Management

Y a-t-il un philosophe pour sauver l’entreprise ?

Qu’est-ce que la philosophie peut apporter à l’entreprise – et réciproquement ? C’est en résumé la question que se sont posée des dirigeants et des universitaires mardi 19 janvier à la Sorbonne lors d’une rencontre organisée par l’université. Si les professionnels issus de cette formation possèdent des atouts qui leur sont propres pour agir dans une société, le mode de réflexion philosophique pourrait offrir aux dirigeants une autre manière d’aborder leurs stratégies et l’organisation du travail au sein de leur organisme.

 

Les boiseries cirées parfument les petits halls qui mènent à la salle des Actes de l’université, à la Sorbonne, au 54 rue Saint-Jacques à Paris. Dans le public, des têtes grisonnantes et des étudiants, des hommes et des femmes, des universitaires et des dirigeants. L’objectif commun ? Discuter des liens existants ou à créer entre philosophie et entreprise. Sous la forme d’interventions et de débats, la journée a permis de poser des questions, d’esquisser des réflexions et d’illustrer le champ d’action possible de la philosophie dans le monde du travail. À l’initiative du projet, Adélaïde de Lastic, docteur en philosophie et consultant-chercheur à l’agence Lucie (Label de responsabilité sociétale en entreprise), et Michel Puech, maître de conférence à Paris-Sorbonne qui intervient en entreprise pour des missions de conseil ou de formation.

Remettre en cause l’existant

Premier constat dressé, l’existence de cloisons entre l’entreprise et la philosophie. Comment ces deux mondes, aux objectifs si différents, peuvent-ils devenir compatibles, et dans quel but ? Il ressort d’abord de cette journée que, du point de vue de la formation stricte, les philosophes – professionnels issus d’une formation philosophique, présentent de nombreux atouts. Agilité intellectuelle, capacité à prendre du recul, à conceptualiser, à éclaircir des problématiques complexes, à s’étonner – c’est-à-dire à remettre en cause l’existant, sont autant de compétences qui sauront faire leurs preuves pour la bonne marche d’une société et que l’on retrouve peut-être de façon moins évidente chez les candidats issus d’autres formations.

 

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Redéfinir ce que l’on fait

La philosophie en elle-même, comme méthode de réflexion, a-t-elle sa place en entreprise ? Le recul qu’elle réclame sur le monde et le temps qui lui est nécessaire peuvent-ils s’exercer au sein d’une société, aux prises du temps présent et de l’action ? Plus qu’on ne peut se l’imaginer au premier abord, selon les réflexions avancées lors de cette journée. Concrètement, des dirigeants font appel à des philosophes pour les aider sur différentes questions : réflexions éthiques sur l’usage des nouvelles technologies, sur les méthodes de management, sur les besoins individuels en matière d’épanouissement professionnel pour favoriser le bien-être et lutter contre la souffrance au travail. Par exemple, la réflexion philosophique aide les dirigeants à comprendre comment remédier à l’un des mal-être vécus dans l’entreprise : celui de l’absence de sens donné aux actions de chacun, ou du flou régnant sur l’objectif global de l’entreprise. Elle peut permettre aussi de définir une action de RSE (responsabilité sociale des entreprises) en bonne intelligence avec les buts concerts et chiffrés que l’organisme se donne.

 

Resolidariser la pensée et l’action

Car cette discipline permet de redéfinir le sens à donner à ce que l’on fait. C’est ce que propose de faire Thaé, une agence de philosophie dont le but est d’accompagner les organisations pour mieux les aider à définir leur projet et à “l’incarner au quotidien.” “Nous leur permettons d’argumenter sur le développement d’une cause, explique par exemple Marion Genaivre, associée co-fondatrice de l’agence. Nous les accompagnons sur des questions de travail, de culture et d’éthique. Il s’agit de resolidariser la pensée et l’action.”
Au sein d’une entreprise, le philosophe peut aussi aider le dirigeant dans ses stratégies en lui apportant de nouveaux concepts, en lui offrant une vision extérieure de son business et en lui permettant de se poser les bonnes questions, à la manière d’un questionnement socratique.
Mais qu’est-ce que les philosophes ont à gagner à se rendre en entreprise, si ce n’est de l’argent ? Du côté des universitaires, c’est aussi l’occasion de réfléchir sur le monde du travail tel qu’il se vit aujourd’hui. Cela permet également de se poser des questions sur les méthodes de management : l’efficacité de l’évaluation du travail fondée sur le chiffre, la nécessité de laisser la place au “temps improductif”, et si oui dans quelle mesure et sur quelle durée, mais aussi tout simplement de la place du travail dans nos vies, à l’heure du chômage de masse, du la digitalisation et de la non-linéarité des parcours.

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