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Éviction de Carlos Tavares : ce management « d’une autre époque » dont les salariés ne veulent plus

La mise au pilori brutale de l'ex-directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, jusqu'alors respecté pour ses performances économiques, a suscité de nombreuses interrogations. Au cœur de la controverse ? Son type de management et de leadership. Décryptage de Franck Nicolas.

Encensé avant d’être éjecté ! Début décembre 2024, la démission « forcée » de Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, a été aussi brutale que ses méthodes managériales. Pendant de longues années, les résultats économiques du géant de l’automobile ont protégé son dirigeant de 66 ans. Mais ces derniers mois, son management a été fortement contesté, ses ennemis se sont multipliés, et la perte de confiance du marché a conduit à son éviction par le conseil d’administration. Concrètement ? Il était connu pour être « un psychopathe de la performance », comme il se décrit lui-même. Il demandait le dépassement à l’extrême de ses équipes, parlait cash, et encourageait les départs volontaires. Le tout dans un contexte où il ne cessait de sabrer les coûts. Autrement dit ? Il fallait faire toujours plus de résultats, avec toujours moins de moyens. Au point que certains cadres se mettaient à « pleurer », d’après un délégué syndical.

« Son management s’inscrit dans une logique managériale française, mais un management français d’une autre époque », tranche d’emblée Franck Nicolas, fondateur de Becoach. Il se caractérise par un pouvoir centralisé, des résultats court-termistes, et une résistance forte (passive ou active) des équipes, en raison d’un climat de peur. « Carlos Tavares traduisait son activité en chiffres, au lieu de la faire vivre avec des hommes et des femmes. Il était dans une vision très binaire du monde, où seules la rationalité et la technique comptaient. » En d’autres termes, on reproche à l’ancien dirigeant de Stellantis de ne pas avoir su jongler entre différents styles de leadership : tantôt dans le développement économique de l’organisation, tantôt dans la prise en compte des êtres humains qui la composent. Ce mode de gouvernance exclusivement tourné vers la performance est de plus en plus critiqué en France, notamment depuis le Covid-19, où la notion de santé mentale a révélé les violences psychologiques exercées par certains managers au travail.

Culture de confiance

Elles continuent, pourtant, d’être pratiquées dans « de nombreux grands groupes, notamment industriels. Les dirigeants pensent qu’ils doivent être des gros durs pour être respectés et performer », poursuit Franck Nicolas. Ces derniers se transforment « en autocrates qui relèguent leurs équipes au rang d’exécutants, et pas de créateurs. Ils leur enlèvent tout pouvoir et ne suscitent aucun engagement profond. 24 à 36 mois suffisent pour semer un chaos total dans l’entreprise, avec du turnover et des arrêts maladie en cascade. »

D’après l’expert en leadership, ce mode managérial « ne passerait jamais aux Etats-Unis ». Selon lui, les leaders français devraient, d’ailleurs, s’inspirer du management américain. De l’autre côté de l’Atlantique, les managers qui réussissent ont des équipes innovantes et stables, ainsi que des résultats durables. Pour ce faire, une culture de confiance et de feedback est instaurée. Celle-ci passe, notamment, par une grande autonomie octroyée aux collaborateurs : « Ils ne suivent pas un leader, ils suivent une vision, des valeurs. »

Si le cas de Carlos Tavares a provoqué un petit séisme dans le monde des affaires, il ne représente pas pour autant une révolution managériale. « C’est un épiphénomène, dans 3 semaines, tout le monde l’aura oublié », dit-il. Cependant, c’est un « signal encourageant » qui témoigne de l’avancée de la France en matière managériale. Une avancée à marche forcée, certes, mais toute avancée est bonne à prendre ! « Nous devons aller plus vite dans l’instauration d’un management plus participatif en France.« 

*L’ouvrage « L’effet 110 : Comment enrichir sa vie et sa carrière à 110 % et décupler ses résultats » (Robert Laffont) de Franck Nicolas a été publié en mai 2024.

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