Guirée Soudée Vendée Globe
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Vendée Globe : « J’espère trouver la difficulté que je recherche », s’enthousiasme Guirec Soudée

C'est une rencontre que l'on oublie pas. Du haut de ses 32 ans, Guirec Soudée, moitié aventurier moitié marin, est un électron libre débordant d'énergie. Son nouveau défi : disputer la dixième édition du Vendée Globe dès le 10 novembre. Reportage aux Sables-d'Olonne.

À quelques jours du coup d’envoi de la dixième édition du Vendée Globe, des milliers de visiteurs curieux se bousculent sur le petit ponton du port des Sables-d’Olonne. Les skippers font face à un premier challenge d’avant-course : ne pas se laisser déconcentrer par toute l’agitation aux abords de leurs bateaux. Je me suis donc frayée un chemin jusqu’à l’IMOCA Freelance.com de Guirec Soudée, en train de peaufiner les derniers détails, avec son équipe, à l’approche de son premier Vendée Globe.

Après un accueil vif et blagueur, il me fait visiter le cockpit de son bateau, me montre sur une carte, visible sur son ordinateur, son parcours des prochains mois, et met l’accent sur les mers du Sud, inhospitalières et redoutées, y compris par les skippers les plus aguerris. Ils seront 40 à franchir la ligne de départ le 10 novembre, mais beaucoup ne termineront pas ce tour du monde en solitaire. Impatient, le trentenaire me raconte, assis en tailleur à même le sol, comment il appréhende cette compétition.

À quelques jours du départ, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Guirec Soudée (GS) – Je me prépare depuis deux ans et demi. Des coachs m’ont accompagnés ponctuellement, mais c’est beaucoup de contraintes. Cette discipline ne me convient pas, je n’en ressens pas le besoin. Je fonctionne à l’envie. Mes aventures précédentes m’ont également bien préparées. J’ai déjà fait un tour du monde et ai connu de nombreux moments difficiles : hiverner dans les glaces, survivre à des avaries, sans moyen de communication pendant des mois. J’étais loin et tout seul lorsque j’ai appris le décès de mon père. Après, j’ai enchaîné une double transatlantique à la rame entre les Canaries et les Caraïbes, puis entre les États-Unis et la Bretagne. Deux semaines après avoir quitté la côte américaine, mon bateau s’est retourné, avec cette fois-ci, ma femme enceinte. C’est seulement au bout d’une quarantaine d’heures que j’ai réussi à prendre contact avec un cargo pour lui dire que j’étais en vie.

Guirec Soudée Vendée Globe

Guirec Soudée, 32 ans, se prépare à partir pour son premier Vendée Globe.

Crédit photo : Adrien Cordier

Et physiquement ?

GS – Je fais du sport régulièrement, principalement à l’extérieur. Pendant la course, l’alimentation sera aussi un carburant important. Je compte manger 5 à 6 fois par jour. Je ne suis pas compliqué, mais il faudra se contenter de plats lyophilisés pendant plusieurs mois. Concernant le sommeil, je m’adapte très bien au changement de rythme, surtout avec de jeunes enfants (rires). Je n’ai pas besoin de beaucoup dormir, mais c’est essentiel de bien se reposer. Quand la fatigue s’accumule trop, on n’arrive plus à réfléchir, on n’est plus lucide. J’ai déjà eu des hallucinations par manque de sommeil. Il vaut mieux faire une sieste, entre 20 et 30 minutes, pour revenir plus frais, que tenir coûte que coûte.

Quelle relation avez-vous avec le reste de l’équipe ?

GS – Au début, j’étais nouveau dans le milieu, donc j’ai sollicité des amis qui ne connaissaient pas forcément la course au large. Nous étions tous autodidactes. Nous nous sommes formés ensemble petit à petit. Il y a des choses que nous ne faisions pas bien, nous perdions beaucoup de temps. Puis, nous nous sommes entourés de personnes plus compétentes pour nous aiguiller dans la bonne direction. J’ai suivi avec eux une formation accélérée. Ils m’ont aidés à bien comprendre les aspects techniques du bateau, la météo, la stratégie. C’est, ensuite, une histoire d’ambiance et de confiance. Le fait d’être une petite équipe rend les choses plus faciles. Notre noyau dur est le même depuis le début, contrairement à d’autres équipes de skippers. Je me sens prêt, même si on pourrait toujours retarder l’échéance pour apprendre davantage, se rassurer. Mais maintenant, j’ai envie de partir !

Avant de partir justement… y’a-t-il une « bonne » manière de vivre les derniers instants avec ses proches ?

GS – La dernière semaine n’est vraiment pas évidente. C’est nouveau pour moi, car avant je n’avais pas d’enfant. Certains skippers coupent complètement avec leur famille avant le départ pour se concentrer sur la course à venir. Moi, je sais que je n’arriverai pas à le faire. Ils seront là sur le ponton jusqu’au dernier moment. Je pourrais les serrer dans mes bras pour leur dire au revoir. Avec mes aventures précédentes, mes proches savent que je suis un marin vigilant, que je sais naviguer même en cas de coups durs.

Envisagez-vous de coopérer dans ce contexte compétitif ?

GS – Oui, car nous nous entendons tous très bien. Nous avons des envies et des profils très différents. Je ne suis pas là pour piquer la vedette à qui que ce soit. Il y a des skippers avec qui j’ai plus d’affinités, comme Benjamin Ferré, par exemple. C’est un super copain que je vois souvent, même à l’extérieur. On dîne ensemble, on surfe ensemble. Le climat est bienveillant. Même en mer, nous pouvons être amenés à nous aider. Si nous sommes en situation d’avarie grave, il y a les concurrents autour pour intervenir. Après, j’ai l’esprit de compétition. Je ne suis pas là seulement pour m’amuser. Lors d’une course comme celle-ci, j’ai envie de donner le meilleur de moi-même et de faire avancer le bateau du mieux possible.

Guirec Soudée Vendée Globe

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Crédit photo : Adrien Cordier

Pourquoi recherchez-vous cette prise de risques permanente ?

GS – C’est une drogue. Plus je prends de risques, plus j’ai envie d’en prendre. J’ai envie de découvrir, de voir et de faire un maximum de choses avant de quitter un jour la planète. C’est ça qui m’anime le plus, qui me tient en haleine. J’ai besoin de me retrouver dans l’effort. Je n’aime pas quand la vie est trop facile. Si mes aventures se passent trop bien, je suis presque déçu. J’espère que ce Vendée Globe va m’apporter la difficulté que je recherche. Sinon j’enchaîne avec un autre tour du monde sans m’arrêter (rires). J’ai également besoin de me retrouver seul. C’est dans ces moments-là que je prends de bonnes décisions, car il n’y a aucune sollicitation ou influence extérieure. Je me demande si je suis heureux dans ma vie ? Qu’est-ce que j’ai accompli ? Qu’est-ce que je cherche encore ? Qu’est-ce qui est important ?

Quel parallèle faites-vous avec l’entrepreneuriat ?

GS – Si nous savions ce qui nous attendait à l’avance, la majorité des skippers ne partiraient pas. Ils se diraient que ça va être trop compliqué, ils se demanderaient comment ils vont s’en sortir. Nous n’avons jamais les réponses à l’avance. Il faut se confronter à la difficulté. Il faut se dire que les moments délicats seront passagers. Ils ne resteront pas durablement. Le vent va ressouffler dans la bonne direction, les petits soucis techniques vont être réglés. Nous pourrons reprendre la route tranquillement. Des animaux vont venir à notre rencontre pendant la traversée pour nous faire du bien. Heureusement que ces moments difficiles existent. Ce sont les meilleurs souvenirs. Nous n’aurions rien à raconter sinon ! On peut avoir peur, se demander ce qu’on fait là, mais il ne faut pas paniquer afin de ne pas perdre ses moyens. Il faut garder son sang-froid pour réfléchir, faire preuve d’imagination, et trouver les bonnes solutions.

Côté financement, nous devons également aller chercher des fonds pour financer notre projet. J’ai des sponsors solides, comme Freelance.com, mais trouver de l’argent reste très compliqué. Il faut faire attention au budget, car tout coûte très cher. Une « petite » dépense imprévue équivaut à 40 000 euros pour faire réparer la voile. J’ai d’autres sources de revenus, comme des livres et des films diffusés sur Canal+. J’ai eu de la chance, car certains ont été des best-sellers traduits dans plusieurs langues.

Jusqu’ici, quelle a été votre plus belle réussite ? Et la suite ?

GS – La plus belle chose que j’ai réalisé, ce sont… mes enfants ! Si je ne réponds pas ça, ma femme va m’insulter (rires). Non, c’est sur que la plus belle chose que j’ai faite, c’est de fonder une famille. La liberté n’est plus la même qu’avant, mais elle se transforme en partage. Plus tard, quand ils auront grandi, j’ai envie de partir avec eux. Mon conseil, c’est de ne pas écouter les gens négatifs, bien s’entourer, se faire plaisir, faire du mieux qu’on peut. Le seul regret qu’on peut avoir dans la vie, c’est de ne pas essayer. Mes prochains projets seraient de faire le tour du Pôle Nord en bateau et sans escale, de faire un tour du monde à l’envers et sans escale, traverser le Groenland ou l’Antarctique à pieds… Donc go, go, go ! »

Crédit photos : Adrien Cordier

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