Un centre de contacts, c’est évidemment un environnement technique et beaucoup de process, mais c’est surtout et avant tout de l’humain : des gens – les conseillers – qui sont là pour aider d’autres gens – les clients. Par Frédéric Durand, fondateur et CEO de Diabolocom.
Aussi, si on demande à un spécialiste de la relation client externalisée ce qui constitue son véritable “fonds de commerce”, il répondra que ce n’est pas l’infrastructure du centre de contacts, ni même les clients qui externalisent leur relation client : ce sont les collaborateurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que, quand un outsourceur investit 4, 5 ou 6 semaines dans la formation d’un nouveau conseiller, il n’a aucune envie de le voir partir au bout de quelques semaines ! Non seulement c’est une perte sèche, mais il faut évidemment le remplacer et donc recruter de nouveau, réinvestir dans la formation… sachant qu’il faut ensuite au moins six mois de pratique opérationnelle pour “fabriquer” un bon conseiller. Autant dire que savoir garder ses conseillers est une priorité, non seulement pour les outsourceurs mais pour toute marque ayant son propre centre de contacts.
Une population jeune qu’il faut animer et dynamiser
Il y a deux ans, le directeur marketing de Telus International Europe indiquait que 85 % du personnel des centres de contacts appartenaient à la génération Y. En soi, le fait n’a rien d’étonnant : il est statistiquement normal qu’une majorité des postes de conseillers clients soit occupée par la génération active montante, c’est-à-dire née entre 1980 et 1995. Mais il pointait aussi trois caractéristiques importantes à garder en tête pour manager et fidéliser des conseillers de cette génération : leurs comportements naturellement multitâches, une capacité d’attention soutenue plus limitée que leurs aînés mais, en revanche, un goût plus marqué que ces derniers pour le travail en équipe.
En termes de management, cela revient à devoir concilier un fort besoin d’autonomie, une aspiration à des tâches variées et fréquemment renouvelées, et une dimension collaborative. C’est un peu la quadrature du `cercle dans un métier où l’on peut vite s’épuiser ! Et pourtant, c’est tout à fait possible si on sait utiliser comme un levier un autre trait commun aux jeunes professionnels : le goût pour le fun et le challenge.
Du “fun” ?
Comment ça, du fun ? Penser que “on n’est pas là pour s’amuser !”, c’est passer à côté d’un maillon essentiel du raisonnement : dans le travail, le fun n’empêche absolument pas de faire les choses sérieusement ! C’est un état d’esprit et un style de management qui visent à dédramatiser et à désamorcer les tensions. C’est aussi un certain type d’environnement, conçu pour qu’on s’y sente bien à tous les moments de la journée. Non, il n’est pas obligatoire de mettre un baby foot ou une piscine à balles sur le plateau de son centre de contacts ! Mais si on veut que ses collaborateurs prennent plaisir à y venir et à y rester, il vaut mieux que leur cadre de travail soit confortable.
Des challenges pour booster les énergies
Le cadre ne fait pas tout ! Il faut créer une bonne ambiance de travail pour maintenir le bon niveau d’énergie chez les conseillers. Dans tous les métiers, on conçoit que les gens soient plus fatigués à la fin de la journée qu’au début… Rien de tel quand on est conseiller dans un centre de contacts : du 1er appel de la journée au dernier, il faut faire preuve de la même disponibilité pour le client et de la même énergie. Et au 70ème appel de la journée, pour peu que le client soit un peu énervé, cela ne va pas forcément de soi…
Créer du lien
Il faut donc en permanence recréer de la dynamique et c’est le rôle de toutes sortes de petits challenges que le manager va devoir proposer et surtout animer pour booster les énergies individuelles et l’esprit d’équipe. Il faut que les challenges proposés aient une dimension ludique. Typiquement, quand un plateau commence à ronronner à mi-journée, le challenge peut-être de récolter le plus de “merci beaucoup” possible de la part des clients dans l’heure qui suit. Le premier qui réussit à générer un “merci beaucoup” gagne quelque chose – un café, par exemple. L’équipe “perdante” se verra, pour sa part chargée d’organiser un pot “afterwork” ou devra apporter les croissants le lendemain matin. Cela n’a l’air de rien mais c’est très efficace pour créer du lien et de l’émulation.
Les petits challenges ne remplacent évidemment pas les incentives basés sur l’atteinte d’objectifs commerciaux, d’efficacité ou de rentabilité opérationnelle. Tout le talent des managers consiste à émuler sainement les équipes pour qu’elles obtiennent le meilleur ranking possible. Il ne s’agit pas de jouer les équipes les unes contre les autres mais d’encourager la performance collective et de la reconnaître. Si les signes de reconnaissance pécuniaires sont toujours appréciés, la mise à l’honneur “symbolique” de l’équipe gagnante et/ou de l’équipe qui a fait la plus belle progression – de la semaine, du mois ou de l’année – le sera tout autant. Charge au manager d’accompagner avec encore plus d’attention les équipes et les collaborateurs qui progressent moins vite – sans les stigmatiser, et en sachant reconnaître les efforts de chacun et célébrer les réussites, grandes ou petites.