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À qui profite l’Uber ?

Point de vue – Par temps de vive critique de la réforme du travail, il est bien curieux que les actifs n’aient pas dénoncé le danger que représente l’ubérisation de la société pour leurs emplois demain : bien plus inquiétant à terme que la loi El Khomri ! Par Denis Caminade, publicitaire étonné, président de l’Agence Shops.

Il faut dire qu’Uber surfe sur un mouvement de fond et de fonds également, celui de la paupérisation des taxis : moins rentables, les taxis ont, au fil du temps, perdu de leur standing avec des voitures plus ordinaires sans parler des chauffeurs dont l’amabilité n’a cessé de décroître en particulier à Paris. En réponse, l’arrivée d’Uber a donné un coup de magie, de glamour à un métier qui sombrait dans ses propres maux (moins de clients, moins d’argent, moins de plaisir, moins de sourire,…) et peu d’usagers se sont posé la question du bien-fondé de cette concurrence. Un peu à la légère, si l’on y réfléchit vraiment.

 

Ubernique les taxis et Uberlingots dans sa popoche

Voilà des accroches qui mériteraient de compléter la première campagne de publicité française de cette “enseigne” qui en recourant à l’humour entend bien cacher sous le tapis et les difficultés en cours avec ses chauffeurs et l’envers du décor pour tous. Mais en jouant avec le feu, on finit par être mis en lumière…

 

Ubernique qui ?

En premier lieu, les propriétaires de “licence de taxi” qui ont payé cher jusqu’en 2014 leur droit de stationnement – entre 220 000 et 240 000 euros à Paris en moyenne – alors que les VTC en sont totalement dispensés. En deuxième lieu, ses propres chauffeurs qui doivent verser à l’Uber-alles (“par-dessus tout”, en allemand), la Worldwide compagnie, 20 % de leurs recettes et qui plus est dans un marché à la baisse sur le plan tarifaire. En troisième lieu, et finalement, c’est à la longue le plus inquiétant pour l’emploi dans toutes les branches d’activité : en fonctionnant sur une base de travail à la pièce sans aucune compensation en cas de baisse d’activité de chacun (provoquée notamment par un afflux de freelances), certains – bien placés – voient d’un très bon œil l’ubérisation de la société, dans toutes ses branches et pas seulement les taxis, avec la disparition du salariat et de ses coûts et contraintes pour les patrons. Cela en fait rêver beaucoup : une société où chacun ne saurait pas de quoi demain serait fait, où les actifs seraient en insécurité permanente donc plus malléables, et forcément moins regardant sur la rémunération et les horaires de travail. Le modèle du paiement à la tâche corvéable à merci avait quasiment disparu de nos sociétés évoluées (90 % de salariés en France), mais les tenants du capital qui s’octroient déjà mondialement 50 % des revenus du travail, ne souhaitent plus continuer à partager à égalité avec les salariés les fruits du labeur. Cette forme de prolétariat “techno-chic” pourrait leur donner l’occasion d’en prendre effectivement beaucoup plus.

Uberlingots dans quelle poche ?  L’Uber et l’argent d’Uber !

Que n’entendons-nous pas sur le succès phénoménal de ce modèle qui va balayer l’ancien système du salariat : Uber serait valorisé à 50 milliards de dollars ! Il est vrai que prendre 20 % des recettes pour rémunérer sa plate-forme digitale et ses campagnes de communication RP et maintenant publicitaires, semble plus que rentable. Il y a certainement d’autres frais à soustraire, mais le solde devrait être largement bénéficiaire d’autant plus que l’optimisation fiscale jouant à plein, les états ne peuvent que déplorer le manque à gagner. Une ubérisation des activités serait donc aussi un désastre pour les finances publiques des états…

Le système trouve mécaniquement ses limites lorsque la rémunération n’est plus suffisante pour trouver le personnel stylé  VTC répondant aux appels des clients. Un équilibre difficile à obtenir par temps de restriction budgétaire des frais de transport des sociétés, d’autant plus que les VTC concurrents devraient bientôt montrer leurs dents. L’homme reste un loup pour l’homme, même en limousine.

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