Carrière

S’expatrier, mode d’emploi : négociez votre package de départ !

Le 30 mars à Paris, la Cité universitaire accueillera le salon S’expatrier mode d’emploi, organisé sous le haut patronage du secrétariat d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Partenaire de l’événement, Courriercadres.com vous propose chaque semaine de faire le point sur différentes problématiques de l’expatriation. Après la check-list, et le point sur les métiers et pays à privilégier pour une expatriation, voici les conseils d’Alix Carnot*, directrice du pôle Carrières internationales chez Expat Communication, sur la négociation de votre départ.

 

Lors d’un départ à l’étranger, que ce soit en contrat d’expat’ ou local, existe-t-il une marge de négociation avec l’entreprise qui fait partir son salarié ?

Tout dépend de la maturité de la structure en matière de mobilité et de sa taille. Dans une PME, peu exportatrice et novice sur ce sujet, il y aura plus de possibilités que dans des groupes qui ont l’habitude d’expatrier leurs salariés, où tout va être hyper normé. La marge de négociation sera quasi nulle. Prenons l’exemple de Leroy Merlin, où les conditions d’expatriation sont très bien faites. La politique de mobilité internationale est extrêmement cadrée, ce n’est pas la peine de négocier. Les grandes entreprises auront de toute façon une meilleure analyse que vous du coût de la vie sur place, par exemple pour les indemnités de logement. Vous n’aurez pas vraiment d’intérêt à négocier.

 

Y a-t-il malgré tout des points discutables avec ces entreprises ?

Oui, mais cela portera sur des points très personnalisés, par exemple sur la possibilité de réaliser plus d’allers-retours dans le pays d’origine parce qu’il y a une situation familiale particulière, comme des grands adolescents qui ont besoin d’accompagnement ou des seniors qui nécessitent votre présence. Mais cela reste vraiment à la marge, pour des raisons exceptionnelles.

 

Dans des entreprises moins structurées en matière de mobilité, quels sont les différents points à négocier en priorité ?

Il faut déjà essayer d’avoir un contrat d’expat plutôt que local ou local plus [qui offre une série d’avantages en nature au salarié, Ndlr], même si la tendance va plutôt dans ce sens. Ensuite, le plus important à discuter, c’est la clause de retour. Demandez si vous pouvez garder ou resigner un contrat avec l’entreprise si cela se passait mal. Les questions prioritaires à négocier par la suite sont celles de la santé, de la retraite, de la prévoyance et de l’assistance. Il faut faire en sorte que l’entreprise finance votre protection sociale et vos complémentaires. Les coûts liés à la santé peuvent représenter 10 % de votre salaire, de même que pour la retraite. Par exemple, nous avons reçu des appels d’un jeune Français travaillant à Singapour et qui a un cancer mais qui ne peut pas se payer le traitement. Les enjeux sont énormes. Renseignez-vous aussi pour savoir si vous restez attaché à la Sécurité sociale française. Pour la retraite, demandez si vous cotisez en France ou dans le pays d’expatriation. Il n’existe pas toujours de conventions entre pays sur la question et le sujet est très complexe.
Ces aspects sont prioritaires. Il faut ensuite aborder la question du logement, des allers-retours en France et de la scolarité des enfants. Pour votre habitat, le package peut proposer par exemple une prise en charge pendant trois ans avec une contribution dégressive. Il faudra bien vous faire expliciter les choses.

 

Comment réussir sa négociation sur ces différents points ?

Ce qui va être important, ce sera la précision de vos connaissances et de vos informations sur la vie locale : les écoles, le logement… Il faut pouvoir expliquer et justifier pourquoi votre demande est importante. Il faut aussi indiquer pourquoi votre requête rentre dans les intérêts de votre entreprise. N’oubliez pas de vous montrer reconnaissant vis-à-vis des avantages qui vous sont déjà offerts. En général, les expatriés ne se rendent pas compte de ce qui coûte le plus cher, comme la protection sociale, qui nous semble être quelque chose de normal quand on est Français. C’est la même chose pour la complémentaire retraite. Il faut vérifier que c’est bien dans votre package et si c’est le cas, soulignez que vous appréciez ces efforts avant de formuler d’autres demandes. Aux yeux du gestionnaire qui s’occupe de votre mobilité, l’expatrié est un capricieux à qui on donne déjà beaucoup !

 

Comment soutenir son argumentation ?

Il faut faire valoir que votre conjoint a dû arrêter de travailler pour vous suivre alors qu’il gagnait la moitié du revenu du foyer, par exemple. Je conseille également d’aller chercher des informations de base comme le fonctionnement des autres entreprises en la matière. Il faut aussi aller sur les sites des cabinets d’audit, comme Mercer, qui ont des calculateurs pour estimer le coût de la vie dans différents pays. Les entreprises passent les salaires par une moulinette fiscale et sociale pour conserver le même niveau de revenus malgré les différences entre pays. Par exemple en France, les familles nombreuses sont épargnées sur le plan fiscal du fait du quotient familial. Or aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, ce n’est pas le cas, ces mêmes familles peuvent se retrouver à payer beaucoup plus d’impôts. Il faut donc le savoir pour demander une augmentation salariale en conséquence.

 

Un dernier conseil ?

Partir avec un contrat signé ! Souvent, le départ se réalise dans l’urgence, on peut vous dire : ‘Allez-y, on verra bien !’ . Il faut que tout soit écrit. Je ne compte pas le nombre de personnes qui avaient obtenu des engagements oraux sur les clauses de retour mais qui, au moment de rentrer, se confrontent à un DRH qui a changé et qui n’est pas au courant. Ce n’est pas forcément que l’entreprise ment ! Juste qu’il n’y a pas de traces écrites.

* Auteur du livre Chéri(e), on s’expatrie*, qui paraît le 10 mars aux éditions Eyrolles. Le livre comporte un chapitre sur la négociation.

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