Accident grave mortel travail
Management

Accident grave ou mortel au travail : comment le manager peut-il gérer l’après ?

Le nombre d'accidents au travail, entraînant un handicap lourd ou la mort de travailleurs, stagne année après année. Et ce, en dépit des efforts financiers mis en œuvre par les entreprises. Alors, en tant que manager, comment gérer cette épreuve, et les conséquences qui en découlent ? Regards croisés de François Hubert, avocat , Benjamin Saviard, directeur de l'ICAS, et Vincent Baud, président de la Fondation Projet 41-21.

En 2022, 790 décès ont été recensés au travail. Soit deux morts par jour, d’après les derniers chiffres relayés par le ministère du Travail. A cela s’ajoute la déclaration de près de 560 000 accidents du travail (AT). Dont 39 000 ont laissé des séquelles durables, comme une mutilation ou un handicap, à la victime. La tendance actuelle est « paradoxale », décrypte François Hubert, avocat spécialisé en droit du travail chez Voltaire Avocats, car « les entreprises augmentent leur budget pour la sécurité des collaborateurs, et pourtant, elles n’arrivent pas à descendre en dessous des seuils planchers » mentionnés précédemment.

Afin de répondre à leur obligation « d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs », stipulé dans l’article L 4121-1 du Code du travail, les organisations ont en effet la responsabilité d’identifier les risques potentiels encourus par leurs équipes afin de les éviter. Exemples ? Mettre en place des campagnes de prévention ; proposer des formations autour des enjeux de sécurité ; rappeler aux managers les instructions à donner ; mettre à disposition des locaux et du matériel sécurisés.

Affronter la sidération collective

Ces mesures d’évaluation et de prévention n’empêchent toutefois pas la survenue d’accidents, dont la gravité (coupure, brulure, fracture, chute, malaise cardiaque…) et la nature varient. Les entreprises doivent alors réagir vite et bien. Et ce sont souvent, « les managers qui se retrouvent en première ligne », explique Benjamin Saviard, directeur d’ICAS, et coauteur du livre Les icebergs de la santé mentale. Vincent Baud, président de la Fondation Projet 41-21, et professeur en management à l’Université Aix-Marseille, parle de « désastres », de « drames irrécupérables qui plongent une équipe, voire une entreprise toute entière, dans le sidération collective, en raison d’une onde de déflagration puissante. Ces accidents se transforment en évènements traumatiques qui empêchent toutes réflexions rationnelles. »

Respecter la période de deuil

Il s’agit ainsi, selon Benjamin Saviard, « d’ouvrir immédiatement une ligne d’écoute téléphonique, puis de solliciter le médecin du travail de l’entreprise et / ou de faire venir un psychologue du travail sur site. » Il est important, selon le dirigeant, spécialiste en santé mentale, de ne « pas faire comme si l’évènement ne s’était pas passé. Une période de deuil s’installe, l’entreprise doit prendre le temps de la respecter. »

À ce moment-là, poursuit Vincent Baud, « les salariés sont affectés par des émotions négatives comme l’insécurité, l’anxiété, la colère, la perte d’estime de soi, et la culpabilité. Ils ont assisté à une scène qu’ils auraient préféré ne pas voir, se demandent s’ils auraient pu faire quelque chose pour l’en empêcher, et peuvent craindre que cela leur arrive à leur tour. Le rôle des managers n’est plus d’atteindre des objectifs, mais d’écouter ses collaborateurs, afin de les rediriger au mieux vers des professionnels de santé, et de dialoguer pour coconstruire des solutions durables, afin que la tragédie ne se reproduise pas. »

Dans le même temps, les managers ont la responsabilité de bien communiquer auprès de leurs équipes, ne serait-ce que pour « leur livrer une version officielle de l’accident, en s’appuyant sur les faits, et ainsi limiter la propagation de rumeurs anxiogènes », souligne le président de la Fondation Projet 41-21. Dans cette communication interne, soit l’entreprise se dédouane de toute responsabilité, en évoquant des facteurs extra-professionnelles, soit elle prend en partie ou en totalité la responsabilité, et décide de mettre en place de nouvelles actions pour minimiser les risques qu’une telle situation ne se reproduise.

Faire repartir l’activité

Cependant, d’après ce dernier, ce temps de deuil, aussi nécessaire et indispensable soit-il, « ne peut pas non plus durer trop longtemps. La vie d’entreprise doit reprendre normalement pour mettre fin progressivement à cette période morose et relancer une dynamique positive. Le manager peut à nouveau communiquer auprès de ses équipes afin de les rassurer sur le futur de l’entreprise, en évoquant des projets, des évènements, et autres perspectives collectives. »

À noter que, selon les données de l’Assurance maladie, publiées en décembre 2023, les accidents de travail surviennent majoritairement au sein des activités de la santé, du nettoyage et du travail temporaire (29 %), de l’alimentation (17 %), du transport (15 %), ainsi que du BTP (14 %). Le Gouvernement a, par ailleurs, diffusé en juin 2024 un « guide pour les victimes d’accidents du travail et leurs familles« .

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