L’Apec a dévoilé, jeudi 9 février, les grandes tendances concernant les fonctions d’encadrement pour l’année à venir, à partir d’une analyse des données rassemblées en 2022. Les difficultés de recrutement arrivent en tête des problématiques, dans un contexte très favorable aux candidats compte tenu des tensions sur le marché du travail. Suivies par la question cruciale de l’employabilité des seniors et par les attentes accrues en matière de rémunération face à une inflation persistante. Viennent enfin la dynamique collective et les nouvelles aspirations des cadres.
Que de bonnes nouvelles pour la mobilité des cadres, assure Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec, à l’occasion des annonces de l’Association pour l’emploi des cadres en ce début d’année : « Malgré une conjoncture économique incertaine, le marché de l’emploi cadre est toujours dynamique, comme depuis deux ans. Les intentions de recrutement des cadres restent à un bon niveau et le rapport de force est inversé au profit des candidats qui ont trois priorités : la rémunération ; les perspectives d’évolution professionnelle ; les conditions et l’ambiance de travail, dont le télétravail qui est devenu incontournable mais aussi les relations entre collaborateurs et avec la hiérarchie. Ce triptyque est suivi par des considérations sur les responsabilités octroyées et l’intérêt des missions proposées. »
L’observatoire de l’Apec, dans sa publication annuelle sur les enjeux pour l’emploi cadre, les classe, par ordre d’importance, en cinq catégories : les difficultés de recrutement ; l’employabilité des seniors ; la question des rémunérations ; la dynamique collective et les nouvelles aspirations des cadres.
1° Surmonter les difficultés de recrutement
« L’an dernier, un peu plus d’un quart des entreprises qui envisageaient de recruter au moins un cadre a dû y renoncer face aux difficultés rencontrées, regrette Pierre Lamblin. Or, cela entraîne des répercussions sur la charge de travail des équipes et peut occasionner un manque à gagner en termes de chiffre d’affaires. »
L’étude de l’Apec souligne même qu’en 2022, les difficultés auxquelles les entreprises ont fait face pour recruter des cadres n’ont jamais été aussi élevées. En 2023, « ces difficultés devraient rester prégnantes, contraignant les recruteurs à être plus offensifs pour rechercher des candidats (…) Huit entreprises sur dix prévoyant de recruter des cadres au 1er trimestre 2023 s’attendent à rencontrer des difficultés (…) Ces difficultés sont exacerbées dans certains secteurs d’activité qui pâtissent d’un déficit d’attractivité (comme l’industrie et la construction) et dans certaines fonctions cadres (comme l’informatique, la production industrielle, les études R&D). »
Selon l’analyse de l’Apec sur les métiers cadres porteurs en 2023, les développeurs concentrent le plus grand volume d’offres d’embauches des cadres parues en 2022, devant les comptables : « Cette deuxième place est plus surprenante, note Pierre Lamblin. Alors que, fort logiquement, suivent les chargés d’affaires, les commerciaux et les chefs de projet informatique. Du côté des métiers qui ont connu les plus importantes augmentations d’annonces publiées en 2022, le top 5 est constitué par les ingénieurs industrialisation, analystes financiers, acheteurs industriels, data analysts et ingénieurs mécaniques. » Quant aux fonctions qui cumulent à la fois des volumes élevés d’offres et une forte progression, il s’agit des chargés de recrutement et des contrôleurs de gestion.
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2° Changer le regard et les pratiques sur les seniors
« En France, nous sommes confrontés à un paradoxe : face aux tensions sur le marché de l’emploi, les recruteurs qui peinent à embaucher privilégient les candidats moins expérimentés qu’attendus, aux dépens des profils seniors, déplore Pierre Lamblin. Pourtant, ces derniers, quand ils sont en poste, font preuve de plusieurs atouts : ils ont plus d’expertise et d’expérience, permettent de mettre de l’huile dans les rouages concernant les relations au travail et le dialogue social. Avec eux, l’intelligence collective fonctionne bien, grâce à une bonne cohabitation intergénérationnelle. » Dans un contexte de réforme des retraites et d’allongement de la vie au travail, l’Apec insiste donc sur l’importance du maintien en emploi des cadres seniors (55 ans et plus) ou de leur recrutement lorsqu’ils sont demandeurs d’emploi. « Dès lors qu’ils sont au chômage, ils sont discriminés et rencontrent de grandes difficultés pour retrouver un poste, poursuit Pierre Lamblin. Or c’est un formidable vivier de compétences. L’enjeu, qui doit être au cœur des stratégies RH, est donc d’abord de maintenir les seniors en emploi. Trop peu d’entreprises ont mis en place une vraie politique en ce sens et un véritable accompagnement. D’autant que même chez les cadres, il y a des métiers avec une plus grande pénibilité que d’autres ou bien une pénibilité accrue entre le début et la fin de carrière : chez les commerciaux non sédentaires, par exemple. »
L’étude de l’Apec précise que si les cadres sont moins touchés par le chômage que les non-cadres, « les cadres les plus âgés connaissent plus de difficultés à se reclasser que leurs cadets (…) Mi-2022, 102 000 demandeurs d’emploi seniors étaient à la recherche d’un emploi cadre, dont 36 % depuis plus d’un an (…) La discrimination liée à l’âge est le frein majeur du retour à l’emploi des demandeurs d’emploi cadres de 55 ans et plus, mais d’autres difficultés viennent se rajouter. Le départ de l’emploi précédent est souvent non anticipé et leur projet professionnel est d’autant plus complexe à construire que beaucoup occupaient leur poste depuis plus de dix ans. »
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3° Adapter les politiques de rémunération au contexte d’inflation
Les salariés occupant des fonctions d’encadrement manifestent eux aussi leur inquiétude en matière de pouvoir d’achat. « La seule façon d’augmenter rapidement sa rémunération, c’est de changer d’entreprise, » rappelle Pierre Lamblin. Un phénomène qui n’est pas nouveau mais prend de l’ampleur sur un marché du travail favorable aux candidats à la mobilité. Les employeurs, qu’ils souhaitent retenir ou attirer les talents, doivent donc adapter leur politique de rémunération pour répondre à ces attentes. L’Apec constate qu’en 2022, « la part des cadres augmentés n’a jamais été aussi élevée et elle devrait être supérieure au niveau record de 2018 (51 %). En 2023, si l’inflation reste élevée, la part des cadres augmentés pourrait même atteindre un nouveau record. »
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4° Dynamique collective et aspirations nouvelles
Face à la généralisation du télétravail, il n’est pas simple de conserver et/ou développer la cohésion de groupe, le sentiment d’appartenance et le dynamisme des équipes. D’où l’importance de former les managers en ce sens. L’Apec en fait donc un des enjeux récurrents : « Leur palette de compétences devrait continuer à s’étoffer avec un accès plus soutenu à certaines formations (…) pour conduire les transformations et accompagner leurs collaborateurs : formations aux méthodes collaboratives et à l’intelligence collective, à la gestion d’équipes en télétravail ou encore au développement de la qualité de vie au travail. »
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Les conditions d’exercice de leur métier pèsent de plus en plus chez les cadres, observe l’Apec : « Les cadres sont attachés au salariat et investis dans leur travail mais s’affirment de plus en plus soucieux de leur équilibre de vie (…) La part des cadres réticents à rejoindre une entreprise ne proposant pas de télétravail devrait continuer de progresser. Elle s’élevait à 53 % fin 2022. »
Pierre Lamblin met en garde : « Attention au décalage entre la promesse faite à l’embauche ou le discours tenu sur la marque employeur et la réalité une fois en poste : cela occasionne des démissions précoces. » Ainsi, l’impact social ou environnemental de l’activité de l’entreprise est-il en train de prendre une importance croissante…