Entre ses plages et son arrière-pays provençal, Marseille peut faire rêver les cadres parisiens, lassés de la pollution et des embouteillages de la Capitale. Mais, avant de s’imaginer prendre sa pause déjeuner sur l’une des terrasses du Vieux Port, ils devront s’informer sur les opportunités professionnelles offertes sur le sol marseillais et travailler leur réseau. Car si le numérique recherche toujours ses futurs talents, dans les autres secteurs, les horizons semblent quelques peu plus bouchés. Par Adeline Farge.
Paris, sa grisaille, sa pollution, ses embouteillages, son tumulte permanent. La lassitude pointe le bout de son nez, et avec elle, le désir de prendre un nouveau départ au soleil. Au carrefour entre mer et montagne, Marseille a plus d’un atout pour séduire les franciliens en quête de dépaysement. En plus de ses plages et d’un arrière-pays agréable, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, qui regroupe 1,8 million d’habitants et 750 000 emplois salariés, offre un cadre de vie dynamique. Aujourd’hui, grands groupes, start-up et PME installés au pays des cigales recommencent à étoffer leurs équipes sur certains métiers.
Après avoir enregistré une hausse de 27 % des recrutements entre 2016 et 2015, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) table sur l’embauche de 11 900 à 13 020 cadres en 2017, selon l’Apec. “Comme au plan national, on assiste à une reprise sur le marché de l’emploi des cadres. Après avoir fait preuve de prudence durant la crise, les chefs d’entreprises doivent recruter des compétences pointues pour faire face à la relance de l’économie. Cette embellie conjoncturelle fait que les entrepreneurs retrouvent confiance dans l’avenir et osent investir pour se développer”, analyse Bruno Jonchier, délégué territorial PACA de l’Apec.
Une terre de start-up
Entre le projet de rénovation urbaine Euroméditerranée et l’ouverture des nouveaux centres commerciaux, de nombreuses raisons justifient ce regain d’optimisme. À trois heures de Paris en TGV, desservie par un aéroport et ouverte sur le monde depuis sa façade maritime, Marseille profite d’une situation géographique stratégique. “Les programmes de promotion immobilière et de réhabilitation des quartiers visent à changer le visage de Marseille et à la rendre plus attractive pour les entrepreneurs. Beaucoup de start-up liées au e-commerce, comme Voyage Privé, et aux biotechnologies sont implantées dans la métropole. Elles bénéficient du dynamisme du Pôle Aix-Marseille French Tech et d’une ouverture sur l’international”, estime Pierre-Louis Cisamolo, directeur régional Sud-Est de Michael Page.
Plus porteur que les domaines portuaire et touristique, emblématiques pourtant des Bouches-du-Rhône mais offrant peu de débouchés, le secteur du numérique, qui emploie 44 000 salariés, peine à attirer des talents. Les plus recherchés ? Ingénieur informaticien, développeur Web, traffic manager, data scientist. “Les chefs d’entreprise se heurtent sur Marseille à un marché des candidats qui restent peu qualifiés et dont les formations ne sont pas adaptées à leurs besoins”, explique Bruno Jonchier. Pour ceux qui n’ont pas l’âme d’un geek, d’autres opportunités existent dans les secteurs de l’immobilier, des services aux entreprises, de la banque et assurance. Les recruteurs éprouvent également des difficultés à s’entourer de cadres confirmés pour des fonctions comptables ou commerciales, notamment de directeur de magasins dans la distribution. Les ingénieurs R&D et des industries de pointe (aéronautique, pétrochimie, sidérurgie) seront aussi bien accueillis. Enfin, le domaine médico-social publie des offres régulières.
En dehors de ces secteurs en tension, les perspectives d’emploi ne sont pas toujours au rendez-vous dans la cité phocéenne, où le taux de chômage atteint les 12 % selon l’Insee. Avant de larguer les amarres, les cadres parisiens devront préparer leur installation sur le sol marseillais. “La région PACA est attractive pour la qualité de vie, mais ne l’est pas pour une carrière. Beaucoup de cadres qui arrivent en mobilité en suivant leur conjoint ne parviennent pas à trouver un travail à la hauteur de leurs prétentions. Les écarts de rémunération avec Paris peuvent aller jusqu’à 30 %. Il faut être prêt à ajuster son niveau de vie”, prévient Gérald Gaillard, directeur du cabinet Efficiens RH. Hormis une poignée de grandes sociétés qui ont leurs sièges sociaux à Marseille (CMA-CGM, Ricard, Haribo, Onet), le tissu économique est avant tout constitué de PME et de TPE. “Elles n’ont pas les moyens d’offrir les mêmes conditions salariales que les groupes du CAC 40. Sur un marché de l’emploi tendu, elles sont aussi en position de force pour négocier à la baisse”, ajoute Gérald Gaillard. Surtout qu’attachés à leur région, les cadres locaux ne sont pas prêts à la quitter même pour prendre du galon. Résultat, les postes intéressants ne se libèrent pas facilement.
Soigner son réseau local
Faute de trouver un emploi répondant à leurs aspirations, nombre de nouveaux arrivants finissent par repartir déçus ou bien par créer leur propre entreprise. Originaire de Marseille, Jean-Philippe Varnet, enthousiaste à l’idée de suivre sa femme embauchée comme styliste en Provence, a trouvé une autre parade pour revenir au pays : multiplier les aller-retours en TGV. Du lundi au jeudi, cet ancien directeur international dans le prêt-à-porter exerce des missions de management de transition sur la capitale, et le week-end, il est enfin libre de profiter d’une vie de famille paisible au soleil.
“Après un CDD comme responsable retail, j’ai été contraint de réorienter ma carrière à défaut de décrocher un emploi durable sur place. Ici, les entreprises recrutent beaucoup par réseau et publient rarement leurs offres d’emploi. C’était donc le prix à payer pour conjuguer épanouissement professionnel et cadre de vie agréable”. Entre les week-end à la plage, une maison près du centre-ville et un climat clément toute l’année, il ne regrette pas son choix. De quoi faire mentir les idées reçues. Selon une étude d’institut Harris Interactive pour Guy Hoquet Immobilier, seuls 16 % des Français qualifiaient Marseille de “ville dans laquelle on se sent en sécurité”.