Le contexte socio-économique actuel et la multiplication des plans de départs dans les entreprises françaises entraînent un certain nombre de troubles psychosociaux plus ou moins graves chez les salariés, dont le très sérieux burn-out. En comprendre les enjeux et les dérives peut nous permettre de l’éviter.
Par Ana Fernandez, coach et formatrice (www.energycoaching.fr).
Les nouvelles formes d’organisation du travail mobilisent et s’approprient la subjectivité des collaborateurs et, ce, à tous les niveaux de la hiérarchie. La culture du résultat, des chiffres, de la performance, de la gestion des projets et des évaluations se développe dans une rupture croissante avec la réalité du travail humain. Les conséquences en sont diverses :
– Une incapacité à rétablir le dialogue : les personnes qui se présentent dans mon cabinet sont en permanence confrontées aux résistances de la réalité professionnelle. Leur tension est telle qu’elle rend difficile leur expression orale. En résultent une élocution hésitante et une construction psychique branlante.
– Une souffrance au travail : un tiers de mes consultations spécialisées est en lien avec un mal-être professionnel.
– Un aveuglement face à l’évidence d’un dysfonctionnement dont les éléments dépendent bien souvent de la taille de l’entreprise et de son univers propre.
– Un isolement croissant : à force de chercher un bouc-émissaire à son mal-être, l’individu stressé passe à côté d’un questionnement constructif sur le comment de sa situation. Il s’enferme dans une optique de victime.
Êtes-vous en situation de burn-out ?
Votre situation professionnelle vous semble bouchée, vous vous habituez petit à petit à l’idée que ce sera ainsi jusqu’à la fin de votre carrière ; vous êtes physiquement fatigué, parfois même une petite douleur à l’estomac vous accompagne jusqu’à votre lieu de travail. Vous êtes inquiet à la perspective d’entrer en réunion, d’avoir à passer un coup de téléphone à un collègue ou à un supérieur. Il est temps de faire quelque chose pour vous, vous êtes assurément en état de burn-out.
La nature psychopathologique du burn-out en fait une épreuve à surmonter. Il est scientifiquement prouvé qu’un cerveau soumis à un stress permanent et continu entre dans l’inhibition. Tout se passe comme si le cerveau rétrécissait au point de ne plus pouvoir fonctionner : l’individu en situation de burn-out ne pense plus à rien même pas à lui-même. C’est un traumatisme réel qu’il faut prendre au sérieux et y consacrer le temps nécessaire jusqu’à la reconstruction totale de l’ego atrophié. Car, de toute évidence, il s’agit d’un profil nouveau de dépression sans affect. Rien à voir avec l’ancienne mélancolie. J’appellerais plutôt cette forme de dépression un chagrin d’honneur étant donné qu’elle relève de la perte de dignité de l’être humain.
En effet, si la souffrance d’un individu ne suscite aucun signe de compassion, son “je” n’existe plus. Ce qui détruit n’importe quel ego, c’est la perte de son identité par rapport aux autres. On ne souffre pas psychiquement du travail : on souffre de n’être pas reconnu par ses pairs, de n’être rien aux yeux des autres, de ne pas avoir une place à soi dans le monde professionnel. Autre variante, on souffre d’être obligé de se travestir psychologiquement, d’être quelqu’un d’autre pour exister. Tout effort devient alors trahison de soi, tromperie sur son être et les valeurs qui l’accompagnent. L’imposture est lourde à porter et l’évaluation individuelle systématisée dans les entreprises devient une véritable torture pour celui qui ne se sent pas à proprement parlé lui-même.
Le rôle d’un coach professionnel
Le coach professionnel a le pouvoir d’agir sur deux niveaux : celui du personnel relatif à l’individu et celui du structurel propre à l’entreprise.
Il est un interlocuteur privilégié pour tous ceux qui se sentent à la dérive. Des techniques très ciblées permettent à l’individu en détresse de recouvrer ses forces mentales et physiques pour accélérer le processus de sortie du cycle de la crise. Le coach accompagne la mise en place des stratégies d’urgence pour faire face à la crise, et se remettre en phase avec les exigences du milieu professionnel. Le coach aide son client à se poser les bonnes questions pour clarifier ses souhaits et aspirations, résoudre ses conflits intérieurs, se fixer des objectifs et les atteindre. Le coach sert de miroir et son écoute active lui permet de pointer les éléments clés qui donnent une nouvelle lecture et compréhension qui vont aider son client à retrouver son soi profond, se reconnecter à ses valeurs et retrouver le sens de son métier. Cet accompagnement propose d’élargir les horizons, trouver de nouvelles options. Il peut aussi conduire à une réorganisation de ses priorités professionnelles, voire à une reconversion.
Mais le coach a aussi la capacité de mettre en place une démarche pour atteindre un mieux-être dans l’entreprise ; il peut être un arbitre qui instruit les situations et analyse les problèmes au travail afin d’améliorer non seulement la qualité du management et ses perceptions mais également d’organiser le travail. On a trop tendance à “médicaliser” les conflits, c’est-à-dire à considérer que si les gens vont mal c’est qu’ils sont malades et qu’il ne s’agit pas de douleur au travail. C’est un déni de la réalité.
Affronter la réalité
De plus, lorsque l’on aide une entreprise à soigner ses individus sans toucher au système, on ne fait que repousser le problème. Car à la base des symptômes, il y a un problème profond d’organisation. Pourquoi les individus vont mal ? Quels sont les facteurs du mal-être collectif ? Il faut soigner l’organisation par le dialogue sur le travail, le management, les politiques et la stratégie. Car plus il y a des prescriptions, plus les gens doivent se coordonner. La relation au travail a ceci de différent avec la relation intime qu’elle se situe dans le “faire ensemble” et non dans “l’être ensemble”.
L’objectif est de mettre en place une éthique du travail en récompensant les travailleurs par de la considération et du temps. On a besoin de nouveaux horizons car on ne peut plus parler vrai. C’est par cette capacité à établir une nouvelle relation que les individus pourront renouer avec le travail.
Les dirigeants et managers des organisations doivent prendre conscience qu’il faut rendre compatibles performance individuelle et collective et équilibre des hommes. La priorité doit être de promouvoir dans les entreprises des modes d’organisation qui n’altèrent pas la santé physique et mentale des salariés. Je préconise des actions de prévention collective du stress chronique au travail car elles sont plus efficaces dans le temps. Elles consistent à réduire les sources de stress chronique en agissant directement sur l’organisation, les conditions de travail, les relations sociales de travail, etc.