Chartres se prépare à faire coup double. Quelques mois seulement après la livraison du Colisée, un équipement sportif et culturel de 4 000 places, la capitale de l’Eure-et-Loir recevra les clefs de son nouveau parc des expositions l’Illiade en septembre. L’architecte Rudy Ricciotti, à qui l’on doit le musée Mucem à Marseille, a imaginé une structure moderne avec des façades constituées de « peau plissée » en béton projeté s’intégrant au paysage. D’un coût de 30 millions d’euros, le parc propose un hall de plus de 10 000 m2, divisible en trois.
À une heure de Paris, la ville de 40 000 habitants espère y accueillir des événements nationaux, voire internationaux.
L’investissement est symptomatique d’une course aux équipements. Si la crise du Covid a pu freiner les ardeurs – voire entraîner l’abandon de quelques projets, comme le nouveau centre de congrès d’Annecy ou le parc des expositions de Rodez -, les projets fleurissent à nouveau et les rénovations vont bon train ; dans les villes côtières et stations balnéaires (comme le Cap d’Agde qui a ouvert un palais des congrès en 2019, équipé d’un auditorium de 1 150 places) qui espèrent ainsi attirer des visiteurs en dehors du rush de l’été et faire vivre leurs commerçants une large partie de l’année, et dans les villes moyennes alléchées par les promesses de retombées économiques. Le cabinet Coach Omnium a recensé une douzaine d’ouvertures récentes ou à venir, ainsi qu’une vingtaine de programmes de rénovation, modernisation ou extension de centres de congrès et parcs des expositions, avec une forte dynamique dans les quarts Nord-Ouest et Sud-Est de la France.
Des lieux multifonctions
En 2021, Laval a inauguré son site multifonctionnel baptisé l’Espace Mayenne, avec notamment une salle de spectacles de 4 500 places et un amphithéâtre de 500 places. Un an plus tard, Valence se lançait dans la course avec le Palais des Congrès Jacques Chirac, réunissant un parc des expositions et un centre de congrès. Cette année, outre Chartres, on célèbre également l’ouverture de l’Embarcadère à Boulogne-sur-Mer, un palais des congrès et spectacles de 1 700 places assises. Et 2025 verra l’arrivée du centre de congrès de Nîmes (halls d’exposition, auditorium de 700 places) idéalement situé, à deux pas des arènes. Coté rénovations, plus de quatre structures sur dix ont réalisé des investissements d’envergure au cours des quatre dernières années et la moitié dit avoir des projets d’investissements pour 2024/2025 selon Coach Omnium.
Outre l’indispensable rénovation énergétique, il s’agit en grande partie de l’installation d’équipements numériques (visioconférence, streaming…) avec pour objectif de permettre l’accueil de manifestations hybrides combinant participation en présentiel et virtuel ; ou encore l’aménagement de nouveaux espaces pour diversifier les clientèles, par exemple des espaces réceptifs permettant d’organiser un dîner en marge d’une réunion ou des petites salles adaptées à des journées d’études. Citons, par exemple, Angers qui a modernisé son centre de congrès en 2019, Le Touquet qui a rénové ses installations historiques et ajouté un nouvel auditorium de 1 150 places ou encore Saint-Malo qui a entièrement relooké et agrandi son Palais Grand Large. Enfin, il y a quelques mois, Brest a rouvert le Quartz (scène nationale et centre de congrès, avec deux auditoriums) après plusieurs années de travaux.
Trouver l’équilibre financier
Reste désormais à remplir ces multiples équipements gérés principalement en régie municipale ou en gestion mixte de type société d’économie mixte (SEM) et société publique locale (SPL) et à amortir leurs coûts fixes ; un défi permanent alors même que la facture énergétique s’est envolée et que la compétition se renforce chaque année. Car, au total, la France métropolitaine compte désormais plus de 200 palais des congrès et parcs des expositions, soit une moyenne de deux par département. « La recrudescence de projets à coup de dizaines de millions d’euros interroge dès lors où elle ne s’accompagne pas nécessairement d’une intensification de la demande mais d’un rattrapage après Covid, et que cette demande reste essentiellement départementale ou régionale », commente Coach Omnium. Pour diminuer les risques, les équipements deviennent donc multifonctions, sont capables d’accueillir des foires départementales et des séminaires, des spectacles et concerts, voire des compétitions sportives, à l’instar de l’Espace Mayenne de Laval qui s’est équipé d’un mur d’escalade de 16 m de haut. Et les villes moyennes misent sur leur tissu économique et leurs filières scientifiques pour développer le tourisme d’affaires ; avec des résultats toutefois mitigés.
Ainsi, les principaux commanditaires des équipements de taille moyenne sont pour l’essentiel des associations et fédérations locales ou départementales qui y organisent assemblées générales ou lotos, ainsi que des administrations et des banques. Bref, on est loin du congrès scientifique de haut-vol ou du séminaire d’entreprise high-tech, souvent mis en avant par les responsables politiques pour justifier les investissements. Au global, 47 % des structures reçoivent moins de 100 manifestations dans l’année et la situation se dégrade depuis dix ans (le ratio n’était que de 29 % en 2014) sous l’effet d’une concurrence accrue. Par ailleurs, en dehors des grandes métropoles, les opérations de moins de 200 participants constituent une très grosse majorité de la demande, avec une durée d’un jour, plus rarement de deux. Par souci de réaliser des économies, on voit même désormais se développer des manifestations d’une demi-journée ou sur une soirée, avec des retombées locales – notamment pour les hôtels – très limitées. Alors même que les villes et métropoles doivent faire face à des défis économiques importants, le challenge sera d’assurer l’équilibre financier de ces parcs et palais dans les prochaines années.