30 % des femmes indiquent avoir été exposées à des violences physiques, morales ou sexuelles de la part de leur partenaire au cours de leur vie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, cela concerne une femme sur six. Soit environ 250 000 victimes. « Ce phénomène se déroule à huis clos. La majorité des victimes ne font pas de démarches. Ces données sont donc sous-évaluées, affirme Noémie Khenkine-Sonigo, fondatrice de Team’Parents. C’est plus fréquent qu’on ne le pense, et cela peut toucher des femmes de tous âges, tous milieux. Dans 80 % des cas, elles sont mères de famille, ce qui renforce leur fragilité. Car, lorsqu’elles partent, elles se retrouvent souvent dans une grande précarité financière. »
Si ces violences intra-familiales sont bien souvent invisibles de l’extérieur, elles ont des répercussions importantes sur la vie professionnelle des femmes concernées : « Ces dernières sont susceptibles d’être davantage en retard, absentes, d’être limitées dans leurs déplacements professionnels. Elles sont aussi fatiguées et moins productives, d’humeur changeante. Ce sont des signaux qui doivent alerter l’employeur, détaille l’ancienne avocate, spécialisée en droit de la famille et de la protection de l’enfance. Le système judiciaire ne les protège que très rarement, l’entreprise a donc cette responsabilité sociale et sociétale ».
Campagnes de sensibilisation
Concrètement, les organisations peuvent mener des campagnes de sensibilisation. « Celles-ci doivent avoir le courage de traiter le sujet et de faire savoir qu’elle le traite. Cette démarche de visibilité participera à créer un climat de confiance et à instaurer un management propices à la libération de la parole », explique-t-elle.
Dans le même temps, les RH et les managers, ajoute l’experte, doivent être formés « afin de réceptionner cette parole avec justesse. Le but n’est pas de soutirer les informations à la salariée, mais de montrer qu’ils sont disponibles et ouverts pour en discuter. Leur écoute empathique créera un espace sans jugement. » Cela peut se faire « sans qu’ils n’entrent dans l’intimité des victimes, dans les détails délicats », stipule-t-elle.
Des initiatives peu coûteuses, mais efficaces
Après la phase d’écoute, entreprendre des actions concrètes est indispensable, selon elle. Les RH et les managers peuvent alors rediriger la salariée vers des réseaux d’entraide (médecins, psychologues, avocats) pour qu’ils l’accompagnent à la fois dans un chemin judiciaire et de guérison. Lorsque c’est possible, les organisations peuvent aller jusqu’à pendre en charge, en partie ou en totalité, les coûts liés à cette démarche. En prenant, par exemple, un lieu d’hébergement d’urgence pour les mettre en sécurité.
Il existe d’autres initiatives, moins coûteuses, pour que les victimes « s’éloignent rapidement de leur bourreau« , note-t-elle, comme proposer un aménagement du temps de travail, une réduction de la charge de travail, des congés supplémentaires pour aller à l’hôpital, voire pour porter plainte dans un commissariat, encourager le partage de congés avec des collègues, inciter à une mobilité professionnelle dans une autre ville, octroyer des avances sur salaires, etc. Des entreprises, comme BNP Paribas, Axa, Orange, Kellanova, La Poste, ou encore SNCF, proposent de tels dispositifs à leurs collaboratrices.
En sensibilisant et déployant des actions en faveur des femmes victimes de violences conjugales, conclut la dirigeante de Team’Parents, « les entreprises les aideront à sortir de l’isolement et à trouver les ressources pour devenir les actrices de leur propre protection. » À noter, néanmoins, que « cette sortie des violences domestiques peut prendre des années, ce n’est pas un processus linéaire. Il peut y avoir des allers-retours. »