Dans une entreprise, le management est challengé au quotidien. Et certains outils technologiques ou psychologiques permettent de s’adapter pour développer un leadership plus responsable. Décryptage avec Emeric Kubiak, head of science chez AssessFirst, qui propose aux entreprises une solution mêlant IA et sciences comportementales pour un recrutement et un management plus efficaces.
En quoi les sciences comportementales permettent-elles d’évaluer l’efficacité et la pertinence du management ?
Il est important de comprendre que les sciences comportementales vont nous permettre d’anticiper plusieurs choses. Je parle toujours de la règle des quatre C. D’abord, les capacités. Est-ce que la personne a les bons comportements avec les bonnes personnes, la bonne personnalité et les bonnes motivations pour être performante et épanouie sur un travail ? Ensuite, la coopération. On est en mesure de savoir si la personne dispose des bons comportements pour fonctionner dans une équipe précise et s’entendre avec ses membres. Le troisième C va être la partie coaching ou management. En fonction de la personnalité du manager et des collaborateurs, on peut prédire si le relation sera plus ou moins efficace. Enfin, toute la partie contexte, qui change aujourd’hui, notamment avec l’émergence du télétravail. Et nous pouvons anticiper si la personne sera épanouie dans ces nouveaux contextes et s’y adaptera.
Comment définir et qualifier le management responsable ?
De manière très simple, on peut caractériser le management responsable à partir de certaines qualités de leadership comme l’intégrité, l’humilité, la curiosité, la dignité, l’audace, la responsabilisation. Des qualités que l’on va rechercher chez tous les managers. C’est cette substance universelle au leadership, qui demande du bon sens et de s’intéresser aux aspirations de chacun, qu’on peut qualifier de management responsable, en quelque sorte l’essence du management. Si les entreprises recrutaient davantage sur ces critères, le niveau de management en serait déjà meilleur. Reste que le leadership doit s’adapter à la culture d’entreprise, aux besoins d’une situation, d’un groupe ou d’une personne, chacun n’étant pas réceptif aux mêmes choses. Et ce qui fait le bon leadership a été démontré donc la question n’est plus forcément de chercher à savoir ce qu’est le bon management, mais plutôt de comprendre comment sélectionner le bon leader.
« Ce n’est pas parce que vous êtes le top sales de votre équipe commerciale que vous ferez naturellement un bon manager »
La période actuelle est-elle marquée par une remise en question globale du management ?
Les entreprises identifient leurs besoins de rétention et d’attractivité, les risques du turnover. Quand on parle de ces sujets, on en cherche les causes, et le management a une importante part de responsabilité. Le contexte de pandémie et de télétravail a réinterrogé le rôle du manager et son quotidien. Il y a une transition qui s’opère dans ce qui fait la réussite des collaborateurs. Pendant longtemps, on se basait sur les compétences techniques, mais les entreprises comprennent que ce qui fait le talent ce ne sont pas que les diplômes et l’expérience, mais aussi qui est la personne, ses motivations, ses comportements.
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Il s’agit donc de retrouver le bon sens du management ?
On s’est éloigné des critères objectifs du bon leadership en raison d’un excès de confiance dans notre intuition. Tout le monde partage une image, une théorie implicite du bon leader. Mais celle-ci s’attache à des critères différents de ceux qui font la réussite des managers.
On pense ainsi au charisme, au pouvoir, à la capacité technique… Mais les critères qui font l’émergence d’un leader ne sont pas ceux qui font sa performance. Un exemple : ce n’est pas parce que vous êtes le top sales de votre équipe commerciale que vous ferez naturellement un bon manager. Les entreprises doivent donc plutôt s’interroger sur la façon d’identifier les bons leaders performants, dans leurs pratiques d’entretien et de recrutement. Pour cela, des outils comme des tests psychométriques de personnalité, de compétences ou de motivation peuvent être une solution. Toutes les entreprises gagneraient à avoir cette approche scientifique pour challenger et tester leurs intuitions grâce à des données objectives.
Cela répond aussi quelque part aux nouvelles attentes des candidats ?
Oui, les candidats prennent aussi un peu le pouvoir sur ces sujets, veulent être jugés sur ces critères de motivation, de personnalité et plus seulement sur les diplômes. Une entreprise qui se veut attractive doit adresser ces enjeux pour recruter les bonnes personnes et répondre au contexte de pénurie des talents en trouvant des candidats qui pourront rapidement monter en compétence, mêmes s’ils n’ont pas la bonne formation à l’origine. Aller chercher une personnalité plutôt qu’un CV permet d’élargir son pool de talents.
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Quels sont les leviers que vous mettez vous-même en œuvre dans votre pratique managériale ?
En premier lieu, les managers promus chez AssessFirst sont évalués sur leur potentiel managérial, grâce là encore à des questionnaires ciblés qui interrogent la capacité et la structure psychologique nécessaires à un leadership efficace. Ensuite, chaque manager a accès via notre application à tous les insides sur ses collaborateurs pour savoir quel type de tâches leur confier et comment les faire adhérer. Sans que cela implique un fonctionnement mécanique, au contraire. De sorte que ce soit le manager qui assure les bonnes conditions de travail.
Aussi, il est important que tout processus de coaching ou de formation du manager commence par une réflexion et une ouverture sur ses propres compétences pour comprendre ce qu’il doit travailler en priorité. Et ainsi mettre en place les actions de coaching et de formation adéquates. Sans cela, le risque est de proposer des formations inadaptées ou trop générales.
« Un management responsable est un levier de diversité et d’inclusion »
La meilleure compréhension et intégration des particularités de chacun est aussi un levier d’inclusion ?
C’est un levier de diversité et d’inclusion à plusieurs niveaux. Déjà, le fait d’évaluer les personnes sur leur personnalité permet de mieux considérer les différences, le handicap et de ne plus en faire des freins en ouvrant le recrutement au plus grand nombre. Chez nous, on ne regarde plus seulement le CV et cela nous permet de rencontrer des personnes qui ne sont pas forcément du domaine que l’on recherche. Par exemple, l’une de nos meilleures commerciales était danseuse au Lido, et un de nos anciens CTO était initialement facteur. Donc oui, cette méthode booste la diversité et l’inclusion. En moyenne, nos clients boostent leur diversité de 20 à 50 %, en termes d’origine, de parcours, de genre. Une entreprise qui promeut à des postes de leadership en se basant uniquement sur la personnalité, les motivations et le raisonnement se retrouvera naturellement avec une parité entre femmes et hommes aux postes à responsabilités.
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