Slash désigne le signe typographique en forme de barre oblique utilisé pour séparer les fonctions occupées par un même actif dans différents domaines. Marielle Barbe, elle-même consultante/conférencière/coach/formatrice/auteure de l’ouvrage Profession slasheur : Cumuler les jobs, un métier d’avenir, décrypte cette tendance à l’hybridation des talents, identifiée il y a quinze ans aux Etats-Unis, et qui s’est accélérée depuis la pandémie (1).
Est-ce contemporain et générationnel d’être slasheur ?
Non, ça a toujours existé : à la Renaissance, c’était même la norme ! Il était mal vu d’avoir une seule corde à son arc. On disait alors qu’on était polymathe [NDLR : personne aux connaissances variées et approfondies]. À l’instar de Léonard de Vinci, qui faisait de la sculpture, de la peinture, de l’astronomie, des mathématiques.
Donc nous n’avons rien inventé avec le terme slashing. Mais ce qui en fait un phénomène de société, c’est qu’aujourd’hui, 96 % des slasheurs le sont par choix. Et cette manière de travailler touche toutes les générations. Serge Guérin, sociologue spécialiste de la seniorité, affirme que les profils qui s’en sortent le mieux, soit en fin de carrière, soit à la retraite, sont des slasheurs.
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Pourtant, beaucoup ignorent pratiquer le slashing ou n’osent pas, ou se le voient reprocher, comme ce fut le cas pour vous pendant des décennies…
Avant de découvrir ce concept, à 45 ans, je croyais être instable, touche-à-tout, inadaptée au monde du travail. La société est en plein paradoxe voire en totale schizophrénie avec l’injonction de devenir des spécialistes, qui est issue de la révolution industrielle. Mais c’est en train de changer car les entreprises qui n’arrivent plus à recruter des gens en CDI à temps plein vont devoir se poser des questions et envisager les choses autrement : comme pourvoir un seul poste avec une personne pour deux jours et une autre pour trois journées. Car les slasheurs ont besoin de faire, à côté, des choses qui leur font plaisir, qui les nourrissent, qui leur permettent de se développer, de parfaire une autre expertise, de trouver un équilibre global…
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Quel accompagnement proposez-vous aux entreprises ?
Je fais beaucoup de conférences car il y a un vrai besoin d’expliquer le phénomène. Un slasheur, c’est une équation gagnante pour l’employeur et l’employé. À la fois en termes d’attractivité de la société et de fidélisation des talents, de mobilité interne, de prévention des risques psycho-sociaux, de développement personnel et professionnel car le collaborateur se sent pris en compte dans sa globalité. Je donne aussi des masterclasses en entreprise et j’organise des accompagnements au slashing pour l’implémenter en interne : c’est une solution qui ne coûte rien, il faut juste avoir l’audace de le faire, de décorseter les fiches de poste, de créer davantage de passerelles et de transversalité pour les talents.
(1) Interview réalisée à l’occasion du Salon du travail et de la mobilité professionnelle en janvier 2023 à Paris. Regardez l’intégralité de notre entretien en vidéo.