Sur près de 22 millions de salariés en CDI, l’absentéisme représenterait 1,3 million de salariés absents toute l’année en France. Les principaux indicateurs de l’absentéisme sont en baisse, mais nous assistons, en réalité, à une tendance en trompe-l’oeil. Car si le taux d’absentéisme moyen à 6,11 % en 2023 est plus faible qu’en 2022 – année marquée par le Covid-19 -, il reste supérieur de 20 % à celui enregistré en 2019. Cette vague d’absentéisme concerne tous les secteurs, entreprises, catégories d’âge, et genre, d’après le 16ème Baromètre* de l’Absentéisme et de l’Engagement 2024, réalisé par Ayming et l’AG2R La Mondiale.
Cette hausse d’arrêts maladie, notamment de longue durée (avec près de 22 jours d’absence par salarié en moyenne), et qui a concerné presque quatre salariés sur dix (37 %) en 2023, entraînent des dépenses exponentielles pour les entreprises. « L’absentéisme leur coûte 800 euros par an et par salarié en moyenne. Ce chiffre peut monter jusqu’à 2 500, voire 3 000 euros, par an pour des cadres en moyenne », affirme Angélique Acosta, directrice associée exécutive du pôle RH et prévention au sein du cabinet Spartes.
1. Améliorer la communication interne
Pourtant, en théorie, l’employeur n’a pas à supporter la charge financière liée aux absences des salariés. La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) le rembourse systématiquement et en intégralité. « Lorsque cela arrive, c’est qu’il y a eu des erreurs de la part des salariés. Ils n’ont pas ou mal transmis leurs justificatifs aux ressources humaines de leur entreprise », explique la dirigeante. Aussi, elle suggère aux organisations de bien communiquer en interne sur les processus à effectuer lorsqu’ils ont des problèmes de santé. « Il s’agit notamment de leur rappeler leurs droits et devoirs par le biais d’affichages dans les locaux, ou encore de réunions explicatives avec les représentants du personnel », détaille-t-elle.
2. Former des services spécifiques
Ces erreurs peuvent également venir « des services de la paie », ajoute-t-elle. « Les gestionnaires font parfois des déclarations erronées. Cela ne tient qu’à une case à remplir, ou au contraire, à ne pas remplir. Il faut maîtriser ces démarches, elles ne s’inventent pas. » Angélique Acosta recommande ainsi de former les salariés à l’adoption de bonnes pratiques lors de déclarations d’arrêt maladie afin « d’éviter toutes erreurs humaines » privant l’entreprise de remboursements. « Il est aussi important, par exemple, de suivre minutieusement et en temps réel l’état des versements de la CPAM, lui demander rapidement les documents manquants afin de rectifier le tir. Un collaborateur dédié doit suivre le dossier du début à la fin », souligne la directrice associée, en indiquant que cette énumération est loin d’être exhaustive.
3. Sensibiliser à la santé au travail
Outre la réduction « curative » des coûts liés à l’absentéisme, les organisations ont tout intérêt à investir dans le « préventif » afin d’enrayer le phénomène d’absentéisme lui-même. « Pour ne pas le subir, elles ne doivent pas se contenter d’une gestion uniquement financière et administrative du problème », insiste la dirigeante de Spartes. Pour cela, « elles doivent commencer par sensibiliser leurs collaborateurs aux enjeux autour de la santé physique et psychique au travail en les informant, par exemple, des risques encourus en cas de mauvaises pratiques professionnelles, ou encore sur la manière d’y remédier », précise-t-elle.
4. Réduire la charge de travail
Mais, également, entreprendre des actions concrètes et cohérentes avec cette démarche de Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT). « La première cause de l’absentéisme est liée à une recherche accrue de productivité des entreprises et, en cascade, à une surcharge de travail des managers et collaborateurs », dit-elle, en s’appuyant sur l’étude citée précédemment : 71 % des managers ont déclaré être soumis à une source de stress importante. Aussi, l’un des leviers est de réduire la charge de travail.
5. Développer le Care management
Le manager joue un rôle fondamental dans l’attribution et la répartition des tâches de travail de son équipe. « Il ne doit, par exemple, pas surcharger de travail un salarié, sous prétexte que son collègue est absent et qu’il faut compenser. Au contraire, le travail des présents est à valoriser », commente Angélique Acosta. Plus largement, le manager influe sur le niveau d’engagement et de bien-être au travail de ses collaborateurs. Il a tout à gagner à prendre soin d’eux, car plus un salarié est engagé et épanoui, moins il est absent. Autre bénéfice ? Le manager lui-même augmente ses chances d’éviter l’absentéisme. Car 77 % des managers absents considèrent qu’ils ont – justement – un problème d’absentéisme dans leur équipe.
6. Octroyer de la flexibilité
Outre la diminution de la charge de travail, il s’agit également de rendre l’organisation du travail plus flexible : « En accordant plus de flexibilité aux collaborateurs, comme arriver tôt le matin pour partir plus tôt le soir (ou inversement, ndlr), ou encore leur octroyer un jour de télétravail supplémentaire peut leur permettre d’organiser intelligemment leur vie personnelle et professionnelle. Cette flexibilité les libère d’une charge mentale anxiogène, et les empêchera de recourir à des arrêts de courte durée », dit-elle.
7. Investir dans les espaces de travail
L’entreprise a, par ailleurs, tout intérêt à investir dans les espaces de travail : non seulement parce que des locaux rénovés sont sources de motivation pour les collaborateurs ; mais aussi parce que le matériel mis à disposition (bureaux, chaises, écrans d’ordinateurs, etc.) leur évitera bien des problèmes physiques (TMS).
8. Verser des primes d’assiduité
Si son budget le lui permet, l’entreprise peut également explorer la piste du versement d’une « prime pour assiduité ». Ce sera toujours moins coûteux que d’assumer les frais – ainsi que les répercutions négatives – liés à des absences à répétition. La mairie de Saint-Loubès (Gironde) a lancé cette initiative en 2022.
9. Sécuriser le retour au travail
La gestion de « l’après maladie » est tout aussi importante à gérer, par les ressources humaines et les managers, que les actions précédentes. Si ce n’est plus ! Parfois, retourner dans un contexte de travail, notamment toxique, peut déclencher la réapparition d’un problème de santé. Afin que ce retour n’entraîne pas un nouvel arrêt maladie, le manager peut envisager la création d’un poste dédié à la personne qui reprend son activité (après un arrêt de longue durée). Mais aussi, lui proposer un temps partiel thérapeutique, ou encore des consultations régulières avec le/la psychologue du travail.
10. Suivre les directives gouvernementales
Cependant, les entreprises ne peuvent pas mener seules ce combat contre l’absentéisme. Elles doivent se tenir informées des mesures prises par le Gouvernement visant à contrecarrer ce fléau. Trois pistes ont été envisagées/annoncées : allonger le délai de carence ; limiter la durée des arrêts maladie ; et contrôler les médecins. Premièrement, l’allongement du délai de carence n’est pas encore effectif, mais pourrait voir le jour dans les années à venir en France. Deuxièmement, depuis janvier 2024, un arrêt maladie prescrit en téléconsultation, ou par un prescripteur autre que le médecin traitant, ne peut plus excéder trois jours. Enfin, l’assurance maladie a mis en place un contrôle auprès de 1 000 médecins généralistes prescrivant au moins deux fois plus d’arrêts de travail par patient que leurs confrères. D’autres mesures pourraient être débattues lors du prochain projet de loi de la Sécurité sociale.
Pour rappel, le projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS), a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre dernier, par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Sur 640 milliards d’euros de budget, dont 252 milliards consacrés à l’Assurance maladie, le Gouvernement entend économiser 3,5 milliards d’euros. Et cela passe inévitablement par une population active en bonne santé !
*Cette étude sur l’absentéisme en France en 2023, publié en janvier 2024, a été réalisée de manière quantitative par Ayming, en partenariat avec AG2R La Mondiale, auprès de 55 465 entreprises du secteur privé employant 3 525 929 salariés en CDI, et s’appuye sur les données issues de la Déclaration Sociale Nominative. Elle a également été réalisée de manière qualitative, en partenariat avec Opinion Way, auprès de 1839 managers en CDI du secteur privé.