Entreprise

L’éthique serait-il le relais de croissance de l’économie numérique ?

Tribune – L’espace de quelques jours, Paris est devenu la capitale de la tech mondiale. Rive gauche, 100 000 visiteurs et 9 000 start-up ont assisté à VivaTech, le salon des start-up et de l’innovation. Rive droite, c’est le sommet Tech for Good avec 80 leaders de l’économie numérique et l’appel de Christchurch contre les contenus extrémistes sur Internet qui ont mobilisé plusieurs chefs d’État et de gouvernement. Par Loïck Minvielle, PhD – Professeur de Marketing et directeur du Programme bachelor of science online de l’Edhec Business School.

 
Ces deux événements sont in fine les deux faces d’une même pièce. L’économie numérique connaît un dynamisme sans précédent. Les consommateurs, toutes générations confondues, n’ont jamais autant utilisé de produits et services high-tech. Mais c’est sans compter sur les doutes grandissants des citoyens quant aux pratiques des géants du Web, en particulier celles des réseaux sociaux. Touché par une kyrielle de scandales liés aux données personnelles, Facebook est aussi accusé de ne pas en faire assez pour lutter contre le cyber harcèlement et endiguer les fausses informations. Mais il n’est pas le seul à connaître des difficultés.

Que vous soyez Mark Zuckerberg, dirigeant d’une start-up ou responsable marketing dans une grande ou petite entreprise, le défi est le même pour tous : le numérique doit gagner en éthique. L’impact futur d’un service ou d’un produit doit être mieux anticipé par l’entreprise conceptrice. Enfin, quelle limite faut-il placer au design de l’attention, à savoir des interfaces pratiques et en même temps destinées à capter/conserver l’attention des utilisateurs ? Il existe déjà une solution facile à mettre en œuvre au niveau de chaque entreprise : le “design éthique” ou “privacy by design” quand la démarche s’applique aux données personnelles.

 

Replacer l’Homme au cœur de l’innovation

Qu’entend-on par design éthique ? Ce sont des services et produits conçus en prenant en compte le respect de la vie privée, l’environnement et l’accessibilité. Il ne s’agit pas de se passer des apports technologiques acquis ou en plein essor comme l’intelligence artificielle. L’enjeu est de replacer l’Homme au cœur de l’innovation numérique et respecter son libre-arbitre. Cela va naturellement plus loin que la transparence ou une politique RSE. Prenons l’exemple des algorithmes, leur co-construction avec les utilisateurs et l’open data pourraient corriger les biais de modèles construits uniquement sur les statistiques ainsi que les limites des ordinateurs à intégrer la portée morale de certaines décisions.

En travaillant avec les associations de patients dans l’élaboration de nouveaux traitements ou dispositifs médicaux, le secteur de la santé fait déjà beaucoup mieux que l’économie numérique. Malgré des parts de marché encore faibles, les moteurs de recherche alternatifs constituent néanmoins un bon contre-exemple. Ne pas tracer les utilisateurs ou collecter leurs données de navigation est le fondement de la démarche de nouveaux acteurs comme le Français Qwant et le pari que le modèle de l’Américain Google a peut-être vécu ou du moins qu’une autre façon d’entrevoir le digital est possible.

 

Attente citoyenne

Certes, la domination des GAFA n’est pas menacée à court terme. Mais les lignes sont en train de bouger du fait de la multiplication et du durcissement des réglementations, la RGPD européenne en tête. Par ailleurs, avec les préoccupations éthiques croissantes des utilisateurs, l’encadrement des pratiques dans le numérique n’est plus perçu comme une contrainte mais comme une attente des citoyens. Pour les entreprises, il y a une voie d’accélération à prendre à condition d’utiliser des approches crédibles comme le design éthique. Cette évolution ne constitue pas uniquement une façon de se positionner différemment dans l’écosystème numérique mais bien d’apporter une réponse tangible à des utilisateurs avides de faire reconnaître leurs droits, leur évitant d’avoir le sentiment d’être manipulé. L’éthique serait-elle ainsi le meilleur argument pour bon nombre d’acteurs de la sphère digitale ? Tout laisse à penser que dans les années à venir, ce type d’approche constituera une nouvelle ère dans nos environnements numériques.

 
 

Ajouter un commentaire

Votre adresse IP ne sera pas collectée Vous pouvez renseigner votre prénom ou votre pseudo si vous êtes un humain. (Votre commentaire sera soumis à une modération)