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Christophe Mansuy, DRH de Colas : « Les collaborateurs ne se contentent plus de promesses »

Depuis l’été 2023, le nouveau DRH de Colas prend à bras-le-corps les enjeux humains qui animent l’entreprise française de construction d’infrastructures de transports. Parmi les promesses à tenir : féminiser le secteur ou encore baisser de 30 % les émissions de gaz à effet de serre.

Que privilégiez-vous lors des recrutements ?

C.M. Nous sommes attentifs au potentiel de réussite, car Colas est une formidable machine à former. Même si le candidat n’a pas toutes les compétences requises pour le poste, nous le recrutons pour son savoir-être. Nous ne cherchons pas des clones, mais des personnes motivées qui souhaitent acquérir de nouvelles compétences. La moitié des personnes qui intègre Colas aujourd’hui n’exerceront pas le même métier à la fin de leur carrière. Les collaborateurs doivent être prêts à sortir de leur zone de confort périodiquement, et nous les accompagnons pour maintenir leur niveau d’employabilité. Pour les former, nous privilégions la proximité entre le manager et les équipes et nous promouvons les carrières non-linéaires. Il ne s’agit plus seulement de progresser hiérarchiquement pour prendre en responsabilités, mais de connaître différents environnements de travail, équipes, clients ou géographies. C’est désormais indispensable pour développer les compétences attendues d’un manager moderne.

En parlant de montée en compétences… formez-vous vos collaborateurs à l’intelligence artificielle (IA) ?

C.M. Oui ! L’IA intervient à plusieurs niveaux. Nous l’utilisons sur le terrain pour analyser l’état des routes et trouver les solutions appropriées aux défauts décelés par le logiciel. Et nous la déployons dans les bureaux pour analyser, par exemple, des documents d’appels d’offres. L’IA nous aide à détecter des incohérences dans des documents volumineux et complexes afin de clarifier la situation avec les clients. Côté ressources humaines, nous développons des solutions d’aide au recrutement (tri des CV) et d’aide à la gestion administrative (un chatbot répond aux questions des collaborateurs). Nous avons recruté des data scientists et des data analysts pour former aux nouveaux outils digitaux. C’est rapide grâce à une interface intuitive, ces outils sont simples à utiliser. L’IA permet d’alléger certaines tâches répétitives à faible valeur ajoutée. Une opportunité pour les collaborateurs de faire évoluer leurs compétences ou de se spécialiser sur d’autres sujets.

Dès 2019, Colas accordait de l’importance au bien-être au travail. Quelle forme cet enjeu prend-il en 2024 ?

C.M. Selon moi, le bien-être au travail ne passe pas par la mise à disposition d’un baby-foot dans les bâtiments. Cela ne rend pas les collaborateurs heureux dans leur travail. Aujourd’hui, un salarié quitte son entreprise pour deux raisons : la rémunération et la relation avec le manager. Nous mettons donc en place un système de rémunération compétitif et instaurons un lien de confiance entre le top management et les collaborateurs. Quand nous nous déplaçons sur le terrain, nous valorisons leur travail et écoutons leurs interrogations. Il n’y a pas de tabou. Un troisième point est un prérequis essentiel : la sécurité. Sur les chantiers, lorsqu’un collaborateur se rend compte, quelle que soit sa position hiérarchique, qu’il semble y avoir un enjeu de sécurité, alors nous arrêtons immédiatement l’opération. Nous faisons une analyse poussée afin de reprendre les travaux dans de bonnes dispositions, avec les bonnes équipes, les bons équipements et les bons outils. Mon devoir, c’est que chacun et chacune rentre intègre chez lui le soir. En octobre dernier, nous avons lancé une enquête auprès de l’ensemble des collaborateurs et avons obtenu un taux d’engagement de plus de 80 %. C’est énorme ! Il n’y a pas de recette unique, le bien-être dans la sphère professionnelle est un travail de longue haleine… 

Autre travail de longue haleine : réduire votre empreinte écologique. Où en êtes-vous ?

C.M. En tant qu’entreprise, nous avons conscience de notre responsabilité sociétale et des nouvelles attentes de la jeune génération. La décarbonation de nos activités fait partie du quotidien de nos collaborateurs depuis 2020. Tous les ans, les entités se fixent des objectifs à atteindre pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici à 2030. Nous venons, par exemple, de gagner un projet d’hydrogène à Dunkerque, étudions des solutions électriques sur des engins de chantier, travaillons sur des projets moins polluants pour la composition et la mise en œuvre de nos revêtements routiers, recyclons et réutilisons des rails, et passons les véhicules de fonction à l’électrique. Nous sommes certifiés SBTi, ce qui signifie qu’un organisme extérieur vérifie, chaque année, que nous respectons notre trajectoire et rend les résultats publics. Nous savons que les collaborateurs ne se contentent plus de promesses. S’il est encore difficile de mesurer l’avantage compétitif de ces engagements, nous sommes convaincus que cela compte pour nos collaborateurs et futurs talents. 

Colas souhaite justement recruter les « talents de demain ». À quoi ressembleront-ils ?

C.M. Les talents de demain devront être agiles et avoir une grande faculté d’apprentissage. Les travaux de construction resteront au cœur de nos métiers, mais évoluent vers plus de mécanisation et de digitalisation. Nous avons moins besoin de force physique, ce qui va féminiser le secteur du ­BTP. Encore aujourd’hui, il est difficile de recruter des femmes dans certains pays, dont la France. Pour changer la donne, il faut s’attaquer au problème dès l’éducation : au collège, la répartition des filles et des garçons est égale, mais c’est moins vrai au lycée dans les filières scientifiques, et pire encore dans les écoles d’ingénieurs où nous recrutons. Il s’agit de montrer aux jeunes filles que nous avons des collaboratrices qui aiment leur travail et exercent des responsabilités. Aujourd’hui, nous comptons 20 % de femmes parmi nos cadres et 13 % de managers. C’est une proportion trop faible, nous continuons à évoluer.

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