Les grèves de fin 2019 ont entraîné un essor du covoiturage domicile-travail, également boosté par la pénurie de carburant en fin d’année dernière. Dans la durée, ce sont les subventions des collectivités locales ou des entreprises qui portent une pratique bénéfique pour le pouvoir d’achat des salariés et qui s’inscrit aussi désormais dans la démarche RSE des organisations.
David di Nardo, directeur du développement chez Klaxit, plateforme spécialisée dans le covoiturage domicile-travail, prévient d’emblée : « Ce type de mobilité n’est pas une solution miracle seulement lors d’un jour de grève générale. » Néanmoins, quand le mouvement social s’installe, il faut durablement s’organiser en l’absence de transports en commun : « Ce fut le cas fin 2019, période qui a constitué le premier grand pic dans le développement du covoiturage quotidien. L’autre hausse d’activité est intervenue lors de la pénurie de carburant en fin d’année dernière. » Si bien que, selon le baromètre Klaxit, en 2022, cinq millions de trajets en covoiturage de proximité ont été comptabilisés en France. Un recensement qui se base sur les données brutes de tous les opérateurs courte distance disponibles sur le portail gouvernemental Data.gouv.fr. « Nous ne mesurons donc pas le covoiturage informel qui ne se met pas en place via une plateforme mais de manière spontanée, » précise l’expert.
Un gain de pouvoir d’achat pour les salariés
Les cinq millions de trajets représentent tout de même une substantielle économie de 15 millions d’euros, soit 170 000 pleins de carburant ou encore 25 000 tonnes équivalent CO2, c’est-à-dire 300 000 vols Paris-Toulouse !
Pourtant, l’argument RSE n’est pas le levier principal pour basculer dans cette pratique, constate David di Nardo : « La première raison du passage à l’acte, c’est la question du pouvoir d’achat, en particulier depuis l’an dernier avec l’inflation et le coût du carburant. Les DRH y voient aussi un moyen de créer ou renforcer le lien social entre collaborateurs de différents métiers et services, de niveaux hiérarchiques variés. »
A l’image du groupe FM Logistic, entreprise logistique familiale de 28 000 collaborateurs, dont 6 500 en France, qui incite au covoiturage domicile-travail sur cinq plateformes, dans le Loiret et l’Oise : « En 2023, l’objectif est d’atteindre quinze sites sur trente en France, prévoit Cécile Cloarec, directrice ressources humaines, communication et développement durable. Nous offrons l’utilisation gratuite pour les six premiers mois et chaque conducteur reçoit deux euros par passager et par trajet. En moyenne, cela représente, pour tous, une économie de 55 euros net par mois. Sur les cinq sites actuels, 500 salariés ont recours à ce service sur 2 000 environ. Et 60 % des utilisateurs font plus de dix covoiturages par mois, soit la moitié du temps. »
Cette démarche avait déjà été initiée il y a quelques années, mais elle n’avait pas porté ses fruits. Alors qu’aujourd’hui, le timing semble bien meilleur, se félicite la DRH : « Nous voulons trouver des solutions autres qu’une hausse des salaires forcément limitée par la situation économique actuelle. Une première piste concrète est le covoiturage, assurée par la start-up Karos. Il y a d’autres avantages à ce système : des personnes qui ne travaillent pas ensemble se côtoient ce qui permet de casser les structures en silos, de renforcer l’esprit collectif et la communication interne. »
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David di Nardo observe que ce sont principalement les subventions qui portent, pour le moment, l’essor de la pratique. Des aides octroyées par les collectivités locales ou les entreprises. « Avec les applications mettant en relation conducteurs et passagers, les premiers gagnent en moyenne 10 centimes d’euro par kilomètre et par personne transportée. Les seconds peuvent parfois bénéficier de la gratuité de ce service grâce à l’intervention financière de métropoles comme Rouen. » Celle-ci figurait, en décembre, au premier rang du classement des dix villes qui covoiturent le plus (hors région Île-de-France), devant Montpellier, Beauvais, Angers et Nantes, pour ne mentionner que le top 5. Sachant qu’actuellement, une quarantaine de territoires aident à covoiturer.
« Nous travaillons, par ailleurs, avec plus de 300 employeurs, poursuit le directeur du développement de Klaxit. Du Crédit Agricole à Orange, des sièges sociaux aux centres hospitaliers en passant par des sites industriels et logistiques. Cela fonctionne bien quand il s’agit de lieux à l’écart des zones résidentielles ou des cœurs de villes, a fortiori quand le travail est assuré en équipe et en horaires décalés : ces salariés ont recours presque tous les jours au covoiturage car il est alors plus facile à organiser. »
Une prime de 100 € pour les conducteurs qui débutent le covoiturage
Pour faciliter la vie des usagers, Klaxit vient de lancer un simulateur d’éligibilité à la prime gouvernementale de 100 euros qui a été instaurée en ce début d’année. Elle s’inscrit dans le cadre du plan national « covoiturage du quotidien » voulu par le Gouvernement afin d’atteindre trois millions de trajets par jour d’ici à 2027.
La prime de 100 euros est destinée aux conducteurs qui débutent dans le covoiturage courte distance depuis le 1er janvier 2023. Elle s’applique sous forme monétaire ou de bons d’achat pour des produits de consommation courante, et de manière progressive. Un premier versement de 25 euros est effectué au plus tard 3 mois après le premier trajet de covoiturage. Un second, de 75 euros, intervient au plus tard 3 mois après la réalisation du 10e trajet de covoiturage. De plus, les trajets doivent se faire via un opérateur de covoiturage éligible : BlaBlaCar Daily, Karos, Klaxit, etc.
Pour compléter la lecture de cet article, retrouvez l’interview de Cécile Cloarec, DRH du groupe FM Logistic, dans le numéro 141 du magazine Courrier Cadres, daté de janvier-février 2023.