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Mensonge sur le CV : bien analyser les circonstances

Quelques mois après avoir embauché votre dernier collaborateur, vous vous rendez compte qu’il a menti sur son CV. Un acte certes répréhensible mais qui doit impérativement être analysé dans son contexte. En effet, les conséquences ne seront pas les mêmes s’il s’agit d’un mensonge par omission ou de la non-possession d’un diplôme essentiel ou même obligatoire pour la tenue du poste.

 
Le Grand Rabbin de France prétendant être agrégé de philosophie alors qu’il n’en était rien, ou encore l’ancienne ministre de la Justice, Rachida Dati qui aurait été reçue à l’école de la Magistrature en présentant un dossier laissant croire à des diplômes qu’elle n’a jamais obtenus. Les exemples de personnes ayant largement arrangé voire carrément menti sur leur CV ne manquent pas. Même dans les plus hautes sphères. En entreprise, c’est d’ailleurs devenu une pratique presque courante, concernant le niveau de langue. En revanche, les “vrais mensonges” notamment sur l’obtention d’un diplôme passent rarement inaperçus. “Ce n’est pas une problématique que je rencontre régulièrement, explique Yves Judic, dirigeant de Foratlantic et coach certifié sur la plate-forme Moov­One. Les CV sont très souvent vérifiés de manière précise par les recruteurs et, il n’y a pas tant de menteurs que ça.”

 

“Poser les choses”

Pour autant, si le sujet se présente, il est impératif de confronter la personne à la situation, mais avec bienveillance, conseille le coach. “Il faut lui dire que vous avez découvert que la présentation de son CV n’était pas conforme, mais y aller doucement, propose  Yves Judic. Il peut s’agir d’une personne sous pression financière qui a enjolivé son parcours ou son niveau d’étude car elle devait impérativement trouver du travail.”
Un autre élément à prendre en compte dans les actions à mener : la manière dont s’est passée la période d’essai. Si elle est terminée, on peut conclure que la personne a donné entière satisfaction. “Il faut amener le fait, comprendre la situation et voir, ensuite s’il faut aller vers des procédures dont les conséquences peuvent être plus graves ou trouver une issue amiable au problème,” poursuit le coach.
L’essentiel étant de donner l’occasion à la personne de s’expliquer, éventuellement de se justifier. Il faut également invoquer le besoin de confiance entre l’employeur et le salarié pour la poursuite de la collaboration. “Une fois que le manager a découvert le pot aux roses, il faut rapidement engager le dialogue et poser les choses, confirme Franc Muller, avocat spécialisé en droit du travail. Si le salarié a donné satisfaction, même s’il n’a pas le diplôme annoncé, dans une profession non réglementée, l’employeur peut choisir de poursuivre avec lui. L’essentiel étant, vis-à-vis du salarié, de l’informer rapidement que vous avez découvert qu’il avait menti sur son CV. Cela peut difficilement être un argument de rupture de contrat après deux ans de collaboration.”
Il faut donc mettre les choses au clair et faire comprendre au collaborateur la gêne que cette situation peut occasionner au sein de l’entreprise et notamment vis-a-vis de ses collègues. “Le manager doit réaffirmer le sentiment de confiance dont il a besoin pour faire tourner ses équipes”, ajoute Yves Judic.

 

Du point de vue du droit

Dans cette optique un arrêt daté de septembre 2009 a été rendu concernant un salarié embauché comme masseur-kinésithérapeute. Il n’avait pas obtenu son diplôme et avait caché cette information à son employeur. “Quand l’employeur l’a découvert, il s’en est satisfait car il a estimé qu’il avait les qualités requises”, analyse Franc Muller. Pourtant, il a essayé de se servir de cet argument pour entamer une procédure de licenciement trois ans après. “Le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, ajoute Franc Muller. Le véritable motif résultait des relations tendues entre le salarié et l’employeur.”
Il faut aussi avoir conscience que, selon les circonstances et notamment s’il est possible de prouver un mensonge et de surcroît une tromperie, vous aurez la loi de votre côté. “Dans ce cas de figure, le maître-mot est la loyauté contractuelle, illustre Judith Bouhana, avocat spécialisée en droit du travail. C’est cette notion qui permet de réagir en cas de mensonge.”
En dehors de la période d’essai, quand l’employeur s’aperçoit de la tromperie, il faut en premier lieu établir s’il existe un lien important avec l’exercice de la fonction et mettre en place une procédure disciplinaire.

 

Ne pas perdre de temps

Dans ce cas, on peut évoquer le Dol, une tromperie en droit civil qui peut être un motif de nullité en droit des contrats. Il est défini comme une manœuvre frauduleuse visant à tromper une personne dans le but d’obtenir son consentement. Pour que le mensonge soit un Dol, il faut que le collaborateur ait trompé la partie adverse sur un élément essentiel du consentement. “Si le mensonge a impacté l’exercice des fonctions, l’employeur peut agir sur le fondement de l’insuffisance professionnelle, précise Judith Bouhana. Il faut juste prêter une attention particulière au motif de licenciement.”  Si le collaborateur est en retard dans son travail mais que cela n’a rien à voir avec la possession de tel ou tel diplôme, cela ne pourra pas être un argument valable.
Sur ce point, selon l’avocat, la jurisprudence est plus ferme avec l’employeur dans le cas où il aurait fait preuve de légèreté, par exemple à travers la non-vérification des diplômes. “Il ne faut donc pas agir trop tardivement pour licencier, et faire attention au choix des arguments”, conclut-elle. Et prendre soin de bien vérifier la cohérence du parcours des personnes que vous recevez en entretien mais aussi, pour ne prendre aucun risque, de leur demander l’original de leur diplôme.

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