Dossier à rendre, mails en retard, réunion à préparer… Toutes ces tâches à réaliser s’accumulent et vous trottent sans cesse dans la tête. Comment soulager votre mémoire et votre cerveau ? Découvrez les conseils de Romain Bisseret, président de la société de formation et de coaching In Excelsis, auteur du livre « 60 minutes pour se libérer de sa charge mentale » (Gereso). Un livre conçu comme un outil anti charge mentale.
1° La charge mentale, c’est quoi exactement ?
Il s’agit de l’occupation de la mémoire de travail, de ce que l’on a en tête sur le moment et que l’on oublie rapidement une fois la tâche effectuée. Car il n’y a aucun intérêt à stocker ces informations de court terme. Le problème c’est qu’on intègre d’autres choses qui ne devraient pas y figurer. Par exemple, un message à écrire et que l’on garde à l’esprit pendant des jours. Or, plus on met de choses dans la mémoire de travail, moins elle est disponible immédiatement, pour son usage originel. Par conséquent, on a tendance à s’auto-interrompre, même si l’on coupe tout, le téléphone, les boîtes électroniques… Notre cerveau nous rappelle en permanence ce qu’il nous reste à faire, et ce pas forcément à bon escient : certaines choses peuvent prendre une importance démesurée, on y pense le soir et le week-end alors que ce n’est pas opportun. Donc il faut parvenir à tout sortir de sa tête pour que la mémoire de travail fonctionne correctement et ne pas risquer des oublis.
L’impact des nouvelles technologies
Il y a une dizaine d’années, on ne parlait pas de charge mentale, sauf dans la recherche autour de l’apprentissage et des différents types de mémoires. Mais à présent, il y a beaucoup plus d’informations à traiter et de tâches à accomplir en même temps et immédiatement. Face à l’injonction actuelle de rapidité et d’instantanéité, il est devenu très difficile de gérer les priorités. Cela génère beaucoup de stress, et comme cela ne s’arrête jamais, on est comme un hamster qui tourne en surchauffe dans sa roue ! La charge mentale est d’ailleurs l’une des causes du burn-out. Car le cerveau humain ne peut pas porter son attention sur plus de quatre choses simultanément, des études scientifiques l’ont montré. Aucun humain n’est vraiment multitâche et ne sait bien faire plusieurs choses à la fois. Il faut pouvoir évacuer un maximum d’informations et d’actions pour ne plus être parasité.
Le brouillage des frontières accru par le télétravail
Depuis plusieurs années, je suis 100 % en distanciel et j’y vois de nombreux bons côtés. Mais exercer son activité professionnelle à la maison brouille les pistes, y compris spatialement. Or l’organisation de l’espace, c’est capital. Il n’y a plus de frontières et bien souvent on travaille plus qu’au bureau ! Par conséquent, la charge mentale personnelle grandit faute de temps à y consacrer : on n’a qu’une vie, dans laquelle on fait plein d’activités différentes, certaines pour lesquelles on est payé, d’autres non, mais on essaie de tout mener de front. Et il ne faut pas trop sectoriser car des aspects personnels peuvent être tout aussi importants que des considérations professionnelles. Et puis les premières peuvent constituer des moments de respiration bénéfiques, à intercaler dans son agenda pour tenir la pression. Se ménager des breaks est fondamental pour rafraîchir le cerveau !
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2° Non, nous ne sommes pas tous égaux face à la charge mentale !
Il existe tout d’abord une différence sociétale entre les femmes et les hommes. Les femmes ont une double charge, entre les vies professionnelle et personnelle. On observe cependant que la disparité se fait surtout en fonction de qui gagne le plus d’argent dans un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel : en règle générale, celui ou celle qui a le revenu le plus important s’investit moins dans les tâches privées.
Ensuite, quand on est jeune, on porte plus facilement la charge mentale. On se fatigue moins vite. Quand je donne des cours à l’ESCP, les étudiants de cette école de commerce parisienne ne voient pas le problème. Ils n’ont pas de vie de famille à gérer. Mais ils peuvent avoir du mal à se concentrer à cause de l’usage permanent des nouvelles technologies. Donc malgré leur énergie plus grande, il est aussi nécessaire de soulager leur cerveau.
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3° Les listes, vos meilleures alliées
Il faut faire des listes, mais non dans l’idée d’en venir systématiquement à bout : si je ne veux plus rien avoir à faire, je deviens ermite dans le désert, et encore ! Donc, du simple fait que l’on soit vivant, nous avons toujours des choses en cours, c’est normal, ce n’est pas grave. Il faut bien s’organiser sans se décourager. Et mieux vaut relativiser pour éviter de se mettre trop de pression, en se disant : « j’ai assuré l’essentiel ». D’ailleurs, ce que je propose dans mon livre, c’est une assurance de tranquillité. En effet, les listes sont comme les disques durs externes pour l’ordinateur, qui symbolise le cerveau. Noter la tâche dans une liste précise, cela évite les mini-fatigues qui s’accumulent. Par exemple, lire plusieurs fois le même message : quand on le reçoit, puis deux heures après, puis le lendemain, etc. Comme on n’a pas le temps de le traiter, on y revient sans cesse et cela prend beaucoup d’énergie et de temps. Alors que si on l’inscrit une fois dans la liste, c’est clarifié et on n’y revient que le moment opportun pour finaliser efficacement.
La méthode des petits pas
Les listes permettent de prendre du recul et de mettre en place la méthode des petits pas : il est fondamental d’énumérer des tâches successives pour ne pas procrastiner et s’épuiser. D’autant que certaines macro tâches peuvent paraître très chronophages et énergivores pour le cerveau : c’est trop gros, donc je reporte à plus tard. Alors que si l’on réfléchit une fois aux différentes étapes pour y arriver, on avance par petits bouts et on évite les plans sur la comète. Il convient donc de distinguer le résultat attendu, le cap visé, des différentes actions et des jalons à poser pour les atteindre. Pour être disponible et présent dans l’action, il faut donc noter TOUT ce que l’on n’est pas en train de faire. Et pas seulement les points importants, dont d’ailleurs, on se souvient la plupart du temps sans avoir besoin de les écrire. Une fois tout consigné dans son système externalisé, on a une meilleure capacité de concentration : mon cerveau me sert à mener à bien la tâche du moment, et non pas à me souvenir en parallèle de ce que je dois faire après.
Une gestion rigoureuse des listes
Il faut être régulier et rigoureux dans la gestion des listes qui évite d’avoir tout en tête de manière mélangée : on établit des listes selon des filtres, en fonction de thématiques et/ou des priorités, pour bien les différencier, ce qui évite de toutes les consulter tout le temps. Je vois dans cette dimension dynamique un aspect ludique. Si elles sont bien faites, les listes me permettent, à chaque instant où je les consulte, de voir immédiatement la priorité. Cela aide à fonctionner mais il faut assurer la maintenance, car la liste du lundi n’est pas celle du jeudi : tout bouge très vite. Il faut différencier l’urgent de l’important… À ce sujet, je ne laisse jamais quelqu’un me dire que c’est urgent sans me préciser un chiffre en même temps car sinon je ne peux rien en faire. J’ai besoin de savoir d’emblée si l’urgence est pour dans une heure, deux jours ou une semaine. Donc pour tout de suite ou plus tard, ce qui me permet de m’organiser en conséquence.
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4° Les atouts des cartes mentales
Elles sont complémentaires des listes. Certains commencent par cela puis déclinent des séries d’actions, d’autres font l’inverse. Peu importe. Les premières permettent de cartographier ses responsabilités, le rôle que l’on a à jouer, les projets et les résultats à atteindre. C’est très utile dans la répartition des tâches au sein d’une famille ou d’une équipe. Et cela doit s’accompagner d’une bonne communication : pour que ça fonctionne, il faut discuter pour s’organiser, mettre les choses à plat en recensant les préférences de chacun et en répartissant équitablement les tâches pénibles pour tous… Au travail, la cartographie passe par la fiche de poste. Mais, bien souvent, les collaborateurs vont au-delà, ils endossent d’autres rôles qu’il est indispensable de recenser. Je conseille donc aux managers de faire cette cartographie pour eux-mêmes et les membres de leur équipe, afin de rechercher un consensus, en particulier concernant les tâches transversales. Dans mon entreprise d’une quinzaine de personnes, nous faisons un point tous les mois et nous reposons les bases des listes et cartes tous les trimestres, selon ce que chacun aime et sait faire.
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5° Apprendre à déléguer
Savoir déléguer et faire confiance, c’est fondamental pour alléger la charge mentale. À condition d’accepter les erreurs des autres. Et de bien former les managers, qui, souvent, étaient d’excellents exécutants, mais ne savent pas forcément gérer leur équipe. Ce n’est plus à eux de faire : ils doivent transmettre leur expertise, leurs compétences. Il faut laisser faire et lâcher prise, en ayant pris soin de poser les attendus, de clarifier et de se mettre d’accord pour que chacun comprenne bien son rôle et l’accepte. Un de mes dadas en tant que coach, c’est enlever le flou ! Mais attention, il ne faut pas tomber dans le micro-management et l’ingérence : en équipe, on définit les résultats à atteindre, les grandes lignes et chacun s’organise ensuite, en élaborant ses propres listes d’actions à mener, dans lesquelles le manager n’a pas à s’immiscer.
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