quotidien avec leurs équipes. « Plutôt que de suivre un modèle théorique, nous misons sur un diagnostic concret des problématiques managériales du terrain pour ajuster le niveau d’accompagnement en fonction des compétences et de la motivation des collaborateurs. L’idée centrale est bien de favoriser l’autonomie des équipes de manière progressive, en restant constamment à l’écoute des besoins réels », explique Sandrine Girszyn, AXA headquarter chief human resources officer. Le déploiement – auprès des 250 managers du siège – repose sur trois piliers afin d’infuser une nouvelle culture managériale agile :

  • Partir des problématiques du terrain

« Les équipes RH, proches du terrain, ont commencé par écouter les défis que rencontrent les managers », explique Sandrine Girszyn. En analysant des situations ciblées, telles que les entretiens de carrière et dans la gestion du feedback, des axes d’amélioration concrets ont pu être travaillés.

  • Soutenir les managers 

Plutôt que de proposer une implémentation impérieuse du modèle, AXA a conçu une boîte à outils flexible permettant aux managers de s’adapter à diverses situations. « Cela inclut des programmes spécifiques pour les primo-managers et la mise en place d’une communauté managériale avec des conférences mensuelles et des sessions de co-développement, entre autres », poursuit Sandrine Girszyn.

  • S’appuyer sur un coaching sur-mesure

AXA a également intégré un volet de coaching personnalisé, adapté aux besoins spécifiques des managers. « La plateforme Simundia permet aux managers de bénéficier de Coachings Situationnels, à la demande, les aidant à ajuster et modéliser leur propre pratique. »

Management situationnel : 4 recommandations avant déploiement  

Pour que le management situationnel reste un modèle adapté au management moderne, plusieurs points doivent être pris en compte : 

  • Limiter le sentiment d’iniquité

« Les managers doivent veiller à instaurer un cadre commun et explicite pour le collectif tout en s’adaptant aux besoins individuels », souligne Dominique Tissier. Un équilibre parfois fragile où chaque collaborateur doit être traité avec équité, même si le style de management diffère selon les situations et les individus. 

  • Co-construire plutôt que d’imposer

« Il faut proscrire les programmes déconnectés de la réalité », insiste Sandrine Girszyn. Pour cela, la co-construction entre RH et managers est une manière de garantir cette connexion nécessaire. 

  • Communiquer ses intentions 

« Les managers doivent comprendre de manière explicite les intentions derrière le soutien que nous souhaitons mettre en place pour eux », souligne Sandrine Girszyn. Autrement dit : il s’agit d’expliquer l’intention de cette transformation et les moyens mis en œuvre pour la soutenir. 

  • Adopter le test and learn

Adopter une approche d’amélioration continue en testant des initiatives avec les équipes. « Ce qui fonctionne doit être renforcé, et pour ce qui ne marche pas, il est important de comprendre les raisons et d’ajuster en conséquence », conclut la DRH. 

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