Au début du mois de juillet dernier, le monde économique, via 65 entreprises signataires, a souhaité s’engager auprès de Nicolas Hulot, alors encore en poste, pour une initiative baptisée “act4nature”. Énième opération de greenwashing ou véritable sensibilisation des grands patrons aux problématiques de biodiversité, il est difficile pour le moment de répondre.
Act4nature, démarche amorcée par l’association Epe (Entreprises pour l’environnement) se présente comme une marque de bonne volonté des dirigeants français en faveur de la biodiversité. L’initiative s’inscrit dans la suite logique du plan interministériel pour cette même biodiversité présenté au début du mois de juillet dernier par Nicolas Hulot, ministre aujourd’hui démissionnaire de la Transition écologique et solidaire. Il est vrai que voir figurer Bayer, propriétaire de Monsanto ou bien encore Lafarge, dans la liste des signataires peut a priori surprendre.
Cependant, force est de constater que voir les choses de manière trop manichéenne ne ferait pas avancer le débat comme le rappelle justement Sylvie Gillet, responsable du pôle environnement à Epe : “Du fait de leur secteur et de leurs précédents engagements, toutes les entreprises ne partent pas du même niveau et n’ont pas les mêmes impacts sur la biodiversité. L’objectif n’est pas de dénoncer un état présent, qui n’apporterait rien de nouveau, mais au contraire d’encourager toutes les entreprises à réduire leurs impacts et à trouver des opportunités. Act4nature n’exclut aucun acteur a priori. Il vaut mieux travailler avec que contre ou sans !”
Le top management en fer de lance
Chez RTE (Réseau de transport d’électricité), engagé dans l’initiative, une vraie réflexion semble s’être amorcée. “Aujourd’hui, il faut passer à la vitesse supérieure. Nous sommes confrontés chez RTE à un changement d’échelle. Comment sortir des expérimentations pour industrialiser les actions en faveur de la biodiversité ? Il faut que cela soit inscrit dans la stratégie et porté par le top management. Cela nécessite un changement culturel, il faut changer les habitudes, adapter les compétences dans les entités opérationnelles et, comme pour n’importe quel autre projet complexe, avoir une feuille de route, des jalons, des moyens humains et financiers dédiés”, explique Nathalie Devulder, directrice développement durable chez RTE.
De son côté, le groupe Siaci Saint Honoré, spécialisé dans le conseil et le courtage en assurance, réaffirme lui aussi l’impérieuse nécessité d’avoir un management totalement impliqué. “Pour obtenir des résultats tangibles, cette démarche doit bénéficier d’une gouvernance, sous l’autorité de la direction générale. Il convient ensuite de se donner des objectifs réalistes, adaptés à la culture, l’activité et l’actualité de l’entreprise”, précise Samanta Le Pont, responsable RSE chez Siaci Saint Honoré. On l’aura compris. Seul le management peut insuffler l’initiative et lui donner corps. Les bonnes résolutions d’act4nature ne se feront qu’à cette condition.
Agir même de façon limitée
D’autres comme Nespresso, filiale du groupe Nestlé, outre leurs engagements pris, soulignent avant tout la nécessité d’une prise de conscience. “Dans les années 2000, l’accélération de notre croissance nous a alerté et incité à renforcer notre filière d’approvisionnement café avec un programme de sourcing fondé sur deux notions indissociables, qualité et durabilité. En d’autres termes, un café de qualité dépend forcément d’un climat stable, d’écosystèmes en bonne santé et de bonnes pratiques agricoles et post récolte du producteur”, analyse Julie Reneau, Sustainability strategy manager chez Nespresso. Et la responsable de prodiguer ce conseil à ceux tentés par la démarche : “Il est important d’agir, même de façon limitée. C’est en agissant que l’on apprend et que l’on peut adapter ses pratiques !” En somme, les signataires semblent croire que libéralisme et biodiversité peuvent aller de pair.
Mais les contrôles dans tout cela ? “Parmi les dix engagements communs, les entreprises s’engagent à effectuer un reporting sur le pilotage de leurs actions biodiversité. Il appartiendra aux ONG, aux commissaires aux comptes, aux auditeurs internes, aux financiers de vérifier la bonne exécution de ces engagements”, poursuit Sylvie Gillet. Avant d’ajouter : “Par ailleurs, la présence des ONG et des partenaires scientifiques dans cette initiative a aussi pour but d’avoir un regard extérieur et exigeant sur les engagements.” Une initiative qui mérite donc d’être suivie sur le long terme. Autant que la situation le permette.