En raison de la crise sanitaire, on peut s’attendre à de l’austérité en matière de rémunérations. Mais certains profils devraient continuer à voir leurs salaires augmenter en 2021, leurs compétences intéressant les entreprises pour le futur.
2019 fut l’année des cadres : le nombre de recrutements avait progressé de 5 %, frôlant alors les 300 000 embauches (chiffres Apec). C’était une situation de plein emploi (3,5 % de taux de chômage selon l’Insee) et les salaires pouvaient se négocier à la hausse. L’année 2020 s’annonçait également souriante… Mais la crise du Covid-19 est passée par là, avec une baisse des recrutements de 17 % par rapport à l’année dernière. Un nouveau contexte qui pourrait influer sur le niveau des salaires, au moins pour les fonctions considérées comme moins stratégiques.
Un quasi-gel des salaires en 2021 ?
Si les salaires de 2020 semblent relativement épargnés par la crise, cela pourrait être différent en 2021. Pour le moment, c’est encore l’indécision qui règne. Mais selon le dernier Observatoire des rémunérations du cabinet de conseil en ressources humaines LHH, si cette année ne devrait pas “être synonyme de gel des salaires”, la hausse des budgets dédiés aux augmentations salariales ne devrait être que de + 1,6 %, contre + 2 % ces trois dernières années.
Même constat chez Deloitte, qui prédit des augmentations autour de 1,5 %. Selon son étude annuelle sur les rémunérations individuelles, 44 % des entreprises annoncent des budgets d’augmentation inférieurs à 1 % de la masse salariale et 18 % des entreprises prévoient un gel des salaires. « Les entreprises font preuve de prudence en cette période d’incertitude », résume Albane Prieto, directrice du recrutement permanent chez Robert Half.
Cet article fait partie d’un dossier plus large sur les salaires des cadres :
* Des inégalités femmes – hommes persistantes
* L’écart Paris – régions devrait se réduire encore plus avec le télétravail
Industries de la santé / des technologies : Des augmentations “supérieures à la moyenne”
Mais tous les cadres ne seront pas logés à la même enseigne : pour Bruno Roquemont, directeur gestion des talents chez Mercer France, certains profils bénéficieront d’une augmentation de 6,7 voire 8 %. « Les entreprises vont jouer la sélectivité et mener des actions précises sur certaines compétences clés dont elles auront besoin en fonction de leur stratégie », pense-t-il. Une étude de son cabinet indique en effet que 58,4 % des entreprises qui envisagent d’augmenter les salaires ne l’appliqueront pas à l’ensemble des collaborateurs.
Des différences seront surtout notables entre les différents secteurs et entre les différentes fonctions. La dernière enquête Deloitte rapporte notamment que les entreprises des secteurs les moins impactés par la crise, comme l’industrie de la santé ou des technologies, prévoient des augmentations supérieures à la moyenne. À l’inverse de secteurs touchés par la crise, comme l’industrie, le transport ou le BTP.
Khalil Ait-Mouloud, responsable de l’activité Enquêtes de Rémunération au sein de Gras Savoye Willis Towers Watson, confirme quant à lui les rémunérations élevées dans le secteur de la santé : « Les salaires de base des salariés du secteur de la santé/pharma sont 7 % supérieurs à la moyenne. Les salaires du secteur de la finance sont quant à eux 16 % supérieurs à la moyenne si on prend en compte le salaire plus les bonus », note-t-il. Tout en ajoutant que les salaires des entreprises “purement industrielles” sont quant à eux dans la fourchette basse, inférieurs de 4 % à la moyenne.
LIRE AUSSI : Salaires : les fonctions cadres qui seront les plus augmentées en 2021
Les fonctions digitales encore plus recherchées
Au niveau des fonctions, ce sont les métiers du digital qui sortent gagnants. « La crise a accéléré la transformation digitale des entreprises et ces métiers deviennent de plus en plus critiques pour le futur », considère Khalil Ait-Mouloud. Ainsi toutes les fonctions autour de la data, de la cybersécurité, du marketing digital, etc deviennent encore plus prisées des entreprises et les salaires devraient connaître des évolutions à la hausse.
« Les fonctions IT sont celles pour lesquelles nous avons observé la plus faible baisse du nombre d’offres : il y a toujours une très forte pénurie de compétences », approuve Frédéric Béziers. Il note aussi que les fonctions financières, essentielles en cette période de crise, voient leurs salaires augmenter. « Tandis que les rémunérations des ressources humaines, services généraux et du juridique stagnent », poursuit-il.
Les forces de vente, également, devraient voir leur salaire augmenter : « Les commerciaux vont être en première ligne pour relancer le business », souligne Frédéric Benay, directeur général chez PageGroup. Tous les cadres ne seront donc pas logés à la même enseigne, en fonction du secteur de leur entreprise mais aussi de leur poste.
Hausse des avantages sociaux
En cette période de crise, les entreprises se trouvent donc face à un dilemme : elles n’ont plus la trésorerie nécessaire pour augmenter leurs employés mais doivent retenir leurs talents pour préparer l’avenir. Il va falloir faire preuve d’imagination. Au-delà des salaires fixes, Frédéric Benay postule pour sa part sur le fait que les entreprises vont jouer sur le variable, en l’augmentant pour les métiers clés. Mais elle devrait baisser pour les autres fonctions : Deloitte note une baisse de la part variable avec -12 % de bénéficiaires en 2021.
La prime Macron (PEPA), qui a été versée par 23 % des entreprises en 2020 – notamment pour récompenser les salariés exposés au virus – ne devrait être quant à elle utilisée que par 5 % des entreprises en 2021, selon Deloitte. Et les intéressements et participations devraient être en baisse, étant donné qu’ils dépendent de la bonne santé des entreprises.
« Des rémunérations différées vont être plus utilisées. En titres, par exemple, ou en cash payable à terme en fonction d’objectifs à plus long terme », explique Nathalie Berthelot-Briday. Albane Prieto dit avoir vu l’émergence de packages attractifs au-delà du salaire fixe : plan d’épargne entreprise, plan d’épargne retraite, actions gratuites, politique de notes de frais, véhicules de fonction, etc… « Nous parlons beaucoup de ces sujets annexes avec nos clients ».
Avantages sociaux
Dans son guide des salaires 2021, Robert Half avise également que la crise a permis de faire arriver de nouveaux avantages sur la table : allocation pour le matériel de bureau à domicile, assistance en matière de bien-être psychologique, assistance pour la garde d’enfants ou encore congés payés supplémentaires pour raison familiales. En tout, ce serait 62 % des salariés qui auraient bénéficié de nouveaux avantages en réponse à la pandémie du Covid-19.
Des bénéfices qui peuvent également fidéliser certains talents ou en attirer de nouveaux : Nathalie Berthelot-Briday pense d’ailleurs que les entreprises vont davantage miser sur les avantages sociaux. « Les partenaires sociaux vont mener des négociations sur le sujet du bien-être au travail. Il sera peut-être demandé d’équiper les employés d’ordinateurs portables de qualité afin de leur permettre de travailler confortablement depuis chez eux, imagine Bruno Rocquemont. Ce sont aussi ces points qui fidélisent les compétences ».
Khalil Ait-Mouloud mise aussi sur l’augmentation des rétributions non monétaires, comme le recours au télétravail ou l’offre de formations. Ainsi, si la crise va avoir un impact non négligeable sur les augmentations de salaires, les cadres pourront bénéficier d’autres avantages, en accord avec la recherche actuelle d’un meilleur équilibre vie personnelle/vie professionnelle.