S’il est possible d’être une personne influente sans pouvoir, il est difficile d’envisager un détenteur du pouvoir sans influence. « Cela existe, bien entendu. Mais le pouvoir d’un dirigeant sans influence n’a que peu d’impact sur les autres », regrette Franck Nicolas, auteur de L’effet 110 : Comment enrichir sa vie et sa carrière à 110 % et décupler ses résultats, publié en mai 2024 (Robert Laffont), et fondateur de l’école de coaching BECOACH. En entreprise, le statut hiérarchique conférant le pouvoir ne suffit donc pas. Il s’agit de développer son influence, soit sa « capacité à intervenir sur les prises de décisions », définit-t-il.
1. Alignement personnel
L’influence est d’abord « un état d’esprit et une compétence », indique Franck Nicolas. Aussi, influencer les autres « commence de l’intérieur ». Un alignement entre ses valeurs personnelles et celles insufflées par l’entreprise est indispensable. Surtout lorsqu’on est en position de responsabilités : « La quête de pouvoir conduit rapidement à l’isolement en raison d’une surcharge de travail et des prises de décisions difficiles. Seule l’éthique personnelle face à ce qui est demandé permet de supporter cette pression sur le long terme », explique l’auteur. Débarrassé de sentiments tels que la frustration et la culpabilité, le (futur) dirigeant sera en mesure de « réguler ses émotions, réactions et actions. La maîtrise de soi est fondamentale pour avoir de l’influence sur son environnement et favorise la confiance en soi. Autre atout indispensable », insiste-t-il.
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2. Connexion aux autres
Ensuite, l’influence passe par la capacité à se « connecter émotionnellement aux autres, à avoir une conscience aiguë des dynamiques humaines », poursuit l’expert en leadership. Aussi, il est nécessaire de disposer d’une intelligence émotionnelle affutée afin de « de comprendre les motivations des autres, y répondre, se lier à eux durablement, afin de construire de solides réseaux relationnels. » Selon lui, l’individu désireux de détenir (ou de garder) le pouvoir doit analyser ces réseaux d’influence, identifier le détenteur du pouvoir officieux, mettre en place des alliances stratégiques. Puis, être en mesure d’« anticiper les changements et être flexible, car les alliances évoluent en permanence au sein d’une organisation. »
3. Vision forte
Cela démontre que « le titre hiérarchique n’est pas suffisant, voire ne signifie rien pour certains. Aujourd’hui, les salariés ne suivent plus aveuglément un dirigeant, ils suivent une idée », abonde Franck Nicolas, en prenant le célèbre exemple de l’ancien PDG d’Apple, Steve Jobs : « Il était connu pour être dur, voire désagréable avec ses équipes, mais elles le suivaient quand même, car il les mobilisaient, non pas autour de sa personne, mais autour d’une vision révolutionnaire, enthousiasmante, tournée vers l’avenir. »
Autres exemples ? La militante pakistanaise pro-éducation, Malala Yousafzai, ou la militante écologiste suédoise, Greta Thunberg, souligne le spécialiste en leadership. « Ces deux femmes n’avaient aucun pouvoir, n’étaient pas connues du grand public, et n’avaient pas de légitimité particulière à prendre la parole sur ces sujets. Pourtant, elles ont eu un rayonnement mondial, presque du jour au lendemain, car elles portaient un message puissant qui répondait à des attentes fortes au sein de la société. » Ces personnalités avaient un atout commun : la maîtrise de l’art oratoire. Car « pour faire passer ses idées et mobiliser des individus autour d’un objectif commun, il faut être persuasif et les convaincre », stipule l’auteur. Attention toutefois à ne pas exagérer les joutes verbales au risque d’engendrer « de la désillusion chez les autres ».
À noter qu’au sein d’une organisation, « tout le monde peut avoir de l’influence sur tout le monde. Consciemment ou inconsciemment. C’est surtout une question de degré d’influence : souhaite-t-on influer à petite ou grande échelle ? », invite à s’interroger Franck Nicolas. Les personnes les plus influentes ne sont pas systématiquement les plus visibles ou celles disposant du plus gros caractère. « Une personne calme et discrète, par exemple, peut influer sur ses collègues inquiets simplement par sa capacité à écouter et à apaiser, illustre l’auteur. C’est un phénomène parfois inexplicable lié à l’énergie dégagée par chacun. »
Pour conclure, l’influence est une forme de pouvoir informel, « parfois plus fort » que le pouvoir hiérarchique formel. D’après l’expert en leadership, il s’agit de ne pas en faire un outil de manipulation : « Dans une relation positive, l’influence permet d’avoir deux gagnants, contrairement à une relation négative, faite de manipulation, où il n’y a qu’un gagnant : le manipulateur. »