Carrière

Les e-mails, une valeur juridique à ne pas négliger

À l’heure où l’envoi et la réception d’e-mails rythment la journée de nombreux salariés, les messages électroniques sont devenus une source intarissable de preuves pour toute action en justice. Autrefois considérés comme peu fiables, ils sont aujourd’hui utilisés pour la signature de contrats par le biais d’un certificat qui permet de sécuriser les échanges.

 

Pendant longtemps, on a entendu que les e-mails n’avaient pas de valeur juridique et ne pouvaient en aucun cas constituer une preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire. Pour autant depuis plusieurs années, “il est très fréquent d’avoir recours aux e-mails comme preuve”, assure Sylvain Champloix, avocat spécialisé dans le droit des affaires, le droit des nouvelles technologies et également correspondant informatique et libertés (CIL).

La preuve par l’e-mail
Non seulement il s’agit d’une preuve, mais l’e-mail est également un élément difficile à remettre en cause. “Même s’il y a possibilité de le faire, personne ne conteste l’authenticité des e-mails, confirme Sylvain Champloix. Le courrier électronique s’inscrit souvent dans le cadre d’une correspondance au sein de laquelle les réponses se succèdent. Ce sont des preuves solides par exemple dans la perspective d’un conflit entre un salarié et son supérieur hiérarchique.” Pour les contester, il faut donc considérer que la personne a fabriqué un faux, établir un constat d’huissier sur un e-mail que l’on a reçu. Un dispositif complexe qui nécessite le respect d’une procédure notamment pour nettoyer l’ordinateur. “Les captures d’écran ne suffisent pas”, informe Sylvain Champloix.
Mais dans les faits, même dans le cas d’un conflit entre un salarié et son employeur, le recours aux échanges d’e-mails est très fréquent et la contestation est difficile sur la véracité ou l’origine de l’envoyeur. Pourtant, dans certains cas, la fabrication de faux est probante. Sylvain Champloix cite en exemple le cas d’un contentieux prud’homal entre un informaticien et son entreprise. La société avait alors communiqué un certain nombre d’e-mails envoyés à des dates pendant lesquelles le salarié était absent. “Quelqu’un avait utilisé sa messagerie, précise l’avocat. Le tribunal lui a donné raison et a mis en avant les mauvaises pratiques au sein de l’entreprise.”

Distinguer le personnel du professionnel
Dans ce cadre, il est important de souligner que tous les e-mails contenus dans une messagerie professionnelle sont présumés avoir un caractère strictement professionnel sauf si le salarié a précisé qu’il s’agissait de courrier personnel, par exemple en créant un dossier dédié. Toujours est-il, l’employeur ne peut pas accéder à la messagerie car le poste de travail doit être sécurisé par un identifiant et un mot de passe. “Ce qui n’est pas le cas dans toutes les entreprises, alors que c’est un élément absolument primordial”, glisse Sylvain Champloix. Normalement, l’employeur n’a pas à disposer de ces données, seuls l’utilisateur et l’administrateur du réseau informatique de l’entreprise sont sensés détenir ces codes.
Mais dans les faits, en cas d’absence du salarié, ce dernier est obligé de permettre à l’employeur d’accéder aux informations nécessaires à la continuité de l’entreprise et des dossiers en cours. “Cela oblige les salariés à donner leurs identifiants et mots de passe à un collègue, explique Sylvain Champloix. En revanche pour consulter la boîte e-mail d’un salarié, l’employeur peut le faire mais un autre collaborateur doit être présent s’il est amené à ouvrir certains documents notifiés personnels.” Une situation délicate autant pour l’employeur que pour le salarié témoin qui encourage plutôt à faire appel à un huissier.
Pour autant, lorsque les échanges électroniques dépassent le cadre de discussions ou de règlements de compte, il faut prendre les dispositions nécessaires pour leur donner la même valeur qu’un document écrit, notamment dans le cas d’une signature de contrat. Dans cette perspective, l’article 1369-1 du Code civil dispose que “la voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services.” Selon Sylvain Champloix, l’article prévoit que l’on peut utiliser la voie électronique pour conclure un contrat ou pour mettre à disposition de l’autre partie, les clauses de l’accord.

Recourir à la signature électronique
De son côté, l’article 1369-2 du Code civil précise que “les informations qui sont demandées en vue de la conclusion d’un contrat ou celles qui sont adressées au cours de son exécution peuvent être transmises par courrier électronique si leur destinataire a accepté l’usage de ce moyen.” Contrairement au courrier traditionnel, les deux signataires doivent avoir donné leur accord pour signer le contrat par e-mail. L’article 1369-3 du Code civil va même encore plus loin dans ses précisions et dispose que “les informations destinées à un professionnel peuvent lui être adressées par courrier électronique, dès lors qu’il a communiqué son adresse e-mail. Si ces informations doivent être portées sur un formulaire, celui-ci est mis, par voie électronique, à la disposition de la personne qui doit le remplir.”
Dans le cadre de la signature d’un contrat, le fait d’accuser réception des documents par e-mail ne suffit pas. Ainsi, les entreprises sont nombreuses à utiliser le certificat de signature électronique. “Un tiers fournit une clé publique et une clé privée utilisées pour envoyer, ouvrir et signer l’e-mail électroniquement, détaille Sylvain Champloix. Normalement, l’écrit électronique ne peut être contesté que s’il ne résulte pas de l’utilisation d’un certificat de signature.” Un dispositif qui permet de sécuriser les données en matière de contenu, mais aussi d’identité.
Ce formulaire de signature électronique est souvent utilisé dans les affaires pour s’assurer de la bonne signature des accords, il fait pleinement foi. “Je conseille vivement de l’utiliser pour les contrats de toute nature, insiste Sylvain Champloix. Cela permet à tout le monde d’être protégé. Mais dans la pratique, la signature de contrat par voie électronique est encore assez rare.”
Dans le cadre d’une embauche et notamment pour l’envoi d’une promesse d’embauche, il est également conseillé de recourir à ce dispositif. “C’est au salarié de le demander, précise Sylvain Champloix. Il faut impérativement qu’il y ait un échange qui spécifie la date de début de contrat et que le salarié confirme son bon pour accord.”

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