Digitalisation, externalisation, nouveaux modèles d’organisation : face aux mutations du travail, comment les cadres “seniors” peuvent-ils aborder leur deuxième partie de carrière ? Entre le risque du chômage et les opportunités, le tout sera de faire preuve d’agilité.
Si vous êtes né avant 1975, vous êtes officiellement un “senior”. Mais attention à ne pas faire figure de quinqua désengagé ! Car les préjugés demeurent. L’âge reste le premier critère de discrimination à l’embauche et dans l’entreprise. Même pour les cadres. Olivier Beyer, président de Go Cadres, une association de retour vers l’emploi, prévient que “si le chômage reste pour eux minime, le risque qu’il dure plus d’un an augmente avec l’âge.” Et quand il se penche sur “les vagues de licenciements” qui devraient suivre le Covid-19, il constate que 50 % des cadres licenciés ont plus de 45 ans.
Côté recrutements, la situation n’est guère meilleure. “Ils ont 20 ans d’expérience, mais sont ceux qui reçoivent le moins d’offres d’emploi (5 %). Avec les transformations technologiques et organisationnelles actuelles, le plein emploi ne leur est plus garanti”, observe Claudine Pierron, conseillère à l’Apec. Car si certaines entreprises continuent de tenir compte de l’âge pour recruter, ce n’est pas juste pour écarter des prétentions salariales importantes, mais aussi pour éviter des candidats qui “auraient des difficultés à s’adapter aux mutations du travail.”
Mutations et changement de posture
Selon France Stratégie, trois nouveaux modes d’organisation du travail pourraient devenir la norme d’ici 2030 : “l’organisation apprenante”, la “plate-forme collaborative virtuelle”, et le “super-intérim”. D’abord, des entreprises qui favorisent une “dynamique d’apprentissage généralisée” en rendant les salariés le plus autonomes possible. Ensuite, un système où les équipes sont “éclatées”, mais “reliées par des espaces de travail virtuel.” Dans cette optique, les travailleurs sont freelances, ou juste nomades. Le troisième modèle consiste à recruter des candidats regroupés en réseaux sur des plates-formes, pour des tâches précises.
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Une formation permanente
Ces mutations suivent un mouvement plus profond : la transformation digitale. “Nouvelles méthodes de management, de recrutement, de collaboration : l’impact est déjà considérable, et les cadres seniors doivent s’y adapter”, observe Marie Paillard, directrice associée chez Grant Alexander. “On l’a vu durant le confinement : certains ont appris à utiliser de nouveaux outils et à manager autrement. Demain, ils devront surmonter la peur du chômage, et persévérer”, ajoute-t-elle. Pour Olivier Beyer, “l’autre mutation majeure, c’est la flexibilité de la posture managériale. De plus en plus, il faut gérer des jeunes dont les aspirations (sens, autonomie…) ne sont plus les mêmes.” Défi de taille pour les cadres seniors, qui n’ont d’autre choix que de se frotter à de nouvelles façons de manager, axées sur l’agilité et la confiance.
Mais tous les cadres confirmés ne peuvent changer du jour au lendemain. D’où l’importance de la formation continue. Selon Michael Page, dans l’après-Covid, “celle-ci s’imposera plus que jamais pour garantir la compétitivité des entreprises, ainsi que la performance et l’employabilité des salariés”. Mais le cabinet constate que seuls 52 % des cadres “jugent efficace” l’accompagnement proposé par leur employeur pour les “soutenir dans l’évolution de leurs missions”. C’est pourquoi Claudine Pierron recommande aux seniors de ne pas hésiter à utiliser leur CPF, et à se faire accompagner par un conseiller en évolution professionnelle. Des dispositifs qui les aideront à identifier les compétences à développer pour rester “bankables” face aux mutations du travail.
“À eux d’inventer leur parcours, par le biais d’un travail permanent sur leur projet professionnel. Car la formation continue et les programmes d’upskilling (montée en compétences) sont rarement envisagés par les employeurs”, note-t-elle. Par peur du risque, certains tardent toutefois à adopter un comportement proactif.
“Très peu sont résistants au changement. Il s’agit d’une idée reçue assez étonnante : les cadres de 45 ans et plus sont justement ceux qui ont vécu et accompagné nombre d’évolutions considérables dans l’entreprise. Et tous sont prêts à se perfectionner”, constate Claudine Pierron. “La mentalité des employeurs doit changer. Ils doivent réaliser que les cadres expérimentés ont justement une bonne connaissance du monde du travail, qui peut être un atout. Pour peu qu’on leur donne les moyens de s’upskiller”, ajoute Olivier Beyer.
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Managers entrepreneurs ou intérimaires
Pour “rester à la page” dans un environnement en perpétuelle évolution, les encadrants de 45 ans et plus ont aussi la possibilité, même en poste, de rejoindre un réseau d’entraide entre pairs, comme Oudinot, Daubigny et Dynamique Cadres. Ces cercles sont des outils précieux pour tous ceux désireux de “réorienter leur carrière”. Car les cadres seniors eux-mêmes sont bien souvent friands des nouvelles formes de travail émergentes. Le Covid-19 a certes mis entre parenthèses leurs projets. Mais le management de transition, notamment, devrait redémarrer en force après l’épidémie.
“Les entreprises essaient actuellement de re-mobiliser leurs salariés, mais elles préparent aussi de grandes transformations à venir. Car le télétravail confiné a changé la donne”, prévient “l’executive interim” de Grant Alexander.